Cory Dobson était chargé de relever les noms à l'entrée. Le bal de charité était une véritable plaisanterie mais, comme -dans tout ce qu'il entreprenait- il avait une confiance absolue en Jonathan Buckley, il accepta sans broncher le poste qu'on lui avait attiré pour la soirée. Cory se demandait si encore une fois de plus; quelqu'un tenterait de franchir les passages de sécurité menant au 33.1, cette perspective lui fit grimacer des dents. Il risquait sa vie pour chaque journée passée à mettre sous microscope les atrocités causées par la nature : les mutants. Il les détestait et pour cause ; l'un d'entre deux avait, par accident -la belle blague- faillit lui écraser le crâne. Les mutants étaient indésirables mais, hélas, ni un nom, ni une carte d'identité pourrait lui indiquer de quelle natures ils étaient.

Chaque employé de Livingscorp portait une tenue de soirée avec un rappel des couleurs de Noël. Pour sa part, Cory portait un costume flambant neuf ainsi qu'une cravate rouge et blanche, laquelle représentait un père Noël en traineau. Livinscorp était plus qu'un organisme de recherche, c'était une entreprise de prestige reconnue dans le monde, elle soignait aussi bien ses locaux que ses employés. Un budget y était consacré, l'image des chercheurs, des secrétaires... tout était passé au peigne fin. Néanmoins, il trouvait cette fête hypocrite. Ses collèges féminines; habituellement froides, pressées et hautaines accueillaient les visiteurs avec de larges sourires, de grandes poignées de main, vêtues de robes de soirées ou de tailleurs dernier cri d'où pointaient leurs noms et leurs statuts. Jonathan quant à lui, riait aux éclats et s'attardait fort bien dans le but de répondre aux questions des journalistes, à poser devant la pile de présents et le dépôt d'argent. Il adressait de grands regards à ses employés et venait les voir à grand renforts de « vous êtes venus ! », « comment vas votre famille ? » ou encore « formidable n'est-ce pas ! Les enfants ne seront pas privés de Noël une fois de plus, Jonathan Buckley vous le garanti !»

[HJ] A vos claviers ! Des interventions régulières par l'équipe administrative surviendront via le biais du PNJ Collateral Damage. Amusez-vous et profitez de la musique, de nombreux groupes, chanteurs, de tous genres musicaux se prêteront au jeu dans le but d'offrir à ses enfants, un véritable Noël.

Nicole et James McKinley étaient la preuve que les bonnes personnes existent. Concernés par de nobles causes, aider leurs semblables leurs paraissait tout à fait naturel. Oui, Nicole et James aimaient se sentir utile. Observant mes parents marcher devant moi, je me dis alors que j'étais bien tombée. J'avais énormément de chance d'avoir rencontré leur chemin. Je me souvenais du jour où je les avaient vus pour la première fois. Je n'étais encore qu'une gamine, j'avais quoi ? Onze ans d'après les médecins. Nicole était celle qui était venue me voir la première. Psychologue spécialisée pour les enfants, le cas d'une enfant abandonnée, amnésique et silencieuse l'avait interpellée. Elle en avait passé du temps à m'observer, à essayer de me comprendre, à espérer que je ne lui dirais ne serais-ce qu'un mot. Je semblais avoir subi un terrible traumatisme. C'est elle qui avait eu l'idée de m'emmener chez elle, de servir de famille d'accueil. Elle avait bien remarqué que la vie à l'orphelinat ne me plaisait pas. Au départ, j'ai détesté l'idée, mais finalement, je ne regrette pas de l'avoir suivie. Elle m'a offert un foyer et m'a fait entrer dans sa famille. Elle avait été patiente avec moi. Je me souviens de son sourire, le jour où j'ai décidé de ne plus me taire. Elle avait réussit à me mettre en confiance, moi qui était tant effrayée. Plus tard, elle et son mari décidaient d'officialiser la situation, d'être aux yeux de la loi et des administrations mes parents. Bien sûr, ils me demandèrent mon avis. J'en fus ravie. Arrivant au niveau de l'entrée de Livingscorp, je m'arrêtais. L'homme chargé de l'accueil relevait nos noms, mon père se chargeait de payer l'entrée. Mes parents étaient des gens généreux et il était évident que cette soirée ne se passerait pas sans eux. Il était question d'enfants des milieux défavorisés qui n'avaient pas la chance de profiter d'un noël. A presque un mois de cette célébration, Livingscorp avait organisé ce gala dans le but de collecté des fonds pour ces enfants, afin de leur offrir un noël. Une cause tout à fait remarquable. J'avais de la chance. Mes parents m'avaient toujours offert le meilleur. J'aurais très bien pu ne pas avoir autant de chance. Où serais-je si les McKinley ne m'avaient pas recueillit ? J'avais décidé d'accompagner mes parents à cette soirée, j'avais envie de faire quelque chose de bien. Je pénétrais à l'intérieur de l'établissement, après avoir payer mon entrée. Je tenais à le faire moi-même. Mon père m'avait bien proposé de payer mon entrée, mais j'étais une adulte maintenant. J'étais majeur depuis cet été... enfin c'était la date d'anniversaire que j'avais choisis. Je ne connaissais pas la vraie. Dans le fond, peut-être que j'étais plus vielle ou plus jeune. Je n'en sais rien. J'essayais de ne plus y penser. Le fait de ne pas connaître ce simple détail était très frustrant pour moi. Le fait de ne rien savoir de mes origines l'était aussi. J'aimais ma famille, mais j'avais besoin de savoir d'où je venais, vous comprenez ? J'étais incapable de me souvenir de quoi que ce soit. On dit aux amnésique que la mémoire leur reviendra un jour. Foutaises !! Ce n'est pas vrai dans tous les cas. Je balayais la salle du regard, il y avait déjà pas mal de monde. « Tant que je ne toucherais personne, il n'y aura pas mort d'homme » pensais-je. Vous n'imaginiez pas à quel point c'est angoissant de savoir qu'un simple contact de ma peau avec celle d'un autre peut causer une perte de conscience... ou même pire. Mes parents s'arrêtèrent pour discuter avec de vieux amis, je décidais quant à moi d'aller faire un tour de mon côté. Je n'avais pas tellement de connaissance, mais peut-être que je croiserais quelques visages familiers.

C’était tout simplement ridicule. Mason m’avait dit que Livingscorp avait organisé ce gala pour cacher les horreurs qu’ils faisaient. D’après lui, ils utilisaient lâchement les humains, victimes des mutations qu’avait entrainé la chute de météorites sur le Kansas, pour étudier les phénomènes paranormaux. Je ne pouvais être d’accord avec ce genre de comportement étant moi-même une des actrices de ces phénomènes paranormaux. Je venais d’une autre planète. Mason m’avait avoué que si quelqu’un était eu courant, ils essaieraient surement de me vendre. Qui voudrait sympathiser avec un extra-terrestre ? Les humains étaient beaucoup trop terre-à-terre pour comprendre ce genre de choses. Ma planète avait été détruite et même si je voulais partir, je ne saurais où aller ni même comment m’y prendre pour y aller. Et puis j’aimais bien les humains, ils étaient ma famille maintenant, j’avais appris à vivre avec eux alors que mes souvenirs me faisaient défauts. J’avais donc décidé qu’il était temps de voir ce que les ennemis pouvaient faire, jusqu’à quel point cette mascarade pouvait aller. C’était simple, Mason avait tout simplement raison. Ils utilisaient ce gala de charité pour faire oublier aux réticents toutes les horreurs qui alimentaient les rumeurs. J’avais eut de la chance, j’avais été recueilli par Mason mais qu’est ce qui serait advenu de moi si j’avais été capturé par ces personnes. J’avais emprunté la voiture de Mason, mon frère aux yeux de tous, pour me rendre à cette réception. Je n’avais jamais pris de cours de conduite, mais une auto fonctionnait comme n’importe quel ustensile électrique, à l’aide de formules mathématiques complexes que j’avais la capacité de comprendre mieux de n’importe qui. Bref, maintenant j’étais dans la voiture et la j’espérais ne pas rencontrer la police, n’ayant pas de permis, ça aurait été plutôt malvenu. J’arrivais rapidement dans le parking de la corporation. Toute la ville avait dû se déplacer pour l’occasion. Je me garais très loin de l’entrée, prévoyant de faire le reste du chemin à pied. Je frissonnais quand j‘ouvris la portière avant. On était au mois de novembre et la robe rouge que j’avais confectionnée n’était pas réellement ce qui était de meilleur pour les soirées fraiches. J’enfilais ma veste par-dessus ma robe et parti en direction de l’entrée veillant bien à verrouiller la voiture derrière moi. Déjà que je n’avais pas demandé l’autorisation à Mason pour la prendre, si on la volait il ne m’aurait jamais pardonné. J’espérais d’ailleurs qu’il ne remarque pas les voyages qu’avait fait la voiture pendant son absence. Un jeune homme ouvrit la porte quand j’arrivais. Je le remerciais d’un hochement de tête, le service pendant ces soirées avaient la réputation d’être toujours satisfaisant. En même temps, vu l’argent qu’il gagnait à faire ça, ils avaient plutôt intérêt à ce que ce soit irréprochable. Je payais l’entrée, grâce à la réputation de Mason, les gens aimaient bien ma personne, malheureusement, personne ne me connaissait réellement pour la personne que j’étais. Je retirais le manteau qui cachait la magnifique robe bustier que j’avais confectionné seule. Si ça pouvait faire un peu de publicité à ma petite boutique, ce serait génial. J’avais envie de faire connaitre mes créations, avoir la chance de faire parti du grand monde moi aussi. C’était mon rêve. Mason m’avait dit qu’il fallait que je garde ma véritable identité si je voulais que tout ça fonctionne, il disait que les gens avait beaucoup de mal à accepter la différence. Je serais un extra-terrestre pour eux, rien d’autre, j’étais une étrangère qui était venu sans vraiment demander l’autorisation aux terriens, bref, j’étais un peu dans l’illégalité vis-à-vis de la Terre. J’entrais dans l’immense salle de réception, la salle était tout simplement magnifiquement décorée. Ils ne faisaient pas les choses à moitié dans ce truc. Je m’approchais du buffet, pris un verre de champagne sur les plateaux et me baladait parmi les invités. Au loin je découvris alors la jeune Jaymee que j’avais rencontré il y a quelques temps. Je m’approchais d’elle. Je connaissais la réticence qu’elle entretenait à mon égard. M’adressant à son dos je lui lançais un : « Je ne m’attendais pas à te voir par ici. » J'avalais une gorgée de champagne.

L'évènement étant de taille, il avait bien fallu que je me vêtisse en conséquence. J'aurais l'air d'une idiote si je portais les mêmes vêtements que j'avais mis pour aller à l'université. Ma robe était blanche et m'arrivait au-dessus des genoux, ma taille était marquée par une ceinture rouge. J'avais fait l'effort d'assortir mes chaussures qui étaient donc rouges aussi. Je portais un gilet accordé à ma robe. Je préférais éviter de découvrir mes bras et mes épaules à cause de mon pouvoir. Mes cheveux qui étaient coiffés en demi queue de cheval retombaient sur mes épaules. Évoluant parmi ma foule, je m'arrêtais près du buffet afin de me servir un verre de champagne. Je ne buvais pas souvent, mais ce n'était qu'un petit verre.

« Je ne m'attendais pas à te voir par ici. » - dit une voix douce et féminine. Je me retournais pour faire face à la personne qui m'avait adressé la parole. Immédiatement, je reconnaissais Charlotte. Mon visage se crispa. Parmi tout le gratin de Wellington pourquoi avait t-il fallut que je la croise elle ? Il y'a quelques temps, j'avais fait la rencontre de Charlotte. La jeune femme n'était pas quelqu'un de méchant ou de désagréable, mais je préférais l'éviter. Oui, car Charlotte savait ce que j'étais capable de faire, que j'étais un monstre. Elle m'avait vue utilisant mon pouvoir. Je ne l'avais pas fait exprès. Je prends toujours énormément de précautions pour ne faire de mal à personne. Je m'interdis tout contact physique. Seulement, cette fois-ci, il s'était approché de moi de trop près. Un contact qui lui avait valu un étourdissement. Cet incident me rappelait à quel point ce pouvoir était un fardeau. C'était une véritable malédiction. Je me souviens du début, du jour où j'ai pris conscience qu'avec un simple contact je pouvais absorber l'énergie vitale d'une personne. Mon petit ami s'était évanoui après l'un de nos baisés. Il est resté une semaine dans le coma. Autant vous dire que je n'étais pas prête à avoir une nouvelle relation. C'était bien trop risqué. Qui voudrait avoir une petite amie telle que moi ? Personne. Je fixais Charlotte. Bizarrement, elle ne semblait pas avoir peur de moi. Toute personne normal se serait certainement éloigné le plus possible, pas elle. Peut-être qu'elle est folle ? J'ignore quelles sont ses intentions, pourquoi est-ce qu'elle est si gentille ? Pourquoi essaie t-elle de me comprendre ? Je ne veux qu'une chose : qu'elle s'en aille. J'aimerais tant qu'elle oublie ce qu'elle sait sur moi. Je bus plusieurs gorgées de champagne, j'en avais bien besoin - « Je ne m'attendais pas non plus à te voir ici... » - dis-je avec froideur. Ce n'était pas de la méchanceté, plutôt de la méfiance. « Je n'aurais peut-être pas du venir » pensais-je. Il est clair que si j'avais su, je serais probablement restée à la maison. La regardant de nouveau, je répliquais d'un même ton - « Qu'est-ce que tu veux ? Tu ne connais pas d'autres personnes ici ? »

« Noël n'oubliera personne cette année ! Nous tenions vraiment à nous investir auprès des enfants défavorisés. Il faut savoir que chaque année, des milliers d'enfants sont privés de Noël. Cette soirée sera placée sous le signe de la solidarité. Nous espérons récolter un maximum de fonds, ils permettront d'offrir aux enfants un Noël magique. »

Je soupirais, me rappelant les propos que j'avais pu lire dans l'article du journal de ce matin. Ce Jonathan Buckley - porte parole de Livingscorp - ne reculerait devant rien. Je n'étais pas dupe. Je savais que les intentions de cet organisme n'étaient pas celles qu'on imaginait. Dans le fond Jonathan et Livingscorp étaient bien plus concentrés sur leurs propres intérêts que sur ceux des enfants. Tout ceci, ce n'était qu'une mascarade. Si certaines rumeurs couraient à propos de la corporation, beaucoup de gens ignoraient encore qui ils étaient. Je n'étais pas de ceux-là. C'est fou ce que les choses avaient changé en trois ans. Il y'avait eu cette pluie de météorites et certains d'entre nous avaient été contaminé par la kryptonite. Moi y compris. J'étais l'un de ces « kryptomonstre ». Oui, on nous avait même donné un surnom. Sympa, n'est-ce pas ? J'ai cru devenir folle au début. J' ignorais que je n'étais pas la seule dans ce cas. Puis, j'avais fini par prendre conscience que nous étions pas mal à avoir été contaminés. Je n'aurais jamais pensé qu'une telle chose m'arriverait un jour, que ça nous arriverait. Qui sont ces autres « mutants » et quelles sont leurs intentions ? Questions auxquels je suis bien décidée à trouver une réponse. Je faisais mes propres investigations. Je tenterais le tout pour le tout ...
Ainsi, j'étais informée sur Livingscorp. Hélas, le niveau 33.1 restait un mystère. Je savais qu'il existait, qu'il s'y passait des choses, mais je ne l'avais pas encore infiltré...

Ce soir, j'avais donc décidé de me rendre au gala de charité. Tout ceci n'était qu'une mascarade, mais je tenais à rester informé. Je tenais aussi à voir de mes propres yeux jusqu'à où Livingscorp était capable d'aller. Je me regardais dans le miroir une dernière fois. « Tenue correcte exigée ». J'avais donc choisi de porter une robe bustier noir. Simple, mais élégante. Mes cheveux ondulés retombaient sur mes épaules. J'enfilais mes chaussures rouges à talon et mon manteau avant de quitter l'appartement et de rejoindre ma voiture.
J'arrivais à Livingscorp quelques minutes plus tard. Le nombre de voitures déjà garées sur le parking m'indiquait que le gratin de Wellington avait répondu présent. Je me garais sur la première place que je trouvais, puis descendis de la voiture. Je marchais d'un pas rapide jusqu'à l'établissement, il faisait si froid dehors. Les beaux jours s'étaient envolés pour laisser place à l'hiver. Je pénétrais dans le hall d'entrée, l'hôte d'accueil m'accorda un grand sourire. « Hypocrite » pensais-je. Comment pouvais-je réfléchir autrement sachant ce que je savais ? Toutefois, je lui retournais un sourire. L'homme relevais mon nom, tandis-ce que mon regard s'arrêta sur sa cravate représentant le père noël et son traineau - « Jolie cravate » - fis-je remarquer. Je n'avais pas pu m'en empêcher. Je payais mon entrée, avant de me diriger vers la salle où se déroulerait le gala. Je balayais la salle du regard, rien n'avait été laissé au hasard. Ils avaient mis le paquet. Je m'attardais quelques instants sur les membres du personnel, leurs vêtements rappelant noël, leurs faux sourires. Tout ceci était tellement faux et le pire, c'est que peu le remarquerait. Ils osaient se servir d'une cause telle que celle-ci : les enfants défavorisés. C'était pitoyable. J'étais exaspéré par tous les moyens qu'ils avaient mis en oeuvre pour parvenir à leur but.

Je me débarrassais à contre-cœur de l'apparence de crasseux que j'avais. Je me coupais les cheveux et enfilais un nouveau costume flambant-neuf que je réussis à trouver sur internet. Soigner mon apparence signifiait que je décidais de rester vivre dans cette réalité. Bien que ce fut un choix, je ne put m'empêcher de penser que je ne pouvais plus revenir en arrière et me forçais à être satisfait de moi-même. Ainsi, je répondis positivement à un appel que j'eus reçut quelques jours plus tôt dans la semaine. Une mystérieuse femme travaillant à Livingscorp m'avais contacté et souhaitais me faire intégrer la société, je ne m'attendais pas à quelque chose de glorieux et imaginais qu'elle eut trouvé mon nom dans une quelconque liste, peut-être m'avait-elle trouvé un poste dans les bas-fons de l'entreprise, un genre de cobaye-humain.

Je remarquais à quel point l'apparence était utile dans ce monde, vêtit d'un costume, cheveux courts et cravate, on m'appelait monsieur sans me regarder de haut en bas, on proposait même de me prendre ma veste et je remarquais avec surprise quelques œillades de jeunes femmes; ahuri mais surtout réconforté de voir que le bon à rien pouvait être apprécié esthétiquement parlant, je me dirigeais vers les dons et y déposais quelques misérables dollars mais hésitais à m'aviser lorsque je remarquais les sommes astronomiques écrites sur les chèques. Je me mordis la lèvre. Passant la main dans les cheveux, je me rappelais les avoir coupés et esquissais un sourire nerveux, je ne pouvais désormais plus me cacher derrière ma mèche habituelle.

Je me sentis comme un parasite, à vagabonder, les mains dans les poches, espérant voir un visage familier et me rappelant que je ne me souvenais pas des gens ou bien que je ne les connaissais pas. Voyant une vieille amie dans un coin, je me précipitais à son encontre, peu désireux de continuer à trainer autour du buffet ou je semblais considéré comme un pique-assiette. Vu la somme astronomique déboursée pour entrer, je méritais bien de grignoter un peu, de plus, mon estomac criait famine, je n'avais engloutis qu'un vieux sandwich à midi. « Bonsoir Jaymee. » Je réalisais que je devais soudainement avoir l'air très snob dans mon costume, vert de Chardonnay à la main, cheveux coupés comme les employés de Livingscorp. Cette vision provoqua mon hilarité, je tentais de la camoufler dans un toussotement. Bouche ouverte, elle me répondit : « Qu'est-ce que tu veux ? Tu ne connais pas d'autres personnes ici ? » « Pardon, je heu... » Je suivis son regard et le posais sur la magnifique créature qui l'accompagnait. Oubliant tout intérêt pour Jaymee et également l'état de léthargie dans lequel je me trouvais depuis quelques semaines mais aussi le peu d'enthousiasme que j'avais à vivre, je dressais un large sourire sur mon visage. Ce soir, je n'étais plus Wyatt Matthews, j'étais le nouveau et respectable Wyatt Matthews ! « Et bien, tu ne me présentes pas ? »

Je détournais mon attention de Charlotte, lorsque Wyatt fit son apparition. Tandis-ce que Wyatt semblait subjugué par la beauté de la jeune femme, une vague d'anxiété me parcourait. Je pensais que je ne voulais pas que Charlotte entre dans mon monde, qu'elle connaisse mon petit monde. Elle connaissait une partie de moi que mon entourage ignorait. Si je voulais qu'elle se tienne loin de moi, je voulais aussi qu'elle se tienne loin d'eux, ma famille, mon peu d'amis. Je n'avais pas confiance, je ne la connaissais pas et une question m'obsédait : Que ferait t-elle de l'information qu'elle avait sur moi ? Je savais que beaucoup d'humains n'appréciaient pas l'apparition de mutants. Si je ne dévoilais pas mon identité, c'est bien parce que j'avais peur de leurs réactions à tous. J'avais été contaminé par cette maudite pierre et j'étais devenue un véritable danger. Que deviendrais-je si le monde découvrait ce que j'étais ? Je ne pouvais pas croire que Charlotte me veuille du bien, comme elle le prétendait. Pourquoi le voudrait t-elle ? Ce n'est pas comme si, elle avait ce point commun avec moi. Charlotte n'avait pas été touchée par la Kryptonite. Alors qu'une humaine veuille m'aider, je n'y croyais pas une seconde. Comme si elle le pouvait de toute façon, j'étais condamnée à rester ce monstre. Il n'y avait pas de recours à cette « magie ». Je peux vous dire que si il y avait eu une sorte d'antidote, je l'aurais pris de suite. Les trois dernières années que j'avais passées avaient été difficiles. Certains se réjouissaient d'avoir eu un pouvoir, mais pas moi. Je voulais simplement redevenir celle que j'étais. J'en rêvais. Seulement, j'avais beaucoup plus de chance de me retrouver enfermée dans une cellule par des fous qui voudraient m'etudier, que de retrouver une vie plus normale. Cette vision de moi prisonnière d'une équipe de scientifique me fit frissonner. J'imaginais des hommes vêtus de combinaisons ne laissant apercevoir aucune parcelle de leur peau pour que je ne puisse prendre leur énergie. Je me voyais subir tout un tas de tests plus horribles les unes que les autres, tel un véritable jouet de laboratoire. Peut-être se serviraient t-ils de moi comme d'une arme contre les ennemis. Je suppose que les années passées enfermée finiraient par me rendre complètement folle.

Je revenais à moi après avoir été ailleurs quelques instants. J'en avais presque oublié la présence de Wyatt, Charlotte et de tous les autres, ce bal et la musique. Je regardais Charlotte, puis Wyatt. Le jeune homme semblait avoir dit quelque chose, je remarquais qu'il me regardait - « Pardon... qu'est-ce que tu as dit ? » - Je ne remarquais qu'ensuite la tenue de Wyatt. Je n'étais pas habituée à le voir vêtu de cette façon, cependant, ce genre lui allait assez bien. On aurait dit un autre Wyatt. J'étais étonnée de le voir ici. Il était là en face de moi depuis quelques minutes déjà, mais je ne m'en étonnais que maintenant. Il m'avait fait comprendre qu'il ne se rendrait pas à ce gala sans une bonne raison - « ... Tu as finalement trouvé une bonne raison de venir ? » - Je détournais mon regard de Wyatt pour observé les alentour, mes yeux s’arrêtèrent sur une blondinette, dont le visage ne m'était pas inconnu : Sara Hawkins.

Ma tante avait exigé que je vienne, elle voulait me présenter ses collèges et me faire visiter un laboratoire, rien de palpitant. Je trépignais d'ennui à l'idée de passer cette soirée. La science et moi, ça faisait deux, et l'idée même de passer une soirée à faire bonne figure auprès de scientifiques me donnais envie de boycotter l'évènement. Mais je ne devais pas lui faire honte, de plus, elle était ma seule famille et subvenais à tous mes besoins; financiers, matériels. Elle m'avait même acheté une robe pour l'occasion, une longue robe blanche aux bordures dorées. Elle était sobre mais voyante car elle pouvait briller à la lumière. J'avais l'impression d'être une bête de foire, voulait-elle que ses collèges me remarque ou avait-elle dans l'espoir qu'on me donna un poste afin de stopper des études pour lesquelles je ne me révélais pas brillante ? Mes cheveux étaient attachés dans un chignon serré et je portais une parure argentée que mon père m'avait acheté. Je me regardais dans le miroir et pris un taxi qu'on m'avait envoyé. Le paysage semblait mort. Les lumières bien qu'aveuglantes ne dégageaient rien et les embouteillages ne signifiaient rien de plus qu'un amas de voitures coincées dans une route. Ce fut pire lorsque j'arrivais à Livingscorp. J'aimais être au centre des évènements... étudiants s'entend, je me sentis gênée à arriver au beau milieu de la route, la voiture s'arrêtant devant le long tapis tape à l'œil qui menait aux portes de la grande bâtisse. Le voiturier m'ouvrit la porte et je descendis en rougissant, passant devant bon nombre de personnes, j'eus l'impression qu'on me dévisageais avec animosité. J'hésitais à m'excuser auprès de la foule mais réfutais cette idée que je trouvais stupide. J'arrivais près d'employés imposants et, malgré ma taille, me sentis intimidée.

« Bonsoir. Heu, je viens de la part de... » « Votre nom ? » « Ambre. Ambre Weasthon. » « Pas sur la liste. Veuillez s'il vous plait vous ranger derrière. » Il m'adressa un grand sourire et me désignait le groupement de personnes. « Cassidy Weasthon. Je suis la nièce de Cassidy Weasthon. » Il me dévisagea avec une expression que je ne compris pas, curieux et ahuri, mais exprimant une certaine crainte face à mon visage, puis une incrédulité soudaine. Il me laissa passer sans me dire mot et je sentis que cette soirée était vraiment trop étrange. Je détestais Livingscorp et cette sensation me rendis mal à l'aise, quelque chose clochait dans cette histoire. Peut-être allais-je passer à la loupe ce soir. Ahah. Mon humour en prenait un sérieux coup et je me dirigeais immédiatement vers un serveur pour lui attraper un verre avant d'en vider rapidement le contenu et de le reposer sur le plateau, celui-ci haussa les sourcils et m'adressais une bribe de sourire poli et hypocrite. Son regard en disait long.

Je cherchais un visage familier mais n'en trouvais aucun et croisais le regard de ma tante que je cherchais à éviter. Dans un mouvement disgracieux, je me retournais et baissais la tête dans l'espoir qu'elle ne me retrouverait pas et cognais dans une personne. - Bonsoir, Sara Hawkins. « Oh pardon, je suis désolé, je ne vous ai pas vue... Vous avez bien dit Sara Hawkins ? La Sara Hawkins ? » Je me souvins d'avoir entendu parler ma tante d'elle, la désignant comme une fouine bien trop curieuse qu'il fallait tenir loin. Un vague écho. « La redoutable Sara Hawkins ? Vous n'avez rien écrit de palpitant ces derniers-temps... vous aviez pourtant l'art de trouver la vérité... » J'admirais Sara Hawkins, je lisais les journaux en court d'histoire de l'art, c'était bien plus interessant. Je n'aimais pas l'actualité mais Sara me suprenais toujours, mais j'étais déçue de lire ce qu'elle écrivait aujourd'hui. Relatant de simples évènements comme... le bal de charité. « Pardon, je suis Ambre Weasthon. » Je me sentais intimidée face à ce petit monde. Le jeune homme qui avait visiblement engagé la conversation avec Sara était raide comme un piquet, un verre à la main, il paraissait snob, quant à l'étudiante à côté, il me semblait l'avoir déjà vu quelque part à l'université, si elle était étudiante, peut-être un rat de bibliothèque que j'avais croisé un jour. Peut-être me connaissait-elle ? Pom-pom girl, populaire, blonde, le stéréotype de l'Américaine par excellence ? Je tentais de me justifier afin d'éviter un blanc après avoir interrompu la conversation. « La nièce de Cassidy Weasthon. Ma tante est scientifique dans les laboratoires de Livingscorp, elle s'occupe de quelques affaires également. » Personne ne devait connaître ma tante... sur ce, je tendis ma main dans l'espoir que la journaliste me la serre, sentant que j'avais encore trop débité.

J'attrapais un verre de champagne sur le plateau du serveur qui passait à côté de moi. Scrutant l'horizon, je cherchais un visage familier. Idée qui me parut deux secondes plus tard assez stupide. La plupart des personnes présentes étaient sûrement des gens de la haute société, de nobles riches. Je ne côtoyais pas souvent ce genre d'univers, moi la petite barmaid du Starlight. Je ne m'en plaignais pas pour autant. Ce monde ne m'avait jamais attiré, ce monde où l'apparence est le maître mot. Le gratin de Wellington était sans doute venu pour se montrer, pour se faire bien voir, plus que dans le réel but d'aider la bonne œuvre. Les journalistes étaient là eux aussi. Demain, des tas d'articles seraient rédigés sur l'événement qui s'était tenu ce soir. L'équipe de Livingscorp devait déjà avoir le sourire aux lèvres, car il fallait l'admettre, cette organisation était une réussite.

Mon regard s'arrêta finalement sur un visage connu, celui d'Ambre Weasthon. Nous ne nous étions pas revu depuis ce fameux soir au Starlight... Ambre avait fuit et ne m'avait pas contacter depuis, elle n'avait pas non plus remis les pieds au club. Je présume qu'elle m'évitait, trop déstabilisée par ce qu'il s'était passé. J'étais un peu frustrée, c'est vrai, elle m'avait planté comme ça, comme une idiote. D'un autre coté, il fallait s'y attendre. Ambre avait trop bu ce soir-là, j'avais bu aussi. Nous avions commencé à jouer et puis... et puis les choses étaient allées plus loin. Je m'étais laissé emportée. Difficile de faire autrement, avec les arguments qu'Ambre avait utilisé. Elle ne savait pas qu'elle me plaisait vraiment. Donc oui, j'étais un peu frustrée, mais je ne lui en voulais pas vraiment. J'avais fini par retrouver la raison et c'était mieux que les choses ne soient pas allées plus loin. Je pensais à mon frère, Kyle, Ambre était son ex et il me paraissait malvenu de faire quoi que ce soit avec Ambre. Je ne savais pas quelle serait la réaction de Kyle. Il ne me semblait pas particulièrement attaché à Ambre, mais vous savez, c'est un homme et j'étais persuadée qu'il n'apprécierait pas. Mon frère était trop important pour que je laisse cette histoire créer une dispute. Je tenais énormément à Kyle, plus qu'a n'importe qui. Ce qui posait souvent des problèmes dans mes relations d'ailleurs. J'avais déjà quitté un homme rien que parce que Kyle et lui ne s'entendaient pas. Mon copain ou ma copine devait accepter mon frère et notre relation fusionnelle. Je me décidais à avancer vers Ambre et le groupe de personnes qui l'accompagnait. Trois femmes dont le visage m'était inconnu et un homme que je ne connaissais pas non plus. Il semblait s'être coiffé comme les employés de Livingscorp, peut-être était t-il l'un d'eux ? Non, probablement pas, les employés portaient tous des tenues rappelant noël - « La nièce de Cassidy Weasthon. Ma tante est scientifique dans les laboratoires de Livingscorp, elle s'occupe de quelques affaires également. » - La tante d'Ambre travaillait à Livingscorp ? Était t-elle mêlée au niveau 33.1 ? Je me demandais alors si Ambre savait ce qu'il se passait ici. Je m'étais arrêtée a côté d'Ambre - « Bonsoir Ambre » - Il fallait que je lui parle. Je l'appréciais et je ne voulais pas qu'elle ait à m'éviter ou à être mal à l'aise en ma compagnie. Je devais mettre les choses au clair. Je me tournais immédiatement vers ceux qui l'accompagnaient - « Bonsoir, Everleigh Sullivan. » - dis-je avec un sourire.

Un jour plus tôt...

« Je suggère de bloquer l'ascenseur principal et les escaliers. On annoncera un dysfonctionnement du bâtiment. » « Un dysfonctionnement du bâtiment ? Est-là l'idée à laquelle vous avez réellement pensé ? » « Avez-vous une meilleure idée, Jonathan ? » « Il me semble que c'est la tâche qui vous as été confiée Cassidy, je me trompe ? » Une assemblée en petit comité était réunie autour d'une table ovale. Les lumières étaient tamisées, des hommes et des femmes en costume se fixaient sans exprimer la moindre émotion, sans note et sans outil de communication. Seul un rétroprojecteur éteint séjournait dans la longue pièce aux baies vitrées. Les couleurs étaient froides et claires, les stores étaient baissés. « En revanche, nous savons tous pertinemment quel dur labeur est-ce que d'inventer un prétexte aussi promptement inutile qu'un bal de charité. » « Et concernant les milliers que vous perdez avec vos projets saugrenus ? Dîtes-moi, quelle initiative avez-vous pris et qui a atteint son objectif, dernièrement ? » « S'il vous plait », coupa la femme, assise à l'autre bout de la table. Croisant les mains sur la table, elle ajouta : « Je pense que nous avons assez perdu de temps. Vous devez renfoncer la sécurité de 33.1 et bloquer l'aile Ouest. A moins que vous ne soyez en désaccord une nouvelle fois. » Elle mit un terme aux joutes verbales des deux précédents. Un autre prit la parole, charismatique, il obtint immédiatement l'attention de tous. « Vous avez jusqu'à demain pour nous amener la créature Cassidy. Si vous pensiez qu'elle agirait comme un aimant en nous apportant ce que nous souhaitons, il s'avère que vous avez eu tord. Il est peut-être temps que vous passiez la main sur ce projet. » « Laissez-moi encore un peu de temps. La phase de socialisation est en cours. Je pensais l'amener au 33.1. » « Quelle est votre thèse ? » « Je pensais lui montrer nos recherches. Cela l'amènera à en parler avec d'autres qui s'avèreront être ce que nous cherchons. Ce n'est plus qu'une question de temps. Bien sûr, ce n'est qu'une hypothèse et... » « Croyez-vous réellement que l'on va risquer une telle chose sur la base d'une... d'une simple hypothèse ?! On se moque de nous, que faisons nous ici ? Organisez une autre réunion lorsque vos projets seront plus concrets, et plus travaillés. » Derechef, elle se leva, suivie de deux autres membres. « Croyez-vous que l'on prendrait de tels risques ? » Jonathan Buckley esquissa un sourire. « Croyez-moi, nous pourrons de nouveau remplir les cellules de 33.1 » « On vous écoute. »

Retour au présent...

Cassidy Weasthon portait une longue robe dorée. Elle aimait la distinction mais par dessus tout son image médiatique. Reconnue pour avoir trouver le remède à des maladies dites incurables et considérée comme une scientifique de renom, elle ne pouvait ternir son image puisqu'elle portait en elle le prestige de Livingscorp. Mais ce que les gens ne savaient pas... c'est qu'elle se trouvait dans la direction du centre de recherche. Elle était l'un des dirigeants phares de l'empire Livingscorp. Mais Cassidy avait bien d'autres ambitions...

De plus, elle avait dans l'idée qu'on la distinguerait bien, vêtue ainsi et s'apprêtait à raconter à qui veut l'entendre que sa nièce s'appelait Ambre Weasthon et qu'elle fut étudiante à l'université de Wellington dans l'espoir qu'un tas d'étudiants s'intéresseraient à la jeune femme par intérêt... elle voulait à tout prix que celle-ci attire les autres afin de pouvoir les détenir sous sa coupe. Ambre était un pion, un être manipulé, une belle mascarade, elle aussi... elle avait un plan, de nombreux plans élaborés des années plus tôt et qui lui accorderaient le prestige et le renom qu'elle attendait encore. Oui, Cassidy Weasthon était avide de pouvoir; et jamais elle n'était rassasiée. Dans un projet à long terme, elle comptait éliminer Maxwell Fordman et ses amis...

Se dirigeant vers le buffet, affichant son plus beau sourire, elle remarqua Sara Hawkins, la fouine de service et se promit de l'éliminer elle aussi, s'attendant à être pourchassée par la journaliste et répondant en attendant à des questions d'ordre plus futiles mais certainement plus stratégiques. « Et bien, je suis ravie également par la présence de tout ce monde, et je remercie encore une fois la générosité de tous ses donateurs. Vraiment merci, ces enfants ne seront pas privés de Noël cette année. Toute comme ma nièce ne passera pas le réveillon seule. Ai-je bien dis ma nièce ? Ambre Weasthon, une jeune étudiante en histoire de l'art. Je vous la montre dès que je la voie, elle connait d'ailleurs très bien les locaux de Livingscorp mais également, ses laboratoires. » Termina t-elle, face à la caméra, un large sourire sur ses lèvres.

« Salut, Jaymee. Contente de voir que ta famille participe à l'événement. Tu crois que ton père pourra m'accorder quelques instants ? » - dit la jeune femme qui venait de nous rejoindre. Je connaissais Sara depuis plusieurs années maintenant, c’était l’une de mes amies. Contrairement à celle de Wyatt, la présence de Sara ne m’étonnait pas. Etant journaliste, c’était son métier de participer aux événements afin d’en parler par la suite. Je lui adressais un léger sourire – « Bonsoir Sara. Tu connais mes parents… dès qu’il s’agit des enfants, ils essaient de faire leur possible pour pouvoir soutenir l’action. » - Je marquais une courte pause – « Je pense qu’il pourra t’accorder un instant. On ira le voir ensemble tout à l’heure si tu veux. » - Mon amie se tourna vers Wyatt, un de mes ami lui aussi. Le faite que ces deux là semblent se connaitre m'interpellait. Me tournant vers Wyatt, je me demandais ce qui lui était arrivé. Sa présence ici, son allure, ses cheveux coupés… bien qu’il le porte bien, j’avais l’impression de ne pas avoir à faire au même Wyatt. Oui, c’était comme si je me trouvais face à un autre homme. J’avais toujours connu Wyatt avec ses cheveux mals coiffés, ses vêtements ternes et son allure négligée. Aujourd’hui, il se fondait dans la masse. Il donnait presque l’impression de faire partie de la bourgeoisie. Mon attention fut une nouvelle fois détournée par l’arrivée d’une autre personne. Une grande jeune femme blonde et maladroite venait de bousculer Sara. Nos regards se croisèrent, elle donnait l’impression de m’avoir reconnu. Il ne me semblait pas la connaître, pourtant. Non, son visage ne me disait rien. Cependant, elle me paraissait assez jeune et peut-être m’avait t'elle aperçue à l’université, si elle était elle aussi étudiante. Elle se présenta comme étant Ambre Weasthon, la nièce de Cassidy Weasthon. Elle parlait beaucoup, au moins cela eut le mérite de m’apprendre qui était Cassidy Weasthon. Je ne connaissais pas grand-chose sur Livingscorp, mise à part que c’était un organisme de recherche privé. Je connaissais donc encore moins ses employés. Le seul nom qui me venait à l’esprit était celui de Jonathan Buckley. J’avais lu quelques unes de ses interviews dans la presse. Une nouvelle personne vint nous rejoindre. Une femme brune, assez grande, elle me dépassait d’une dizaine de centimètres. C’était une des amies de Ambre apparemment, puisque c’est elle qu’elle salua en premier. La jeune femme blonde semblait un peu mal à l’aise. Enfin, c’est l’impression que j’avais. La nouvelle arrivante dit s’appeler Everleigh Sullivan. Inconnue aussi. Passant le plus clair de mon temps à l’université, à la bibliothèque ou à la maison, je ne connaissais pas grand monde. Je ne faisais pas beaucoup de rencontres. Je réalisais ne pas avoir dit un mot depuis l’arrivée d’Ambre, je ne m’étais même pas présentée. Quelle impolie étais-je – « Pardon…Bonsoir, je suis... Jaymee, Jaymee McKinley » - J’affichais un sourire timide à l’adresse des deux inconnues.

« Bonsoir Ambre » Je sursautais. « Evy... », répondis-je, gênée. Et elle se présenta avec aisance aux autres. Je l'avais évitée depuis ce que je qualifiais "d'incident". Fort heureusement, nous n'avions pas l'habitude de nous envoyer des messages ou même de nous appeler. Nous ne planifions presque jamais nos rendez-vous. Ainsi, mon silence radio était passé inaperçu, du moins, je le croyais. Toutefois sa présence me gênait et j'eus peur qu'elle parle de ce que nous avions échangé mais compris que ma crainte était infondé, elle ne connaissait pas mes amis et à priori ne traînait pas à la fac, je fus rassurée pendant un instant.

- Weasthon comme Cassidy Weasthon ? « C'est ça. » Aussi étrange que cela puisse paraitre, le fait de m'associer à ma tante me rassurait. Sara Hawkins avait l'air de la connaître, ainsi pourrais-je meubler la conversation en cas de blanc. Cependant, Sara eut l'air bien plus intéressée que ce à quoi je m'attendais, elle ajouta même : - Enchantée. Dans ce cas, peut-être pourriez-vous m'obtenir un entretien avec votre tante afin que je puisse publier un article selon vos exigences ? « Heu oui bien sûr. » Que pouvait-elle bien lui demander ? Ma tante n'avait rien de particulier à raconter, de longues et ennuyeuses discussions sur la recherche et sur les maladies incurables... les infections et le nom de tous ses projets... Sara me décevait, si elle comptait ajouter au compte-rendu de la soirée le nom scientifique de quelques maladies, je ne m'empresserai pas de lire son article. « Monsieur Buckley ne va pas tarder à faire son discours, je vous la présente après, si vous voulez. » J'étais plus impressionnée qu'intimidée par la journaliste. Son acharnement et sa détermination faisait d'elle une redoutable jeune femme et ajoutait au prestige de ses articles. J'étais persuadée qu'elle obtiendrait un prix pulizer sous peu, si elle n'en avait pas déjà un. Mais d'un avis personnel, ce n'était sûrement pas à Livingscorp qu'elle obtiendrait le scoop de l'année.

Je me retournais vers la seconde jeune femme, je la dépassais d'une demi-tête. Voir plus si j'avais mis des talons plus haut mais j'étais contrainte de ne pas dépasser un certain nombre de centimètres en vue de ma taille naturelle et du fait indéniable qu'il m'arrivait de tomber avec de la hauteur. Celle-ci ne m'intimidait pas, bien au contraire, elle semblait assez réservée et pas vraiment à sa place. Elle lançait des œillades curieuses au jeune snob à côté. Si elle essayait de le charmer, c'était raté. Ses tentatives timides et vaines d'attirer son attention tombaient à l'eau, son attention était accaparée par la troisième jeune femme, une femme pulpeuse, brune aux allures sensuelles. Je me sentis jalouse et encore pire... planche à pain. Je me regardais la poitrine un instant avant de me racler la gorge. Sous peu, j'allais présenter ma tante à la journaliste espérant que Cassidy se comporte avec sa courtoisie habituelle en dépit de ce qu'elle pensait réellement de miss Hawkins. L'un dans l'autre ce n'était pas mon problème et elle saurait sûrement faire la part des choses entre une fervente administratrice et son effroyable tante. Je me retournais donc vers un visage familier.

« Tu ne travailles pas aujourd'hui ? » Je me sentis bête. « Bien sûr que non puisque tu es ici... ce qui signifie que tu es en jour de repos ou que tu as pris un congé enfin que tu n'es pas là-bas quoi ! » J'attrapais un second verre de Chardonnay au vol et commençais à le faire rapidement descendre, ne profitant pas de ce crû pour le savourer mais de la dose d'alcool pour m'enivrer. En effet il aurait été malvenu de m'emparer de la bouteille dont se servait les serveurs, derrière leurs comptoirs, préparant de nouveau des plateaux.

Comme je m'y étais attendue, Ambre eut immédiatement l'air gênée en me voyant arriver. Je n'avais pas besoin de savoir lire dans son esprit pour le comprendre, c'était très facilement visible. Sans les effets de l'alcool, Ambre avait l'air d'être beaucoup moins sûre d'elle. C'est très certainement l'alcool qui l'aidait à se désinhibé. Aujourd'hui, j'imagine qu'en plus de ne pas assumer ses actes, elle regrettait amèrement son attitude de l'autre soir. Quant à moi ? Je ne regrettais qu'en partie. Je n'avais pas agit de la façon la plus juste pour tout le monde. D'autre part, que dire ? Je l'avais tout de même désirer. J'adressais un sourire à Ambre. Je comptais la prendre seule, afin de régler le... l'incident ? Ce terme conviendrait, je suppose. Je me tournais vers la personne qui venait de se présenter : Jamyee McKinley. Je lui adressais un sourire qui se voulait rassurant - elle était plutôt timide - avant de lui déclarer un « Enchantée » - Mon attention se porta sur la conversation entre Ambre et la jeune journaliste, Sara Hawkins. Je comptais bien mener mon enquête auprès d'Ambre, maintenant que j'avais réalisé que la Cassidy Weasthon de Livinscorp était la tante de mon amie. J'aurais forcément des choses à y apprendre. Je comptais bien déployer tous les moyens possibles pour parvenir à mon but. Si Jonathan et ses acolytes faisaient des recherches sur les « mutants » j'étais aussi concernée. Cassidy Weasthon était présente ce soir et j'avais bien envie d'aller lui dire quelques mots. J'ignorais encore lesquels, mais sa viendrait. Le tout était de tromper l'ennemi. Encore fallait t-il pouvoir y accéder ce qui était moins certain.

« Tu ne travailles pas aujourd'hui ? Bien sûr que non puisque tu es ici... ce qui signifie que tu es en jour de repos ou que tu as pris un congé enfin que tu n'es pas là-bas quoi ! » - Cela me fit sourire - « En effet, les clients du club devront se passer de moi ce soir. Je suis en congé et pour une fois, c'est moi qui me fait servir... ça arrive pas souvent. » - répondis-je, amusée. Je regardais Ambre finir son verre de chardonnay en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire - « Tu devrais surveiller ta consommation d'alcool » - dis-je en me rapprochant légèrement, de façon à ce qu'elle soit la seule à comprendre. Je ne tenais pas à la mettre mal à l'aise face aux autres. Je repris ma place, avant de déclarer : « Alors voilà ce qui occupe le temps de ta tante, je comprends mieux... » - dis-je en désignant les lieux. Ambre avait fait plusieurs fois référence à l'emploi du temps surchargé de sa tante, elle était toujours occupée et les deux femmes ne se voyaient quasiment jamais - « ... même si elle est jamais là, elle et Livingscorp font beaucoup pour la recherche. Et puis, cette œuvre de charité, c'est une bonne cause. Je ne pouvais pas rester au Starlight à travailler, alors que pour une fois, j'ai l'occasion de faire quelque chose de bien en participant à ce bal. J'espère qu'ils récolteront pas mal, c'est pour les enfants après tout... » - Je n'en pensais presque pas un mot, tout ce que je disais était faux. Je connaissais les intentions de Livingscorp, mais il fallait que je leur fasse croire que j'allais dans leur sens, que je croyais à tout cela. Je réalisais avoir pris beaucoup de temps de parole, tandis-ce que le reste du groupe était resté silencieux.

« Salut, Jaymee. Contente de voir que ta famille participe à l'événement. Tu crois que ton père pourra m'accorder quelques instants ? » Je tournais la tête vers Sara, de mieux en mieux, on partageait les amis aussi ? Je haussais les sourcils et engloutissait mon verre, désireux de faire passer la soirée plus vite bien qu'il aurait été malvenu de finir ivre au beau milieu d'un bal de charité, en plus donné par un grand organisme et en plus qui serait peut-être mon lieu de travail. Je ne résistais pas à l'envie de commenter. « Donc vous-vous connaissez... super. » J'attrapais un petit-four au passage d'un serveur, peut-être était-ce le rôle pour lequel on m'avait contacté, pingouin pour Livingscorp... c'était sûrement ça. Pourquoi me contacter sinon ? Je ne savais même pas exactement ce que faisais le groupe alors... cette soirée promettait d'être fichtrement ennuyeuse. De plus en compagnie de Sara qui me lançait des regards assez significatifs. Je n'étais pas le bienvenu, d'accord, merci de me le montrer, au cas ou je n'aurais pas compris, au cas ou je serai stupide. « Il va bientôt faire son discours. » Je désignais l'homme en costard, près de l'estrade, discutant avec un tas de journalistes agglutinés en meute devant lui et une femme qui semblait parler avec beaucoup d'aisance. Regardant Jaymee, je me sentis gêné. Gêné du spectacle que je lui avais offert quelques jours plus tôt. J'évitais son regard, je n'étais pas franchement trouillard mais je n'aimais pas me rappeler de souvenirs embarrassants, elle devait me trouver étrange, plus que je ne l'étais d'habitude, c'est d'ailleurs ce que je sentis, dans sa manière polie de m'ignorer et sa façon de me répondre. Elle ne semblait pas particulièrement mal à l'aise, peut-être un peu tout au plus, intimidée par le groupe que nous formions, cela dit, je me sentis seule. Mon alliée de la solitude qui sois-disant préférait rester seule que de trainer avec les autres ne paraissait pas malheureuse, même dans son environnement parfois. Je me renfrognais. Je m'étais juré de ne pas faire mon asocial ce soir. Mon costume trahissait peut-être un manque de confiance en soi, masqué par une apparence respectable et soignée, voulant comme toutes les personnes présentes cacher quelque chose ici... peut-être qu'un travail à Livingscorp me donnerait la stabilité que j'attends dans ma vie.

- Enchantée. Dans ce cas, peut-être pourriez-vous m'obtenir un entretien avec votre tante afin que je puisse publier un article selon vos exigences ? Sara ne perdait pas une occasion pour se mettre en avant, je plaignais la pauvre jeune fille d'avoir engagé la conversation avec elle. Je ne résistais pas à l'envie de glousser et le camouflait maladroitement entre deux gorgées. Sara n'allait pas la lâcher d'une semelle jusqu'à son but : obtenir un entretien avec elle. - Weasthon comme Cassidy Weasthon ? C'était donc elle, la femme que Sara souhaitait entretenir ?! J'étais persuadé que ce fut la femme qui m'avait contacté il y a quelques jours. Il fallait la jouer fin. Sara ne devait pas me voir lui parler, je devais même éviter Cassidy. Dans la mesure ou peut-être obtiendrais-je quelque chose à faire dans l'organisme, Sara ne devait pas corrompre mes chances d'obtenir un quelconque travail, même s'il s'agissait de jouer les larbins à la porte.

« Tu devrais surveiller ta consommation d'alcool » - me dit-elle en se rapprochant légèrement de moi. Je sentis une bouffée de chaleur m'envahir et beaucoup de gêne, me connaissant, je savais que je devais être rouge, que je devais ressembler à une pivoine, je lui en voulais mais à la fois je me sentais gênée mais me calmais lorsque je me rappelais que seules elle et moi pouvaient comprendre ce sous-entendu des plus douteux. « Alors voilà ce qui occupe le temps de ta tante, je comprends mieux... même si elle est jamais là, elle et Livingscorp font beaucoup pour la recherche... J'espère qu'ils récolteront pas mal, c'est pour les enfants après tout... » « Oui, moi aussi. » Répondis-je, peu amène et sur la défensive. Je suis rancunière et le sous-entendu de Everleigh ne me plaisait pas du tout, c'était inapproprié, j'étais consciente d'exagérer légèrement la situation mais je prenais ça pour de l'irrespect. Elle se moquait de moi. Elle avait joué la dernière fois, elle m'avait piégé et aujourd'hui elle s'en servait pour me rabaisser, pour me prouver que je m'étais pris au jeu alors qu'elle ne faisait que plaisanter. Je n'aimais pas du tout ça. J'étais vexée, en colère et... blessée. Oui parce qu'au fond de moi, je savais que je n'avais pas joué, qu'Everleigh me plaisait et que par dessus tout, si nous n'avions pas été coupées dans notre élan, nous aurions probablement couchées ensemble dans ce lieu improbable et anti-intimiste que les cabines du personnel du Starlight.

« Tu sais quoi ? Je vais rejoindre ma tante, elle avait des personnes à me présenter. » D'un coup sec, je tournais la tête vers Sara et ajoutais sèchement, la faute à qui ? « Je vais rejoindre ma tante, je lui parlerai de vous mais je pense que si entretien il y a, elle ne vous l'accordera pas avant la fin de la soirée. » Je tournais les talons et vérifiais que je marchais pas sur quelqu'un ou quelque chose (on ne sait jamais) et me dirigeais lentement, de peur de trébucher, mais d'un pas déterminé vers la meute de journalistes qui encerclaient ma tante et le président de la société : J. Buckley. Je ne voulais plus avoir affaire à la barmaid, je ne voulais plus la voir, plus lui parler et faire quelque chose dans lequel j'éxellais : celui d'ignorer les gens. Désormais je boycotterai son lieu de travail, me trouverais d'autre amis et irais m'enfouir au fin fond du Canada parmi les caribous... ces mesures draconiennes devaient servir à me protéger... ou à développer mon imagination. « Excusez-moi... excusez-moi... » Je tentais de me frayer un chemin. « Ex-cu-sez-moi, j'ai-me-rai-passer-si-ce-n'est-pas-trop-demandé ! » Je renonçais, Cassidy attendrait. Au lieu de cela, je me dirigeai à droite de l'estrade, dans un coin un peu plus sombre et isolé ou se tenaient les éclairagistes et les portes-manteaux. Saisissant une des seules chaises restantes, j'entrepris de m'affaler mais me retins par un brin de pudeur et m'assis, attendant... le déluge.

« Donc vous-vous connaissez... super. » - exprima Wyatt. Il n'en avait pas l'air ravi. Je lui lançais un regard furtif. L'épisode de l'autre jour était encore dans mon esprit. Je ne pouvais m'empêcher de penser que si Wyatt c'était trouvé mal, c'était de ma faute, de la faute de ce maudit pouvoir qui me pourrissait la vie. Je détestais ce que j'étais devenue. Ce qui m'avait paru le plus étrange, c'est que je n'avais même pas effleuré Wyatt, qu'il s'était trouvé inconscient. J'avais beau retourner la question dans tous les sens ces jours derniers, je ne comprenais toujours pas. La chose ne s'était plus produite depuis, disons que j'évitais de fixer quiconque trop longtemps, de peur que mon pouvoir se canalise aussi par le regard. Comme si le fait de ne pouvoir établir aucun contact physique avec personne n'était pas déjà suffisant. Je n'avais pas revu, ni re-contacter Wyatt depuis ce fameux jour. Remarque, il ne l'avait pas fait non plus. Je pensais à nouveau qu'il pouvait être au courant, qu'il pouvait avoir senti que j'absorbais son énergie. Qui sait ? Cette idée fit monté d'un cran mon angoisse. Charlotte était déjà au courant pour moi et cela ne me plaisait pas. Je ne voulais surtout pas que mes proches le sache. Sara, Wyatt, ma famille. Qu'en penserais t-ils ? - « Et vous vous connaissez aussi... Le monde est petit, comme le diraient certains. » - Je profitais du sujet, pour placer l'interrogation qui me trottait dans la tête - « Donc, vous vous connaissez d'où et depuis quand ? » - Je me demandais qu'elle était la nature de leur liens. Etait t-il en bons termes, comme des amis ou est-ce qu'il ne parvenait pas à s'entendre. La vanne que lui avait lancé Sara quelques minutes plutôt m'était revenue à l'esprit et je ne savais pas quoi en déduire. J'observais Jonathan Buckley, qui comme l'avais dit Wyatt, allait bientôt faire son discours.

« Je vais rejoindre ma tante, je lui parlerai de vous mais je pense que si entretien il y a, elle ne vous l'accordera pas avant la fin de la soirée. » - Je me tournais vers la jeune femme blonde, Ambre, qui venait de s'adresser à Sara. Je ne comprenais pas pourquoi elle lui parlait de la sorte, aussi sèchement. C'était le ton qu'elle avait employé qui ne me plaisait pas - « Très sympa. » - ajoutais-je, une fois qu'Ambre s'était éloignée. C'était ironique bien sûr, sa façon de s'exprimer avant de partir démontrait le contraire.

Quelque chose semblait déplaire à Ambre, ma présence peut-être ou ma remarque, car la jeune femme se montra immédiatement irritée. Elle me répondit de façon plus que sèche et il en fut de même pour la jeune journaliste, qui n'y était pour rien, la pauvre. Je décidais de garder mon calme, mais ce comportement de la part d'Ambre me déplaisait. Je trouvais sa façon d'agir un peu immature. Elle n'assumait pas ses actes passés et ne supportait pas qu'on ne lui fasse qu'une petite remarque. Je lui avais simplement dit de surveiller sa consommation d'alcool, car je connaissais Ambre et que nous n'étions pas au club. Finir saoule à un gala de charité est plutôt mal venue, non ? Surtout que celui-ci est organisé par la société où travaille sa tante. C'est vrai que pour nous, ma phrase pouvait paraître déplacée, contenue des circonstances, mais je n'avais pas pensé ainsi. Je laissais Ambre s'en aller, tel une adolescente en colère et décidais de la laisser aller se calmer toute seule. J'irais sûrement lui dire quelques mots un peu plus tard. Il me paraissait plus qu'important, voir urgent de mettre les choses au clair. Le comportement de l'étudiante, me fit comprendre que ce qui s'était passé la déstabilisait complètement. Je soupirais intérieurement, car c'était tout de même elle qui avait entrepris ce jeu et maintenant c'est à moi qu'elle en voulait ?

« Ne faites pas attention, ce n'était pas contre vous je pense. » - dis-je à la journaliste - « Enfin, dans votre métier, vous avez sûrement dû en rencontrer des gens qui vous répondent agressivement... c'est un point qu'on a en commun. Mais vous avez dû voir pire. » - Je lui adressais un sourire. Au club, j'avais aussi à faire à des gens désagréables parfois. Je vous assure, certains auraient probablement mérité que je leur jette leur verre à la figure ou que je me serve de mon don contre eux, mais non. Je restais souriante la plupart du temps « Le client est roi ». Cela dit, ça ne m'empêchait pas de penser que parfois « Le client est con ». J'attrapais mon téléphone portable dans ma pochette, avant de taper rapidement un message sur l'écran - « J'aimerais te parler avant la fin de la soirée, si tu le permets, j'espère que tu pourras te libérer quelques instants. » - j'envoyais le message à son destinataire : Ambre - « Les gens sont impolis, désolée. » - dis-je avec un léger sourire, puis glissais mon portable dans ma pochette. Ce n'était pas vraiment correct de tapoter sur mon portable, alors que j'avais de la compagnie, mais je tenais à laisser ce message à Ambre. Elle était sûrement très occupée avec sa tante, mais elle finirait bien par le voir. Il y avait tellement de monde près de l'estrade que je n'y voyais pas grand-chose.

Mon étonnement était perceptible. Wyatt et Sara se connaissaient et cette nouvelle m'intriguait. J'essayais dans apprendre davantage, observant les deux jeunes gens. L'un d'eux donnerait sûrement une réponse à ma question. Comment se connaissait t-ils ? Ils étaient tous les deux mes amis - malgré la situation avec Wyatt - Il était donc tout à fait normal que je m'interroge - « C'était le fiancé d'Isabel. » - me répondit Sara, sans relevé la tête de son calepin. Je restais silencieuse un instant, presque assommée par cette nouvelle. J'en oubliais même mes restrictions et dévisageait Wyatt, ne pensant plus l'espace d'un instant que je pouvais le blesser. Je me souvenais alors... Je me remémorais ce que Sara avait dit à propos du fiancé de sa soeur. Elle m'avait dit qu'elle le pensait coupable, seulement il n'y avait aucune preuve contre-lui et il prétendait être innocent. La question qui me vint alors à l'esprit était : Pourquoi Sara avait t-elle eu des soupçons envers lui ? Envers Wyatt. Qu'est-ce qui avait pu la pousser à penser à cela. Je connaissais Sara et elle n'était pas folle. Si elle m'avait dit cela, c'est qu'elle avait forcément une bonne raison de le croire. D'un autre côté, j'avais du mal à imaginer que Wyatt est quoi que ce soit à voir avec ce meurtre. Il n'y avait pas de preuves n'est-ce pas ? Wyatt n'était pas un meurtrier. Non, il était là en face de moi, en homme libre. J'avais passé suffisamment de temps avec Wyatt pour constater qu'il n'était pas dangereux. Etrange, mais pas dangereux. Je revenais à moi. Je ne savais pas trop quoi penser de ce que je savais maintenant. Je remarquais la drôle d'expression qui s'était dessinée sur le visage de Wyatt. Je n'arrivais pas vraiment à deviner ce que c'était où ce qui pouvait bien se passer dans son esprit - « C'est donc lui. » - déclarais-je à Sara. Réplique débile, bien sûr que c'était lui puisqu'elle venait de me le dire. Mon expression ne cachait pas mon étonnement, mais elle ne laissait rien entrevoir de ce que je pouvais en penser. J'apprenais beaucoup de choses sur Wyatt ces derniers temps, cette nouvelle et puis la façon dont il pouvait traiter les femmes, ma soeur en l'occurrence - « Je ... »

« Votre attention s'il vous plait » - s'exclama l'homme derrière le micro. Jonathan Buckley était debout sur l'estrade, attendant que toutes les attentions se portent sur lui avant de commencer son discours. L'endroit et le moment étaient très mal choisis pour que je commence à poser mes questions à Sara. Je remettrais mes interrogations à plus tard...

- Oui, on se connaît, vous vous connaissez, bref on se connaît tous. Je ricanais. Sara pouvait-elle être plus agacée que moi ? Devait-elle me haïr autant pour apaiser sa douleur ? C'était à moi de la haïr. De maudire sa stupide famille et sa stupide sœur, l'étiquette du meurtrier me collait à la peau et le pire c'est qu'il m'était impossible de prouver ma possible innocence. D'une part parce que je ne me souvenais pas de cette partie de ma vie, aussi étrange ce fut et de l'autre parce qu'apparemment, aucun élément ne jouait en ma faveur. Tout portait à croire que j'étais l'assassin. D'ailleurs, je n'avais pas été innocenté, j'étais libre sous caution et après la bataille sévère d'avocats véreux engagés par ma sœur. Au moindre faux pas, je pouvais être renvoyé d'où je venais. Ce que je trouvais injuste. Ma nature altruiste me poussais parfois à me mettre dans le pétrin pour aider les autres; ce que j'avais abandonné, plongé dans ma quête de vérité depuis un an déjà. Un an passé à retracé le cours de ma vie, à rechercher des éléments cachés qui n'avaient aboutis à rien. Nul élément, nulle piste, rien, j'étais condamné. Et la bombe que venait de lâcher Sara me conduisait dans cette direction; ces quatre mots, prononcés aussi furtivement, aussi naturellement que possible comme un "attends-une minute" précédé d'une respiration me fit perdre mon sang-froid. - C'était le fiancé d'Isabel. Cette information m'excédait, m'énervait en tout point, comment osait-elle, venir mettre son grain de sel... je me tournais immédiatement vers Jaymee qui me dévisageait, visiblement interloquée. Je ne mis qu'une minute à comprendre, elle savait, elle était au courant pour Isabel, qu'un détraqué l'avait tuée, que c'était son fiancé. Et elle savait désormais qui il était. Elle voyait désormais en mois qu'un malade perdant connaissance dans un café, un meurtrier et un pauvre type qui crachait ses poumons sur le sol...

J'ai toujours été doué pour cacher mes émotions, mais il s'avérait que ce fut plus difficile aujourd'hui. En guise de réponse, je me contentais de serrer les dents, ignorant le regard impoli de mon amie qui me parut soudainement comme une étrangère et dévisageai Sara, non pas avec haine mais avec dégoût. Je plissais les lèvres par dépit et déposais mon verre sur le plateau d'un serveur avant de me diriger vers la journaliste, les yeux brûlants de haine. Je n'étais pas en colère contre elle, je n'éprouvais même pas de rancœur contre cette délation, j'étais surtout en colère contre moi. Je regrettais de plus en plus ce choix de vie, cette vie relative à laquelle je m'étais voué comme un damné, persuadé qu'elle fut la meilleure pour ma vie, pour ma famille. A trop vouloir jouer les altruistes, je m'étais condamné à une vie d'ex prisonnier ou le meurtre d'une femme que je ne connaissais pas me collait à la peau comme un vêtement sale et puant. Un vêtement qui ne me quittait jamais, comme une seconde peau et fin filet de sueur. Cette petite phrase aux abords anodines m'avait désigné moi, comme l'unique coupable du meurtre d'Isabel Hawkins. Bien sûr cette annonce, entendue par le petit groupe n'aurait à priori d'impact que sur Jaymee mais elle était l'une des seules à me connaître, du moins à connaître certaines choses sur moi que les autres ignoraient, à m'apprécier tel que j'étais, solitaire, sans passé et... sans avenir. Elle était l'une des raisons qui me poussais à garder cette vie, cette vie de chien... et je ne voulais soudainement pas que la vie me la prenne, elle aussi, que Jaymee me laisse tomber, comme tout le monde. Qu'une femme qui voyait en moi un pseudo-confident, avec qui je discutais littérature pendant des heures m'abandonne à mon triste sort comme un malpropre...

J'en avais assez, assez de jouer l'innocent qu'on ne croirait jamais... et peut-être avait-elle besoin d'un coupable en fin de compte pour tourner la page... m'approchant de son oreille assez rapidement, je murmurais de façon à ce qu'elle seule puisse entendre : « C'est vrai. Tu avais raison depuis le début. Ah et j'oubliais. Vas te faire foutre Sara Hawkins. » Je lui accordais un léger sourire, méprisant. Elle avait gâché l'une des choses à laquelle je tenais le plus. L'amitié... son amitié, et peut-être étais-je trop excessif... mais j'agissais sur le coup de mes émotions les plus fortes. Et s'en était trop. Je tournais les talons et me dirigeais vers Cassidy Weaston, dans l'espoir qu'elle me reçoive avant le discours de Jonathan Buckley.

Mon téléphone sonna alors dans mon sac. Ma tante, ayant fini son monologue devant les journalistes n'entendit rien mais me vis saisir le téléphone et s'apprêtait, bouche ouverte à me faire une réflexion lorsque Jonathan Buckley la saisit par le bras, l'amenant sur le bas côté, d'un air préoccupé. J'en profitais pour lire mon texto : J'aimerais te parler avant la fin de la soirée, si tu le permets, j'espère que tu pourras te libérer quelques instants., inutile de lire l'entête du message, il s'agissait bien évidemment de Everleigh Sullivan, que voulait-elle ? Que je devienne son joujou attiré ? Elle pouvait aller se faire voir chez les Grecs ! J'hésitais à écraser mon téléphone sur le sol, mais comme bien souvent, j'imaginais plus de choses que je ne ferai. Soupirant, je tapotais sur le clavier : Si tu crois que tu vas pouvoir continuer à m'humilier, tu vas pouvoir te mettre ton discours bien profond dans le, j'effaçais la réponse et écrivis à la place : Je ne crois pas être disponible, désolé. Satisfaite de celle-ci, je l'envoyais. Ma réponse était brève et concise, je ne désirai pas lui parler ni même m'expliquer. M'expliquer sur quoi d'ailleurs ? Paradoxalement, j'attendais, téléphone en main que l'entête Everleigh s'affiche. Je ne comprenais pas pourquoi d'ailleurs, attendais-je une réaction de sa part ? Peut-être qu'elle insiste au fond, je rêvassais à l'idée qu'elle m'aimait plus que d'amitié et que ses baisers sur mon cou signifiaient plus qu'un acte désintéressé. Au bout de quelques secondes, je ne tenais plus en place et saisissais mon deuxième texto : Parles m'en par texto. Le discours de J.B va être barbant. Je devais sûrement paraître encore plus jeune par ce texto mais je m'en fichais. L'étudiante ennuyée par un discours de "grands" et par la "charité" devait sembler bien ennuyeuse ! Je m'en fichais. Je vivais bien et je n'en avais pas honte. J'ai toujours vécut modestement et depuis que j'habitais à Wellington, ma vie de classe aisée sans être à l'extrême s'était quelque peu modifiée en ce qu'on appelait la classe supérieure. J'aimais être riche, ça semblait être une seconde nature pour moi. Comme si j'y avais toujours été habituée. Mes parents ne devaient plus me reconnaître. Je m'étais habituée à cette vie de jeune et riche étudiante, j'aimais trop cela et une fois avoir goûté à la luxure, impossible d'emprunter un autre chemin...

Je crois que j'aimais bien Everleigh, le "je crois" servait à minimiser la chose, à la rendre plus normale disons. Il me fallait l'admettre en premier lieu, ce dont je semblais incapable. La seule chose que je désirais ardemment c'était m'enfuir loin, très loin avec pour seul bagage le collier de ma tante. La petite pierre verte qui ornait le symbole pendant à mon cou. Même si le comportement de ma tante pouvait m'agacer, en dépit de tout ce que je trouvais à redire, j'aimais Cassidy. C'était elle qui subvenait à mes besoins, quels qu'ils soient et non mes parents. C'était elle qui proposait son aide lorsque je désirais parler, elle ne semblait même pas agacée lorsque je parlais des hommes, juste amusée... Cassidy faisait beaucoup pour moi et je me rappelais ne pas avoir fourni assez d'efforts et avoir passé ma soirée à espérer l'éviter. Une vague de remords m'envahit. Je me levais et me dirigeais vers elle... semblant plongée dans une discussion animée avec le porte-parole de la société. Je me raclais la gorge, intimidée par ce débat silencieux, rythmé par de longs regards froids et intimidants.

« Hum. Je crois que les gens attendent vos discours. »

Je me débarrassais aisément des vautours après avoir énoncé et répété un discours que je maitrisais à la perfection. Il était bien plus facile de remplir cette tâche que les autres qu'on m'avait confié. Comme la pseudo-garde de la créature. Créature que je commençais toutefois à considérer comme une chose, presque un être. Ces émotions étaient fausses, créer de toutes pièces par des programmes, par les mœurs de notre société, par les données qui lui avaient étés intégrées dans le cerveau à l'image d'un disque dur que l'on comblerait de données. Je désirais parler à ma "nièce" et me rendis compte qu'elle écrivait un texto. La société l'avait-elle façonnée ainsi ? Telle une pauvre étudiante dépendante du téléphone et ennuyée des causes désintéressées, du moins aux premiers abords désintéressées ? Jonathan me saisit par le bras et m'emmena sur le bas côté. Il était d'une humeur massacrante. « Weasthon, qu'attendez-vous pour renforcer la sécurité ? » « Votre signal Jonathan. » « Et bien vous l'avez, maintenant ! Je vais faire mon discours. Notre discours, vous devez venir avec moi. » « Montez, je vous rejoins pour la seconde partie. » Je poussais Buckley à monter sur scène, désireuse de me débarrasser de lui. Téléphone en main, je sortis de la pièce, allant renforcer la sécurité du bâtiment.

Jonathan Buckley s'avançait le sourire aux lèvres, muni d'un large micro et s'apprêtant à prononcer un discours qu'il maitrisait aussi parfaitement que sa collègue. « Bonsoir à tous. » Articula t-il entre deux sourires surfaits, baissant la tête avec modestie lors des applaudissements successifs des Wellingtoniens. « Je voudrai vous remercier pour votre présence et pour la générosité dont vous avez fait preuve ce soir, grâce à vous nous comptabilisons plus de cent-cinquante mille dollars ! » Jonathan Buckley n'hésita pas une seconde avant d'applaudir le public qui semblait boire ses paroles. Son sourire sincère n'exprimait pas une profonde gratitude mais un sentiment vivace de victoire, l'influence dont il faisait preuve le réjouissait, il lui semblait que rien n'y personne ne pouvait l'arrêter dans ses idées. « C'est une cause qui me tient à cœur, nous avons le moyen d'offrir à ses enfants quelque chose de magique et cette année sera placée sous le signe de la solidarité. C'est pourquoi... »

Je regardais l'heure sur mon téléphone, nous étions parfaitement coordonnés. Je montais sur l'estrade, escortée par deux gardes du corps qui tenaient fermement un grand chèque cartonné qu'ils amenaient à Jonathan. Me plaçant sur le côté, munie d'un micro également, j'achevais la phrase de mon collaborateur. « C'est pourquoi Livingscorp fait don de quarante mille dollars répartis sur les différents orphelinats du pays ! » Les gens applaudissaient, comme nous l'avions présumés, nous paraissions si altruistes. J'en ris intérieurement, le peuple était si naïf. Mais ce n'était pas mon problème, entre mes dents, je laissais échapper : « Vous auriez dû monter la somme. » Ce sur quoi, Buckley répondit : « Ce ne sont que des gosses, si ça ne tenais qu'à moi, je n'aurais offert qu'un soutient moral. » Remontant le micro à hauteur de nos bouches, nous sourîmes en nous adressant un regard ravis et j'ajoutais : « Mille fois merci pour votre générosité et l'intérêt que vous portez à Livingscorp, nous ne vous décevrons pas et prévoyons de nombreux projets pour 2011. Pour de plus amples informations, nous restons à votre disposition tout au long de la soirée. Livingscorp : de l'aide pour tous ! Merci et bonne soirée à vous ! » Terminais-je par un grand sourire éclatant face à la caméra.