Elle avait toujours été habituée à avoir une vie parfaite. Ou à faire semblant, à monter devant son vrai visage un masque pour cacher qui elle était vraiment. Lux n’avait jamais vraiment eu le choix; elle le faisait pour plaire à son père, un riche homme d’affaire qui devait tout mettre en place pour préserver les apparences. Elle a toujours eu cette habitude de ce cacher, de contrôler toutes les émotions qui bouillaient pourtant en elle, parce que c’était mal vu. Parce que c’était des faiblesses.

Quand Lux était toute petite, elle était celle qui voulait plaire à son papa. Elle faisait de son mieux pour bien paraître quand des invités de taille venaient à la maison. Elle croyait que, si elle agissait de cette manière, son papa l’aimerait plus. Elle croyait que, de cette façon, il passerait plus de temps à la maison, jouerait avec elle aussi. Pourtant, au fur et à mesure qu’elle grandissait, la situation ne changea jamais. Mais bon, Lux finit par se contenter tristement des cadeaux coûteux qu’elle recevait régulièrement. Une enfant gâtée pourrie, le stéréotype de la petite fille avec le père absent, mais qui possédait tout ce qu’elle voulait. Cependant, peu importe ce qu’elle faisait, même à l’adolescence, elle devait conserver les apparences, faire en sorte qu’elle paraisse comme étant la petite fille parfaite. Le contrôle sur sa vie était presque primordial, obligatoire dans sa famille. Une habitude qu’elle conserva tout le long de sa vie. Sa mère, quant à elle, a toujours demeuré présente. Elle l’élevait comme une parfaite jeune femme devrait être.

L’adolescence n’arrangea guère les choses, les rendirent aussi probablement pire qu’elles étaient déjà. Elle tenta une révolte, comme tous les ados de son âge, mais en espérant profondément que cela suffirait finalement à attirer l’attention de son papa. Juste pour une fois….cela ne coûtait rien d’essayer, non? Peu importe les moyens. Elle testa probablement tout ce qui aurait pu faire réagir son père; la drogue, l’alcool, les fêtes, manquer plusieurs cours de son école privée de gosses de riches. Elle débarquait régulièrement à la maison, à trois heures du matin, complètement soûle. Ou même ne revenait jamais d’une certaine fête de riches, où l’argent trônait peu importe où le regard se posait. Sa mère avait tenté de la raisonner, plusieurs fois. Elle l’avait punie, mais elle réussissait toujours à avoir le dernier mot avec elle. Elle en avait parlé à son père, qui lui s’était contenté de cacher son comportement, de l’avertir de ne pas agir ainsi. Pas parce qu’elle se détruisait elle-même, ou en tout cas pas totalement. Pas à cent pour cent parce qu’il s’inquiétait de ce que sa fille devenait. Pour cela, il préférait jouer à l’autruche et ignorer ses tentatives d’attirer son attention, se disant probablement qu’elle ne faisait que traverser comme les autres cette période de la vie. Il ne voyait pas, se contentait de lui dire de ne plus agir ainsi, ou du moins, de le cacher autant que possible, pour ne pas que les rumeurs commencent et viennent briser sa propre image de bon père de famille. Sa mère était en train de perdre le contrôle sur Lux et la regarda se détruire avec impuissance. Elle était complètement déchirée entre son désir de sauver les apparences pour son mari, les lois non écrites de la vie de riche qui exigeaient d’eux de cacher leurs problèmes, de paraître aux yeux de tous comme étant la famille parfaite, modèle même. La mère de Lux tenta divers moyens afin de l’éloigner de quelques amis, qu’elle considérait, malgré leur argent, comme des types peu fréquentables. Elle lui tint nombre de discours moralisateur, continua de lui payer ce qu’elle voulait dans l’espoir que cela cesse avec « cet amour ». La solution apparut comme un miracle, comme un signe du destin qui lui pointait la bonne chose à faire, le chemin à suivre. Un pamphlet de l’Université du Kansas qui traînait dans la maison, comme oublié là par manque d’intérêt. Une bonne université tout de même; ce n’était pas Harvard, bien sûr, mais cela pourrait tout de même faire.

Quelques mois plus tard, ce fut cette même université que Lux choisit pour poursuivre ses études. Pour une fois, elle suivit les conseils de sa mère. De toute façon, elle souhaitait depuis longtemps couper les ponts avec ce père qui ne s’était jamais occupé d’elle et cette mère qui n’avait su faire les bonnes choses pour elle. Non, elle voulait plus que tout au monde aller refaire sa vie ailleurs, tout en étant assurée, bien sûr, d’avoir des fonds illimité de la part de son paternel. Elle voulait couper les ponts, mais pouvoir conserver ce luxe dans lequel elle vivait depuis qu’elle était toute jeune. Contradictoire, non? Probablement; Lux était, après tout, une jeune femme qui était plein de contradictions. Le luxe était comme une drogue; comment s’en passer, comment vivre comme tous les autres dans une normalité pitoyable quand l’on avait toujours été habituée à se payer tout ce dont l’on souhaitait, sans aucune limite? Non, il n’était pas question que Lux se confine à une pauvreté. De toute façon, son papa accepta sans aucun problème de lui fournir tout l’argent dont elle aurait besoin. Peut-être par culpabilité, parce qu’il voulait, encore une fois, compenser pour l’avoir abandonnée tant de fois? Peut-être parce qu’il était incapable de lui en vouloir pour souhaiter couper les ponts, voler de ses propres ailes? Ou peut-être même un mélange des deux options, qui sait. De toute façon, pour être honnête, Lux s’en foutait profondément; pour autant que ce père lui fournisse l’argent, elle ne poserait aucune question. Lux déménagea donc au Kansas, contente de partir, de se libérer de cette obsession de conserver les apparences à tout prix, de paraître parfaite au monde entier. Bon, d’accord, Lux continuait d’agir ainsi par habitude, par peur que les gens puissent apercevoir ses faiblesses. Par orgueil aussi, parce qu’elle ne pouvait pas supporter se sentir au même niveau que tout ces types normaux qui étudiait aussi dans cette université. La vie là-bas ne fut guère différente de celle qu’elle menait dans sa ville natale. Elle repéra au premier coup d’œil ceux qui étaient comme elle, nombreux. Et le manège recommença; les fêtes, les cours de temps en temps lorsqu’elle était capable de se réveiller le matin, cet air constant de je m’en foutiste sur le visage. Comment pouvait-elle conserver sa place à l’université après avoir assistée à si peu de cours et avoir des notes si mauvaises? La réponse était simple, l’argent changeait absolument tout. En fait, les dons que son père offrait à l’université étaient plutôt persuasifs en eux-mêmes. Bref, Lux menait la grosse vie, la routine de sa ville natale revenait au galop.
Jusqu’à ce qu’une bombe de retardement vivante vienne tout chambouler sa vie, détruire les remparts qu’elle s’était montée autour d’elle, changer tous les repères auxquels elle se fiait depuis qu’elle était toute jeune. Cette bombe là, en quelques secondes, la démasqua plus rapidement que certains amis qu’elle connaissait depuis plusieurs années. Cette rencontre-là la laissa perplexe comme si, pour une fois, elle ignorait complètement comment y réagir. Enfin, quoi de plus déstabilisant qu’un étranger capable de lire ainsi en elle, de percer le masque de perfection qu’elle s’était montée? Quoi de plus déstabilisant qu’une personne qui ne se laissait pas démonter par cette attitude hautaine qu’elle se donnait? Il ne s’écoula que très peu de temps avant qu’elle ne tombe réellement amoureuse de Wylliam, de son caractère à la fois calme et bien trempé, de sa modestie et de la façon avec laquelle il ne se laissait pas impressionner par son argent. Quand elle était avec lui, elle ne pouvait que sentir une vague d’apaisement l’envahir, parcourir tout son corps tel un courant électrique et la laisser dans un état de calme total. Cet homme-là changea sa vie entière. Le premier homme de sa vie qui n’essayait pas de la changer, qui ne lui laissait pas sans cesse comprendre qu’elle devrait paraître encore plus parfaite. Le seul qui était là pour elle et qui était prêt à accepter toutes les foutues conneries qu’elle pouvait faire. Il était en journaliste et finissait environ un an avant elle. Ce fut sa présence et le fait qu’elle avait maintenant une raison pour avancer à pleines dents dans la vie qui la poussa à terminer ses études. Soudain, il y avait moins de fêtes, moins de boisson. Elle voulait se débarrasser le plus tôt possible de cette foutue université pour vivre avec Wylliam, pour avoir la vie de couple qu’elle avait toujours souhaitée, avec un type qui ne couchait pas avec elle simplement pour ses gros seins. Ils continuèrent à vivre leur vie de couple pendant encore deux ans, jusqu’à ce que Lux ait terminée son diplôme. Ensuite, ils entreprirent de se trouver un luxueux appartement en ville. Leur petit nid d’amour, ils commencèrent à le construire au Kansas, endroit où ils venaient de déménager. En effet, son homme avait réussit à la convaincre de retourner s’installer dans sa ville natale à lui. Elle n’avait opposé que bien peu de résistance, elle qui voulait couper les ponts avec ses parents, ne conservant d’eux que l’argent. Lux & Wylliam furent heureux et ne manquèrent de rien. La brunette se détacha peu à peu de la richesse de ses parents, vivant avec l’argent de son mari pendant qu’elle demeurait femme au foyer. Lui ne s’en plaignait pas le moins du monde; ils pourraient facilement subsister à leurs besoins avec son seul salaire et puis quel homme se plaindrait d’avoir une femme pour entretenir la maison pendant qu’ils travaillaient? Bien sûr, c’était plutôt vieux jeu, mais ce style de vie normal leur convenait à tous les deux. Pendant quelques années, leur routine continua ainsi, sans aucun obstacle pour venir crever la bulle d’amour dans laquelle ils vivaient. Rien ne semblait vouloir troubler la vie parfaite qu’ils s’appliquaient à garder. La vie à l’apparence parfaite que Lux s’entêtait à vouloir garder ainsi.
Puis vint la chose qui vint bousculer tous ses repères, sans exception. Lux écoutait distraitement la télé ce matin-là, café à la main. Le soleil éclatant inondait la cuisine où elle se trouvait et venait agréablement réchauffer son visage délicat. Elle avait fermé les yeux quelques secondes, pensive, quand quelques mots attira son attention.

« Nous voulions avertir tout nos concitoyens du Kansas d’éviter le plus possible les déplacements inutiles et de demeurer dans un endroit sécuritaire en attendant que les choses se calment. En effet, l’on vient tout juste de me faire part d’un type d’événement naturel qui est maintenant en cours sur une partie du Kansas. Il s’agit d’une chute étrange de matériaux ressemblant à de la pierre qui a cours dans le nord de la ville présentement. Nous avons de bonnes chances de croire que ce phénomène insolite s’étendra sur la ville complète. Il est donc d’une importance vitale que les citoyens, particulièrement dans la ville de Wellington, aillent se réfugier dans des endroits sécuritaires, comme le sous-sol de la maison ou un bunker, par exemple. Les dommages sont…. »

Lux fronça les sourcils face à cette nouvelle, ne sachant pas trop comment y réagir. Une pluie de pierre sur toute la ville, possiblement sur une grande partie du Kansas? Ridicule. Comment cela pouvait seulement être possible? Elle s’inquiéta de son mari, qui travaillait aujourd’hui, pendant quelques secondes. Puis, Lux haussa les épaules, se disant que c’était probablement un truc sans importance qu’ils avaient accentué pour faire du sensionnalisme. Son mari travaillant dans le journalisme, elle savait que cette méthode existait. Elle avait prévu de sortir, histoire de faire quelques courses. La brunette hésitait pendant encore quelques secondes, incertaine de la marche à suivre, mais un coup d’œil à l’extérieur finit de la convaincre que le beau temps serait de mise aujourd’hui. De toute façon, se dit-elle, c’est au nord que ça se passe; elle aura certainement le temps de partir et de revenir avant même que cela n’atteigne sa maison. C’est ainsi que, têtue, elle entreprit de sortir tout de même. Elle faisait des commissions depuis environ une heure lorsque les choses commencèrent à mal tourner. Lux se trouvait alors près des portes extérieures, qui se retrouvèrent rapidement fracassées par les pierres qui tombaient du ciel. Elle sut pourtant se protéger à temps et, heureusement, ne fut pas blessée par les pierres, bien qu’elle aperçoive avec impuissance un grand nombre de personnes atteintes près d’elle. C’est de cette manière que Lux fut en contact avec ces foutues météorites. Et c’est également comme ça que tout changea.

Lux eut droit au contrôle d’usage à l’hôpital, mais c’est seulement lorsqu’elle put ouvrir la télévision qu’elle eut pleine conscience de l’importance de ce désastre. C’est peu dire que d’affirmer qu’elle regrettera une bonne partie de sa vie d’être sortie malgré les avertissements ce jour-là. Les quelques jours tout de suite après la catastrophe, il n’y eut, pour ainsi dire, aucune différence dans sa vie. C’est seulement une semaine plus tard qu’elle fut victime de syndromes étranges. La température de son corps monta en flèche, jusqu’à devenir brûlant à son entier. Elle se sentie faible, avait une incroyable difficulté à se lever le matin. Son mari s’inquiétait et voulut rester à la maison pour s’occuper d’elle. Entêtée, Lux s’opposa à cette solution et lui assura que cela passerait, que ce n’était pas grave. Quelques jours après cette étrange maladie, elle avait une soirée entre amies; certaines d’entre elles n’avaient pas été gâtées par la catastrophe et elles avaient décidé de leur remonter le moral. Ce jour-là, elle dut se faire force pour être capable de sortir de son lit; elle se sentait toujours aussi faible et la fièvre ne semblait pas vouloir s’abaisser. Elle savait pourtant qu’elle se devait de se montrer à ce souper, question d’apparence, pour ne pas que les autres devinent ses faiblesses et se posent des questions interminables sur sa vie supposée être parfaite. Lux se prépara avec difficulté et fit quelques pas à l’extérieur. L’air plus frais du soir lui fouettait agréablement le visage. Cela lui faisait un bien fou, bien qu’elle eut toujours aussi chaud. C’est en chancelant qu’elle se rendit jusqu’à sa voiture. Elle espérait que son homme ne reviendrait pas trop tard; il avait un meeting de haute importance.

Lux n’eut aucune difficulté à trouver la maison de sa meilleure amie. C’était une riche demeure qui se trouvait à quelques rues de la sienne. Vu le nombre d’invités, elle dut se stationner dans une ruelle plutôt sombre, juste à côté de la maison, que son amie avait transformé en parking à utiliser « au cas ». La soirée en question dura une bonne partie de la nuit; l’alcool y était au rendez-vous, comme le plaisir. Pourtant, contrairement à son habitude, Lux ne prit qu’un seul verre, qu’elle but lentement pour éviter les questions; elle n’était pas trop en état d’avoir du plaisir, mais s’entêtait à paraître en avoir. En fait, elle détestait devoir répondre aux questions de ses amies, qui pourraient se préoccuper si jamais elle ne se comportait pas comme d’habitude. Vers minuit, elle résolut de s’en aller. Lux inventa une excuse stupide, celle d’être tout simplement crevée, et entreprit de quitter ses amies.

La brunette marchait dans la ruelle sombre où se trouvait son automobile, jurant contre la stupide idée de son amie de se servir de cet endroit. Elle devait marcher à tâtons pour retrouver son chemin et pour s’assurer de ne pas tomber. Ses mains demeuraient donc en tout temps sur le mur alors que la jeune femme le longeait précautionneusement. L’air était encore plus fraîche qu’à l’accoutumée; un frisson la parcourut des pieds à la tête et ce, malgré l’étrange chaleur qui la grugeait depuis plusieurs jours maintenant. Allez, quelques pas de plus et ce serait terminé….Lux plissa des yeux et put alors apercevoir la forme sombre de son automobile qui se découpait contre le mur. Elle était proche. Lorsqu’elle atteindrait sa voiture, tout se passerait rapidement; elle aurait à peine le temps de penser qu’elle se retrouverait dans son lit. C’est à ce moment qu’elle sentie des mains froides se poser contre sa nuque et que la pointe aiguisée d’un couteau brilla dans la noirceur. Elle se figea et arrêta de respirer, attendant la suite avec anxiété, la peur bouillonnant en elle dans une intensité qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant.

« Hey sale pute riche, tu bouges d’un seul poil et tu te retrouves morte sur le sol. »
Lux avala difficilement, tentant de réprimer la peur qui grouillait en elle.
« J’ai…j’ai pas l’intention de bouger. Tu…tu veux quoi? »
Pour une des seules fois dans sa vie, elle avait perdue toute son assurance.
« Tu me donnes ton cash ou c’est fini de ta vie. »

À peine avait-il terminé de prononcer ces mots que Lux fit un geste pour prendre son sac à main. C’est quand elle se rendit compte que ses mains étaient vides qu’elle figea pour de bon; la peur était plus forte que jamais désormais. Et avec raison, puisqu’elle venait de prendre conscience du fait qu’elle avait oublié son sac à main chez son amie, dans sa précipitation pour partir. Elle déglutit difficilement;

« Je…je ne l’ai pas. Laissez-moi aller le chercher chez mon amie et je vais… » Elle n’avait que peu d’espoir que cette option ne plaise à ce type.
« On s’en fout… »

Le type commençait à paniquer. Apparemment, les choses n’allaient pas comme il l’aurait voulu. La solution; en finir le plus vite possible avec cette femme qui ne servait à rien. Il brandit son couteau, ayant apparemment choisit cette option. Lux eut le temps d’apercevoir l’éclat de la lame briller dans la noirceur, plus éclatante que jamais avant de perdre totalement le nord. Ce qui se passa par la suite se déroula si rapidement qu’elle ne sut l’expliquer. Soudain, elle eut l’impression que son corps entier n’était devenu que flammes. Lux se demanda ce qu’il avait bien pu lui faire quand elle fut envahit par une lumière rouge orangée. Une lueur de flammes. Le tout ne dura que quelques secondes, le temps d’un éclair. L’intensité était telle que Lux fut clouée au sol sans pouvoir bouger, comme si tous ses muscles étaient paralysés. La sueur perlait sur tout son visage comme si elle avait courut le marathon; elle était emprunte d’une chaleur terrible, son corps était encore en ébullition. Étourdie, bouleversée par ce phénomène, elle passa une main sur son visage dégoulinant pour essuyer la sueur avant de se rendre compte qu’elle ne sentait plus contre elle la lame glacée. Peut-être l’homme avait-il fuit à cause de cette lumière? Peut-être avait-il prit peur? Lux n’osait guère y croire, mais ne pouvait s’empêcher de conserver en elle un fol espoir que tout était terminé. Mais tout ne faisait en fait que commencer. Soudain prise d’un doute terrible, elle se retourna lentement, avec une hésitation mêlée à une peur terrible de ce qu’elle trouverait derrière elle. Peut-être l’homme s’était-il tapi dans l’obscurité pour mieux la surprendre? Lorsque son corps eut complètement terminé sa rotation et que Lux posa les yeux à l’endroit où avait été, il y avait seulement quelques minutes, un homme en chair en os.

Une panique totale la submergea lorsqu’elle vit que personne n’était derrière elle. Que personne ne se cachait dans l’ombre pour la surprendre. Il n’y avait plus, en fait, que les cendres qui avaient constitué un homme. Elle l’avait complètement immolé. Pourquoi était-elle certain qu’elle était la responsable de tout cela? Elle le savait, tout simplement. Lux, qui avait mené jusque là une vie rangée avec son amoureux, presque parfaite, venait de tuer un homme. Elle courut jusqu’à sa voiture pour retourner chez elle. Son homme la retrouva dans son lit en revenant; elle ne put pourtant pas fermer l’œil de la nuit.

Des mois plus tard, Lux ne comprenait toujours pas ce qui avait pu se passer. Blessée profondément, elle se repassait sans cesse le film des événements, toujours en étant sûrs qu’elle l’avait elle-même provoqué. Lux ne pouvait se résoudre à en parler à son mari; et s’il croyait qu’elle était devenue complètement cinglée? Après cette fatale première fois, ces…flammes ne se déclenchèrent que quelques fois par accident. Elle n’avait aucun contrôle sur elles et ressentait de plus en plus de peur face à celles-ci. Bon sang, que se passait-il avec elle? Que lui arrivait-il? Elle était de plus en plus stressée, anxieuse, elle avait sans cesse peur de déclencher par erreur ces flammes, de blesser quelqu’un d’autre ou que son mari le sache. Parce que oui, elle en était certaine maintenant, c’était ces flammes qui avaient tué cet homme, il y avait de cela longtemps. Troublée, elle tentait pourtant de cacher ces faiblesses, de paraître parfaite, comme d’habitude.

C’est lorsque la jeune femme entendit parler, à la télé, des effets insolites qu’avait eu la pluie de météorites sur certaines personnes qu’elle se décida à en parler à son mari. En effet, elle venait de comprendre d’où cette étrange malédiction provenait et cela ne faisait que l’inquiéter davantage…C’était donc à cause de ce fameux jour, celui où elle avait malgré tout décidé d’aller faire des courses qu’elle était devenue ainsi. Se maudissant pour la millième fois, elle se fit croire qu’en parlant avec son mari, il comprendrait et pourrait l’aider. C’était beaucoup mieux que d’avoir à affronter tout cela seule.

Son mari s’était montré aussi inquiet qu’elle. Il avait aussi peur, mais ne savait pas plus comment agir. Pendant un instant, Lux crut qu’il la croyait cinglée, qu’il allait carrément la mettre à la porte sans accepter ce qu’elle était. À la suite de cette nouvelle, Wylliam ne parla que peu et passa le reste de la soirée hors de la maison, probablement dans un bar chic de la ville. Elle ne le revit que le lendemain matin; apparemment, il avait eu besoin de réfléchir à la suite des choses. Il avait aussi entendu parler des effets de la pluie de météorites, ou en tout cas, c’était ce dont il lui fit part lorsqu’il entra en trombe dans la maison, le lendemain matin. Lux était dans la cuisine depuis déjà des heures, café à la main; elle n’avait pas pu fermer l’œil de la nuit, encore une fois. Les questions, toujours les mêmes, tournaient et retournaient dans sa tête remplie. Qu’allait-elle devenir? Qui était-elle? Est-ce que cette malédiction allait cesser, s’éteindre? Peut-être. Peut-être allait-elle être comme cela tout le reste de sa vie? Wylliam tenta de l’aider; peut-être pourrait-elle faire appel à la Fondation Isis afin d’avoir de l’aide? Peut-être pourraient-ils lui en apprendre davantage sur ses pouvoirs? Lux avait pourtant refusé obstinément de faire appel à ces inconnus, dont elle avait aussi entendu parler à la télé. Non, mieux valait n’en parler à absolument personne, ne pas en glisser un mot. Que personne ne sache l’horreur qu’elle était devenue; ainsi, sa réputation pourrait être sauvée. Peut-être qu’à force de l’ignorer ce pouvoir disparaîtrait? La chicane qui s’ensuivit, entre eux, fit monter des tensions dans le couple, tensions qui persistent encore présentement, alors que Lux se bat pour conserver son anonymat. Jusqu’à quand pourra-t-elle résister? Elle l’ignorait…