« Oh ce n'était pas grand-chose. Qu'est-ce que vous faites dans la vie pour qu'on vous agresse régulièrement ? » - me répondit Sara. L'atmosphère semblait tendue entre la jeune Jaymee, l'homme et la journaliste, peut-être que je me trompais - « Je suis barmaid au Stalight, vous connaissez peut-être » - répliquais-je simplement. Le Starlight était un endroit assez réputé à Wellington. C'était le lieu à connaître. On y organisait des soirées en tout genre, des concerts notamment. J'avais eu la chance de pouvoir assister à pas mal de représentations, j'en étais heureuse. C'est plutôt sympa d'avoir la chance de croiser des groupes comme the fray, honorary title - et j'en passe - pendant que vous travaillez, non ? Mon portable s'était mis à vibrer à l'intérieur de ma pochette. Je le sortais une nouvelle fois, tandis-ce qu'une ambiance étrange régnait au sein de notre petit groupe. Je n'étais pas réellement concernée. A vrai dire, je ne savais pas vraiment de quoi ils parlaient, qui était Isobel et pourquoi Jaymee dévisageait l'homme avec stupéfaction en apprenant qu'il avait été fiancé à cette femme. Le message que venait de m'envoyer Ambre s'affichait sur mon écran : « Je ne crois pas être disponible, désolé. » - J'eus à peine fini de lire celui-ci qu'un second message me parvenait : « Parles m'en par texto. Le discours de J.B va être barbant. » - Mon sentiment d'agacement grandissait. Une nouvelle fois, Ambre agissait de façon immature. J'avais presque l'impression de m'adresser à une gamine de quinze ans. Mon attention était bonne, mon but étant de régler « l'incident », mais Ambre ne faisait vraiment pas d'efforts. Je réalisais qu'en dépit du désir que je pouvais éprouver pour elle, nous étions très différentes. Ambre me montrait ce soir qu'elle était encore bien trop jeune dans sa tête - « On en parlera quand tu seras disponible dans ce cas, je ne tiens pas à en parler par texto » - J'envoyais le message, puis rangeais mon téléphone.

Jonathan Buckley commençait son discours, je relevais la tête, faussement intéressée. Si cet homme voulait se rendre encore plus pitoyable, c'était une mission réussie. Chacune de ses paroles, chacun de ses mots étaient hypocrites et je le savais. Livingscorp était peut-être parvenu à berner la majorité des personnes présentes ce soir, mais pas moi. Cassidy Weasthon, prit la suite du discours. A eux deux, ils faisaient la paire ! Un sourire se dessina sur mon visage, lorsque je pensais que même si ils avaient gagné cette partie, ils ne tarderaient pas à connaître des complications. Croyaient t-ils sincèrement faire le poids des « mutants » ? Je riais intérieurement. Il faut être réaliste. Ils n'étaient que des humains, comme vous, comme moi avant... des humains qui n'y pourraient rien contre une bande de « mutants » énervés. Livingscorp n'avait sûrement pas bien fait de jouer la carte de la provocation, car cette action en était une. J'étais persuadée qu'il y aurait des représailles. Il faut savoir que tous les mutants ou presque étaient d'accord sur une chose : Le niveau 33.1 devait disparaître. Peut importe avec qui nous avions décidé de rester ou de nous allier, nous sommes tous d'accord sur Livingscorp. Je me demandais tout de même jusqu'où tout ça allait les mener, leurs recherches sur nous. Dans quel but ? Que comptaient t-ils en faire ? Le jeune homme et Sara étaient partis, me laissant seule avec l'étudiante et la seconde femme brune. Je les saluais, avant de m'éloigner d'elles. Je jetais un œil au devant de l'estrade, bien que je n'arrive pas à y distingué grand chose. Il y avait beaucoup trop de monde. Je suppose qu'il fallait attendre son tour pour pouvoir s'adresser aux porte-parole de Livingscorp. Je restais dans le fond de la salle, en attendant. Je pensais à cette soirée, à tout ça. Devais-je en rire ou en avoir pitié. Un peu des deux, je crois...

Les gens se mirent à danser et la musique débuta dans un bruit sourd. Mon portable vibra : On en parlera quand tu seras disponible dans ce cas, je ne tiens pas à en parler par texto. J'angoissais. Cette discussion devait être sérieuse et je ne décelais nulle envie de rire, peut-être désirait-elle me dire qu'il ne fallait pas que je m'attache à elle car ce ne fut qu'un jeu. Mais comment pouvait-elle savoir que j'y accordais une quelconque importance ? Je retournais le sujet dans tous les coins, ça n'avait pas de sens. Peut-être souhaitait-elle me dire que nous avions dérapé et que nous étions amies avant tout, que nous devions aller de l'avant... je ne voulais pas aller de l'avant. Du moins pas aussi tôt ! Cet incident me gênais mais avait été si intense... je ne voulais pas m'en séparer. Pas me séparer d'un si bon souvenir, peur d'oublier le goût de ses lèvres et encore pire de la voir au bras de quelqu'un d'autre. J'ignorais pourquoi j'étais jalouse, c'était stupide. Et puis, la silhouette de la journaliste s'avançait vers moi, Sara Hawkins semblait comme à son habitude je suppose; déterminée et je supposais qu'elle n'avait pas de temps à perdre et qu'elle n'avait pas oublié l'entrevue avec ma tante.

- Joli discours, n'est-ce pas ? Peut-être un peu trop conventionnel pour être vrai... « Que voulez-vous dire ? » Je haussais les sourcils. A vrai dire la question servait plus à meubler la conversation plutôt qu'à me fournir une réelle explication. La réponse, je m'en fichais pas mal... ce qui se passait à Livingscorp était tout sauf intéressant, la recherche, les laboratoires, les causes humanitaires... mais visiblement Sara accordait beaucoup d'importance à ce sujet ! Elle était plus barbante que je le croyais, moi qui croyais qu'il y avait autre chose derrière ça... j'avais crû en voyant son visage s'illuminer lorsqu'elle eut apprit que j'étais la nièce de Cassidy qu'il y avait autre chose, mais en y réfléchissant, il n'y avait rien. Cassidy n'avait rien à cacher. C'était ma tante, une scientifique et un chef de projet, c'est tout ce que je savais ! Mais curieusement elle était d'avantage partie sur le terrain ou en voyage que dans un laboratoire... Bah, les expériences étaient peut-être tout simplement dans la nature ?

- Je ne savais pas que Wyatt comptait des gens aussi importants parmi ses connaissances. « Ce type ? Je ne l'ai jamais vu... Je ne crois pas qu'ils se connaissent, ils se sont présentés il y a dix minutes... » Ce type s'était présenté d'une manière assez étrange d'ailleurs... une chose est sûr, ils ne se connaissaient pas. Et le visage de ma tante semblait plongé dans une profonde réflexion. J'hésitais à la déranger... après tout c'était ma tante n'est-ce pas ? Elle ne m'en voudrait pas... je réalisais soudainement qu'elle m'inspirait une certaine crainte. Oui elle m'intimidait. Elle avait parfois cet air si particulier, cet air à vous glacer le sang... je rangeais mon téléphone dans mon sac et m'avançais, hésitante.

« Cassidy ? Heu, il y a euh... Sara Hawkins, une journaliste, elle voudrait que tu lui accordes quelques instants... » Ce ne fut pas un visage qui me dévisagea mais deux. Je reculais d'un pas. Je semblais non seulement déranger ma tante mais aussi le jeune homme qui semblait on ne peut plus agacé.

Je m'avançais vers Cassidy Weasthon dans l'espoir d'obtenir mon précieux entretien. Peu conventionnel, je m'approchais et dis avec toute la distinction dont je savais faire preuve : « Jeremiah Matthews. » Je me rendis compte de la boulette que je venais de commettre. Je n'arrivais décidément pas à me faire au nom de Wyatt ! Je rectifiais. « Wyatt Jeremiah Matthews. » Impassible je tendis la main, j'avais une qualité : je ne savais pas rougir. Ainsi mon erreur, aussi idiote qu'elle fut ne se trahissait par aucune expression. « J'ai bien eu votre message. Et je dois vous dire que j'ai été surpris. » Elle m'entraina alors sur le côté et nous passâmes devant la grande perche, celle qui était partie comme une furie tout à l'heure. Je me passais de tout commentaire, après tout, si j'avais bien saisis, c'était sa nièce, n'est-ce pas ?

Je fixais Cassidy dans les yeux bien qu'elle m'intimidait moi aussi, et il en fallait beaucoup pour accomplir un tel exploit. Elle avait ce quelque chose dans les yeux, cette expression si particulière, cette manière de vous dévisager comme si elle vous transperçait le corps, comme si elle pouvait arracher les tréfonds de votre âme. Elle me glaçait sur place. J'eus l'impression qu'elle me commentait à une allure invraisemblable, qu'elle avait beaucoup de choses à redire, qu'elle me critiquait mais que son savoir-vivre légendaire l'en empêchait. Ses longs cheveux ondulés redescendaient le long de ses épaules avec grâce, à l'image de la robe noire qui épousait ses formes avec élégance. Je ne savais lui donner un âge, trente ans passés, ensuite, impossible. Elle était de ses femmes sans âge qu'on ne pouvait cerner, inaccessible et comme supérieure au monde qui les entoure. Toutefois, une chose ne m'échappait pas, une chose que je connaissais bien se détachait de ce lot parfait... une lueur brisée, une lueur de femme brisée. Je me demandais bien ce qu'elle avait put traverser et si; en restant dans cette vie, je deviendrai comme elle. Si je gravirai les échelons de Livingscorp et si je deviendrai un homme aussi froid et distingué que la femme qui se tenait devant moi. Si j'inspirais moi aussi la crainte et l'intimidation, si un jour, je serai à la tête d'un empire aussi vaste et influent...

Les réponses que Cassidy me donnais m'intriguais, m'intéressais. Son élocution était parfaite, son timbre clair, posé et à la fois ferme. Quand à sa gestuelle, elle semblait elle aussi maitrisée à la perfection; comme si chaque mot, chaque geste, chaque mimique était répétée mille fois afin de lui donner la couleur qu'elle mérite... et puis, alors que nous échangions des propos plus qu'importants, une voix faible nous coupa court. « Cassidy ? Heu, il y a euh... Sara Hawkins, une journaliste, elle voudrait que tu lui accordes quelques instants... » Je me retournais, agacé vers la blonde. Cassidy me donna congé et précisa qu'elle me rappellerait en temps voulu. Elle ne prit pas la peine de me saluer ou de me serrer la main avant de me laisser en plan pour retrouver sa nièce. J'en profitais pour passer, la tête haute, devant Sara que j'ignorai avec toute l'arroguance dont je pouvais faire preuve dans le but de récupérer mon manteau que j'enfilais à grands renforts de « s'il vous plait » parmi la foule. Sortant de Livingscorp, je me dirigeais vers la maison dans laquelle j'espérais retrouver un lit confortable et me jeter sur le matelas moelleux, non sans oublier de fumer en chemin et évitant de prendre le taxi pour éviter les coûts, attrapant mal dans le plus grand froid de la nuit.

« Jeremiah Matthews. » Il s'arrêta un instant et ajoutait : « Wyatt Jeremiah Matthews. » Je le dévisageais des pieds à la tête. C'était le jeune que je recherchais. J'avais pour habitude d'intimider les gens et ne fus pas surprise de mon effet sur le jeune homme. « J'ai bien eu votre message. Et je dois vous dire que j'ai été surpris. » Je l'entrainais sur le côté, passant derrière Ambre, elle était absorbée par ce bijou téléphonique que je lui avais offert, elle n'entendait probablement pas ce que je dirais à Wyatt et l'un dans l'autre, j'étais assez futée pour ne rien échapper de confidentiel ou de particulier durant une soirée publique. Je connaissais bien Wyatt pour avoir passé un temps fou à éplucher son dossier : jeune homme perturbé, dépressif, fumeur invertébré, a fait preuve de violence et de dégradation de matériel scolaire au lycée, incarcéré pour meurtre. Je gardais la chose pour moi et Jonathan. Les collaborateurs n'auraient pas appréciés ce choix. Cela dit, ils n'approuvaient pas grand chose et la prise de risque, ils ne connaissaient pas. J'avais un tas de projet réservés au jeune homme. Et j'étais persuadée qu'il accepterait. Il n'était pas différent des autres et, attiré par l'appât du gain, il n'allait pas me résister bien longtemps si il comptait le faire.

« Je vous connais monsieur Matthews. Je ne cacherai pas les réticences qu'auraient eu mes collègues s'ils avaient eu connaissance de votre casier judiciaire. Mais à Livingscorp, le passé n'a aucune importance. » Mentis-je dans un demi-sourire. Je l'observais à travers mes cils, il buvait mes paroles. « Si vous pensiez travailler jusqu'à la fin de vos jours comme commis aux poubelles, vous vous trompiez. » Je lui adressais un sourire poli et bref. « Il existe des tâches bien plus nobles et vous êtes choisi pour les exécuter. Quant à vos prétentions salariales, sachez que vous n'obtiendrez jamais autant dans n'importe quelle entreprise compte-tenu de l'incident qui vous accable. » J'ajoutais. « Livingscorp prend en charge l'ensemble de vos frais médicaux et vous offre l'une des meilleures protections du pays. A votre avis, pour quelle raison ? » Je laissais échapper un rire discret, éphémère, semblable à un ricanement poli et moqueur. « A Livingscorp, on se démène, on fait notre possible pour répondre à ses exigences. Nous possédons également quelques projets annexes relatifs aux laboratoires, vous pourrez être envoyé n'importe ou et pour n'importe quelle tâche. Les horaires ne sont certes pas faciles mais vous bénéficierez en plus d'un salaire confortable et d'une protection sociale quasi-infaillible d'une reconnaissance et d'un certain prestige. Et je crois que vous en avez bien besoin. »

« Cassidy ? Heu, il y a euh... Sara Hawkins, une journaliste, elle voudrait que tu lui accordes quelques instants... » Je me retournais, agacé mais me ressaisis derechef. « Pensez-y. Je vous contacte plus tard. » L'idée que ma "nièce" ai attiré d'autres jeunes naïfs ou mutants m'effleura l'esprit mais le nom de Sara Hawkins me revint comme une gifle en plein visage. La fouine était de la partie et je me confortais dans un sourire serein, attendant cette visite comme on attend de voir sa belle-mère; un sourire forcé au coin des lèvres et une courtoisie à toute épreuve.
« J'apprécie que tu sois venue Ambre, tu es ravissante dans cette robe, je suppose qu'elle te plait. » La créature me sourit et je constatais que je lui rendis son sourire de bonne grâce, elle était attachante... comme un animal de compagnie auquel on s'attache, je suppose. J'entendis mon téléphone sonner et m'excusais quelques secondes et décrochais. « Ils ? Dans le bâtiment ? Code B-5, orientez-les vers l'Aile A., Ouest, occupez-vous en. » Revenant vers la foule, je me tournais vers Sara et lui tendis une poignée de main franche. « Bonsoir, Cassidy Weasthon. Vous êtes ? »

Le discours des deux porte-parole de Livingscorp coupa court à notre conversation. Je n'écoutais que de moitié les mots prononcés par l'homme et la femme qui se tenait sur l'estrade, bien trop préoccupée par ce que je venais d'apprendre. Wyatt avait ignoré mes regards, il dévisageait Sara semblant presque dégoûté. Pourquoi réagissait t-il ainsi ? Je veux dire, si il n'avait vraiment rien à se reprocher, cette phrase n'aurait pas dû avoir un tel effet sur lui ? Etait-ce le malheureux souvenir de la perte d'Isabel qui le mettait dans cet état ? Il s'approcha de Sara afin de lui murmurer quelque chose à l'oreille. Ma curiosité me poussa à tendre l'oreille, mais il y avait beaucoup trop de bruit pour que je puisse entendre quoi que ce soit. Le jeune homme s'éloigna sans un au revoir, tandis-ce que j'essayais d'écouter ce que disait Cassidy Weasthon. Sara, puis Everleigh imitèrent Wyatt, en s'en allant quelques instants plus tard. Je me retrouvais de nouveau seule avec Charlotte. D'ailleurs, elle était restée plutôt silencieuse, depuis l'arrivée de tous. Je l'observais un instant, le discours se termina et la musique débuta. Quelques couples de danseurs se formèrent sur la piste. Je sentis soudainement quelqu'un me bousculer, je me retournais l'air presque effrayée. L'homme m'adressa ses excuses, s'apprêtant à poser sa main sur mon bras, me demandant si il m'avait fait mal. J'évitais son geste d'un mouvement de recul. Je portais un gilet à manche longue, mais je préférais éviter tout contact. Je regardais autour de moi, la foule, tous ces gens... il y'avais beaucoup trop de gens près de moi. Beaucoup trop de risques d'accident. Une boule se forma dans mon ventre, je paniquais. Je regardais l'homme, puis m'enfuyais à toute à allure. Je me frayais un chemin jusqu'à mes parents, que j'avais repérés quelques instants plus tôt.

« Je... Je vais rentrer à la maison. J'ai eu une sacrée journée et je suis fatiguée, mais restez... je vais prendre un... taxi » - je n'étais pas bien, mais essayais de le cacher. Mes parents acquiescèrent, puis je quittais la salle en vitesse, je récupérais mon manteau, avant d'arriver enfin à l'extérieur. Je m'arrêtais, soufflant un bon coup. Je décidais finalement de rentrer à pied jusqu'à la maison. J'avais besoin de respirer l'air frais. Je m'engageais sur le chemin, en proie à de multiples pensées. J'arrivais à la maison environ une demie heure plus tard, m'enfermant dans ma chambre, m'étalant sur mon lit.

[HJ : Fin pour Jaymee]

- Ravie de faire votre connaissance, Madame Weasthon. Très joli discours, vous l'avez écrit vous-même ? « Je vois que vous êtes perspicace mademoiselle Hawkins. » Répondis-je dans un sourire amusé. La fouine avait réussit à me joindre et par le biais d'Ambre, voilà qui est fort étonnant ! En plus de ne pas me ramener ce que je cherchais, elle avait le culot de me ramener Sara Hawkins. Si Ambre n'était guère futée, c'est une qualité que j'accordais à Sara. Elle avait réussit à démasquer quelques affaires qui m'étaient parvenues. Nullement impressionnée ou effrayée, j'ajoutais dans un sourire : « Je vous écoute. » Je profitais du passage d'un serveur pour me faire servir un verre de Chardonnay. J'espérais que la journaliste ne me fasse pas perdre trop de temps, mon portable émis un son discret, doux mais audible et j'en profitais pour, discrètement lire le message : Sujets Maitrisés. Un sourire satisfait se dessina sur mon visage. Ainsi ceux qui avaient, maladroitement essayés de s'introduire dans nos laboratoires avaient étés arrêtés par nos agents, comme il se doit, en bonne et due forme. Je trouvais leur initiative plus que stupide et ne comprenais pas comment on pouvait imaginer pénétrer au niveau 33.1. Nos systèmes de sécurité étaient bien trop performants et nos agents bien trop nombreux pour imaginer, ne serait-ce qu'une seconde que des voyous puissent entrer. Oui pour moi les cavaliers noirs n'étaient que de simples voyous en manque d'adrénaline. Tout comme la justice quelque chose... oui nous étions au courant de ses affaires mais nous n'y prêtions que trop peu d'attention, jugeant leurs actions trop désorganisées pour qu'elles puissent aboutir. Toutefois depuis quelques temps, certains de nos employés se penchaient sur la question...

Si je ne parvenais pas à éprouver plus de sentiments à l'égard des pauvres orphelins, je pouvais maîtriser mon sujet avec autant d'aisance que quiconque. Sara ne trouverait aucune information croustillante ni aucune révélation ce soir. Si elle pensait que je me confierai ou pire, que je lui dévoilerai nos projets les plus secrets, elle se trompait lourdement. Cependant je me posais tout de même la question, car Hawkins pouvait bien se contenter de relater ce simple bal de charité mais le fait qu'elle vienne me voir moi, au lieu du porte-parole et optionnellement bouffon au premier sens du terme, il devait bien en retourner d'autres choses. Je lui accordais un précieux quart d'heure. Mais peut-être Sara n'avait-elle tout bonnement rien d'autre à écrire. « Vous ne faîtes plus la première page depuis quelques temps... à quoi est-ce dû ?» Demandais-je dans un rictus poli mais narquois.

A mon tour, je décidais de partir, je me sentais de trop, de plus, Cassidy paraissait si occupée avec la journaliste qu'elle ne remarquerait même pas mon départ, cependant, il aurait été incorrect de m'enfuir comme une voleuse. Après mûres réflexions, partir comme une voleuse n'était pas le terme le plus approprié, en effet, personne ne s'attendait à ce que je reste, et mon départ était donc propice à la situation. Je saluais Cassidy de la main et n'en récoltait qu'un vague regard, quoi qu'en réfléchissant, je pense qu'elle s'adressait au serveur pour qu'il lui verse du vin dans son verre. Sortant à grands pas de la pièce et me prenant un couple de danseurs dans les côtes, je rejoignis mon chauffeur et lui précisais que je désirais rentrer chez moi. « Store Lane, le troisième bâtiment sur votre droite. » Je pensais à Everleigh et à son regard lorsqu'elle avait mentionné les effets de l'alcool, je fermais les yeux, me rendant compte que je souffrais plus que de raison; parce qu'elle m'avait d'une part humiliée en public et de l'autre parce qu'au lieu de me dire "tu sais, j'ai beaucoup aimé t'embrasser l'autre soir et si cette stupide bonne femme n'était pas entrée à ce moment là, nous aurions conclu", elle me rappelait à quel point mes inhibitions se levaient sous l'effet de la boisson. Je grinçais des dents, plus par déception que par colère. Je devais oublier, c'est bien ça, c'était sa manière de me dire "tu sais, je plaisantais j'espère que tu ne croyais pas qu'il s'agissait d'autre chose, j'aime trop les Hommes... j'aime tellement lorsqu'ils me prennent contre la table et fourrent leurs..." Cette pensée devenait trop salace et surtout trop dégoûtante. Comme une amie m'avait dit un jour "elle fait ce qu'elle veut de ses fesses" et c'était bien vrai. Pourquoi me souciais-je dans quel lit elle dormait et avec qui elle le faisait, après tout c'était plus facile comme ça voilà. Je l'imaginais soudainement avec un groupe de footballeurs, tous ensembles, je me forçais à imaginer pour me dégoûter et me rappeler qu'une hétérosexuelle c'était interdit, tout bonnement impossible...

Il me semblait dormir par accoup, les lumières de la ville, le gala de charité, le discours de Cassidy et de Buckley... les messages d'Everleigh, la rencontre avec Sara, le chauffeur... tout ça devint soudainement flou à mesure que mes yeux se fermaient, que mon corps s'affaissait et que je sombrais, tête contre la banquette arrière et trouvais à tâtons un oreiller et ne cherchais ni à comprendre ni à hésiter, je jetais ma tête dessus et me laissais aller dans une sieste improvisée, dans l'attente que le chauffeur me dépose devant chez moi, ayant conscience que le réveil serait inconfortable et difficile mais dans l'espoir de rencontrer un jour, un type gentil qui m'accompagnera ou que j'aille... et ce désir de trouver chaussure à mon pied s'évapora à mesure que la sieste se changea en nuit et que je sombrais d'avantage dans les bras de Morphée, dans un sommeil sans rêves.

Je sirotais mon verre de champagne, spectatrice de toute cette comédie. Tout ceci était tellement grotesque que ça m'en rendait malade. La vision de Cassidy Weasthon et Jonathan Buckley me brûlait la rétine des yeux. Qui était t-elle, cette Cassidy ? Elle semblait se prendre pour quelqu'un d'important, d'influent tout comme son acolyte, Jonathan. Cela avait le don de m'agacer. J'avais eu mon compte ce soir avec le comportement d'Ambre, qui n'avait daigné répondre à mon dernier message. Je suppose que contrairement à moi, elle n'avait aucune envie d'avoir une conversation, ni de régler l'incident. Je rangeais mon téléphone, je n'avais pu m'empêcher de vérifier pour la cinquième fois si elle avait répondu. Je posais mon verre sur la table près de moi et quittais la grande salle. Les bruits de la foule et de la musique se dissipèrent à mesure que j'avançais le long du couloir, observant chaque recoin. Je n'avais aucunement l'intention de tenter quoi que ce soit, comme infiltre le niveau 33.1. Non pas que j'aie peur, mais cela aurait été stupide d'y aller ce soir. Bientôt, le seul son qui me parvint fut celui de pas rapides qui foulaient le sol. A priori, plusieurs personnes se dirigeaient par ici. J'eus l'étrange sentiment qu'il se passait quelque chose. Une voix me parvint - « Des sujets ont été repérés, ils se dirigent vers le niveau inférieur. » - Un court instant passa et la même voix masculine repris - « C'est entendu. » - M'étant dissimulée dans un recoin obscur, j'observais le groupe d'hommes évoluer à toute allure. Des employés de Livinscorp... enfin plutôt les connards du niveau 33.1 devrais-je dire. J'avais de la chance d'être fine, ce qui m'avait permis de me cacher assez rapidement. Je suppose que ma présence ici leur aurait paru suspecte. J'allais seule à mes conclusions. Certains personnages avaient sans doute tenté d'introduire le niveau 33.1 et avaient dû être repéré. Je savais qu'une telle chose serait tentée ce soir. Seulement, c'était une erreur stupide. La surveillance avait dû être renforcée. Livingscorp se doutaient bien que certains essayeraient de profiter de l'occasion, pensant que c'était la bonne opportunité. Je pensais au contraire que ce n'était pas le moment. Il fallait l'avouer, Jonathan et son équipe étaient loin d'être idiots et tout était prémédité. Je sortais de ma cachette et rebroussais chemin. Je traversais la salle encore bondée, bien qu'un bon nombre de personnes semblaient être rentrés chez elles. Je passais au vestiaire, récupérait mes affaires et quittait Livingscorp. Je sortais mon portable et y tapais rapidement un message... puis retrouvait ma voiture. Je mit le contact et démarrais en trombe (...)

- Vous êtes le genre de femmes à ne pas quitter facilement son travail, n'est-ce pas ? Y aurait-il donc un projet plus important à Livingscorp que la soirée de bienfaisance ? Je lui adressais un grand et large sourire. « Excellente déduction mademoiselle Hawkins; en effet j'aime mon travail et bien plus, on peut me qualifier d'acharnée du travail. Et bien, je considère que chaque projet à son importance, de là à accorder plus ou moins à cette soirée de bienfaisance, je ne pourrais vous répondre. La cause des orphelins me touche énormément et je prends très à cœur ce projet. » C'était ma manière de contourner le sujet. Ajouter à cela de grands sourires bienveillants et intéressés, et mes déclarations passeraient comme d'habitude. Sara s'attendait sûrement à poser la tête sur l'oreiller, avec dans ses notes un monceau de confidences mais elle se trompait lourdement. Comme le moulin à paroles ne semblait pas avoir récolté les informations qu'elle cherchait, elle poursuivit.

- Il se trouve que j'étudie en ce moment la possibilité de faire un reportage sur l'économie florissante de Wellington. Bien entendu, Livingscorp est un passage obligé de la réussite de la cité. « Faîtes, faîtes, voilà qui vous occuperas. » Ajoutais-je en lui lançant un regard significatif. « Je suis flattée que vous vous intéressiez à l'organisation. J'espère que vous avez toutes les informations que vous souhaitiez car je vais devoir écourter ce charmant entretien. » Je m'excusais d'un mouvement de la tête et ajoutais, aussi courtoise que possible :
« Néanmoins si vous avez besoin d'autre chose, vous n'avez qu'à m'appeler sur le numéro de la société, demandez à me joindre. Bonne soirée Hawkins. » Un mouvement de tête suffit à écourter l'entretien, je me dirigeais maintenant rapidement vers l'ascenseur "en panne" et accédais à niveau inférieur dans lequel je me dirigerai vers une issue "condamnée" dans le but de rejoindre par un des accès le niveau 33.1 ou séjournaient sûrement quelques-uns des individus ayant tenté de pénétré dans nos laboratoires. Une chose dont j'étais persuadée, mes employés n'auraient pas enfermés de vulgaires humains, de simples voyous... et cette perspective me réjouissais, mes sombres expériences n'attendaient plus que des cobayes et je rêvais à présent de découvrir des choses qui feraient pâlir la Nasa...