Kristen était revenue dans ma vie depuis quelques semaines, moins d’un moins. Je l’évitais. Elle me troublait. J’ignorais comment me comporter avec elle ayant abandonné l’état de léthargie dans lequel je m’étais plongé depuis mon « réveil ». Je n’avais presque aucun souvenir d’elle, dans cette vie du moins. Une anomalie de réalité, je présume. Je me souvenais pourtant qu’elle m’avait appris à conduire et que nous avions parlé des auteurs qui ont changés nos vies. Dire que tout ça n’avait jamais existé… je n’avais pas mon permis donc elle ne m’avait jamais appris à conduire. Ce casse-tête me donna une migraine monstre et je décidais de m’habiller pour aller prendre un cachet. J’avais pourtant quelques bribes de cette « réalité », aucune ne me mettait à mon avantage. Kristen me ramenant un peu trop guilleret après une soirée arrosée, Kristen payant ma caution pour troubles à l’ordre au public afin d’éviter que notre père m’en colle une, Kristen qui m’aidait à réviser pour passer chaque année mes dernières évaluations deux semaines avant qui consistait surtout à me faire apprendre le programme… bref, Kristen devait me considérer comme un véritable looser. Avait-elle payé ma caution (qui soi-disant passant n’avait rien avoir avec les modiques sommes qu’on payait dans les cellules grises) parce qu’elle me croyait innocent ou parce qu’elle était ma sœur, tout simplement ? Elle en qui j’avais vu une alliée toutes ses années s’avérait être une véritable étrangère pour moi. Je me contentais de l’éviter et d’éviter toute bévue, restant poli et avenant. Etait-ce le comportement à adopter ? Plus les semaines passaient et plus je me disais que je faisais une grosse erreur de tactique. Ayant été un looser, un pauvre type qu’on on l’appelle communément, j’aurais dû garder cette étiquette… quoi qu’il en soit j’étais perdu. Ce n’était pas le meilleur moment pour Jaymee de s’incruster chez moi, j’avais promis à Kristen que ceci était passager (après tout nous habitions ensemble et imposer nos conjoints était plutôt malvenu d’autant plus qu’elle était revenue il y a peu et qu’elle aurait peut-être eu envie de retrouver les choses comme elles étaient). Après avoir été témoin des hurlements de Jaymee dans la nuit (suite à cela, je lui ai proposé de rester chez moi quelques temps), je constatais désormais qu’elle était somnambule. J’hésitais à l’emmener voir un psychiatre, un charlatan, comme je les appelle mais tout ceci m’inquiétait. Chaque nuit, je couvrais les tract, de ses dessins qu’elle faisait quand elle était somnambule aux choses qu’elle dérangeait en se promenant dans la chambre… j’avais la prétention de croire que nous pouvions nous passer d’un spécialiste. La pseudo-fusillade à Livingscorp, l’attentat il y a moins d’un mois… tout ceci la terrifiait… ce fut donc une tête abasourdie par les pensées qui décida de descendre dans la cuisine.

Le même casse-tête recommençait tous les matins. Comment m’habiller ? Le Wyatt que Kristen connaissait aurait mis quoi ? Et la vérité me frappait à chaque fois que j’y songeais. J’avais jeté ses vieilles frusques, la plupart de ses jeans troués et de ses t-shirt informes, ne portait plus ses vestes à capuches qui me donnais l’impression d’être une racaille de banlieue. Je regrettais déjà mon choix mais enfilais un pull en coll V beige, un jean sombre et des chaussettes, essayant de coiffer une tignasse qui avait déjà repoussé. J’aimais les cheveux courts. Quelle fut ma surprise lorsque j’avais fouillé dans ses affaires… mes affaires et que j’avais découvert des photos ou mes , ses, cheveux étaient plus ou moins longs… lui ne se coiffait pas, bien au contraire, plus il paraissait négligé et plus il semblait dans son élément. Dire que j’avais été à Harvard, un bon fils, un bon frère… qui me croirait ? Au diable ce minable, je brossais ma tignasse en passant de l’eau dans mes cheveux, dévalant l’escalier (peut-être avais-je cette habitude en commun ?), sautant sur sol à l’arrivée pour chercher un cachet lorsque j’entendis du bruit. Jaymee étant partie travailler (elle travaillait comme libraire ou un truc du genre pendant l’été), ce ne pouvait qu’être Kristen. Zut. Rester naturel, cool même, détendu. J’inspirais un grand coup et préparais du café et ma réplique, par la même occasion. La voyant arriver, je lui adressais un large (faux) sourire et déclarais : « Je prépare du café, je te sors une tasse ? »

Cela fait maintenant deux années où je suis partie d’ici et pourtant on dirait que la vie a changé. Rien au niveau du mobilier ou des structures. Le soleil se couche et se lève toujours aux mêmes horaires qu’auparavant. Je crois que c’est une question de spiritualité, vous voyez, vous laissez quelqu’un et vous pensez retrouver ce quelqu’un en même état que ce soit moral ou physique. J’ai laissé Wyatt chez moi et je suis partie. Il était, à mon souvenir, assez paresseux, rebel, l’ensemble du type à problèmes et pourtant je l’aimais comme il était, c’était mon petit frère… Depuis mon retour, il agit si différemment, il se coiffe et parle d’une manière si classe. J’essayais de faire avec mais j’ai toujours envie de lui demander ce qui a bien pu se passer… Les journées passent et repassent, et je ne sais pas comment affronter ces différences, surtout mon changement. J’ai peur de provoquer une vision de lui… Voir son avenir provoquerait peut-être une méfiance encore plus évidente que celle que jeporte déjà envers son nouveau comportement… Et s’il le remarquait, je pense qu’il voudra savoir pourquoi je me méfie tant de lui, je devrais lui dire la vérité et il en viendrait à se poser des questions sur sa vie elle-même. Je le connais, il est comme ça et il le sera toujours, même si son comportement a eu un changement plus que radical… Ce serait trop pour moi et pour lui, de plus, vivant dans la même maison, vous imaginez cette « souffrance » morale que l’on devrait affronter ? Vous penserez peut-être que cela pourrait nous rapprocher comme avant…
Trop de pensées tuent la pensée… Je me lève de mon lit, hop, comment vais-je m’habiller ? Oh, ce t-shirt et cette jupe feront l’affaire. La coiffure,…, je vais attacher mes cheveux mais d’une façon simple et mettre ces escarpins… Petit brossage de dents et un chewing-gum à la bouche, je suis finalement prête à sortir de ma tanière pour descendre à la cuisine… J’entends du bruit,…, j’espère que ce n’est pas Jaymee, ce n’est pas que je ne l’aime pas mais Wyatt m’avait promit que ce n’était que temporaire... Ce n’est que Wyatt ! Il me fit un sourire et sorti de sa bouche « Je prépare du café, je te sors une tasse ? ». Auquel je répondis « Euh, oui merci ». Je lui rendis son sourire et me sorti un bol. Je lui adressa un « Alors, tu as bien dormi ? »…

« Comme un loir. » Répondis-je du tac au tac avant de trouver moi-même ma réponse soupçonneuse. Je bafouillais et ajoutais. « Heu j’veux dire, ouais, normal. » Je fronçais les sourcils en guise de réponse. Voilà pourquoi je l’évitais. J’ignorais comment lui parler, procéder, j’enchaînais gaffe sur gaffe et ça n’allait pas s’arranger avec le temps. Ce fut dans le silence que je nous sortais deux tasses, servant deux cafés bien noirs et brûlants dans leur contenant respectif. « Et toi ? » Demandais-je tout à trac, me cachant derrière ma tasse que je portais à mes lèvres, me brûlant au passage et retenant une interjection, me contentant de grimacer comme un idiot. J’allumais la petite télévision de la cuisine comme pour combler le silence et me permettre de distraire mon esprit, de nous distraire afin d’éviter un moment gênant. J’aimais ma sœur, je l’admirais pour ce qu’elle était et ce qu’elle représentait. Le problème est que je ne savais pas comment l’exprimer, je m’étais juré, en gardant cette vie de jouer parfaitement la comédie, d’être de Wyatt que tout le monde connaissait. Si quelqu’un savait pour mon don… personne ne voudrait croire à mon histoire et je serai interné à l’hôpital pour démence. Mieux valait mentir constamment bien que je finirais par me trahir un jour ou l’autre. La présence de ma sœur me mettait mal à l’aise et remettait tout en cause. J’avais connu Jaymee après mon réveil et pouvais rester la personne qu’elle connaissait bien qu’elle m’eut connu en pleine dépression et un peu bougon (je l’étais encore malgré tout de temps à autre). Pour passer le temps, je décidais de parler du voyage de Kristen, peut-être raconter l’aiderait à ne plus se focaliser sur moi, je la connaissais très bien et son regard discret parfois me faisait penser que quelque chose clochait chez moi. « Parles moi de ce que tu as fait… je sais qu’on n’a pas eu vraiment l’occasion d’en parler même si ça fait plusieurs semaines déjà mais j’ai du temps aujourd’hui et j’aimerai vraiment que tu me racontes, je suis persuadé que tu as vu des choses passionnantes… tu as toujours eu d’étonnantes choses à me raconter, ça… me manque. » Avouais-je dans un souffle. J’ignorais si le Wyatt qu’elle connaissait aimait l’écouter parler durant des heures mais tant pis, au risque de m’induire en erreur. Je ne pouvais pas empêcher la curiosité qui me rongeait de découvrir ce qui s’était passé dans sa vie. Elle avait beau être ma grande sœur, il n’empêchait que je voulais la protéger quoi qu’il arrive. Ca faisait deux ans qu’elle était partie. Deux ans que je m’étais réveillé. Deux ans qu’elle me manquait. « Tes cheveux sont plus blonds. » Laissais-je entendre. Tant pis ! Elle m’avait manqué merde à la fin ! Je n’étais pas franchement tactile mais l’envie de la prendre dans mes bras me rendait fou. J’avais tellement envie de retrouver la sœur que je connaissais mais qui n’était plus et elle, probablement de retrouver le frère qu’elle avait connu. Je me souvenais qu’elle m’ébouriffait toujours les cheveux parce que je passais un temps monstre à les coiffer chaque matin, qu’elle m’obligeait à manger sainement parce que je préférais me nourrir au café et au bacon. Je voulais l’entendre parler, me parler jusqu’à plus soif. Je voulais… étrangement toucher ses cheveux, les brosser en prenant un air exaspéré de le faire, me plaindre de cette activité que je qualifierai de chochotte… j’ai toujours été proche de ma sœur… durant notre adolescence, notre vie d’adulte… mais vue ce que le Wyatt d’ici avait laissé, je doutais fort qu’une complicité comme celle-là ait jamais existé.

Je versais le lait dans mon bol après avoir bien sûr mit les céréales, qu’est-ce que ça a pu me manquer cette habitude… Pendant ce geste si naturel, Wyatt me répondit et me lançât un « Et toi ? ». Après un petit lapse de temps où je fis la moue, je lui répondis « Oui, j’étais exténuée de ma journée et particulièrement fatiguée, j’ai enfin repris le boulot donc c’est un peu dur en quelque sorte… ». Tandis que je lui répondis, je l’ai vu se brûler les lèvres, j’ai faillit lâcher un petit rire moqueur mais je le ravalai de suite. Il me fixait et je voyais à son air qu’il voulait en quelque sorte changer de sujet pour peut-être cacher un petit quelque chose. Aujourd’hui était mon jour de congés, oui je sais, c’est assez étrange puisque je n’ai repris le boulot que depuis hier mais j’ai le privilège de travailler à la maison. C’est plus pratique, car ma maison m’a vraiment manqué… Perdue dans toutes mes pensées, Wyatt me remise à la réalité et me demanda « Parles moi de ce que tu as fait… je sais qu’on n’a pas eu vraiment l’occasion d’en parler même si ça fait plusieurs semaines déjà mais j’ai du temps aujourd’hui et j’aimerai vraiment que tu me racontes, je suis persuadé que tu as vu des choses passionnantes… tu as toujours eu d’étonnantes choses à me raconter, ça… me manque. ». J’étais assez surprise de cette requête, étais-je vraiment prête à lui avouer pour mon don, lui dire dans les moindres détails mes aventures de la Californie ? Tant de questions et aucunes réponses viennent à moi, bon allez, c’est ton petit frère, il ne va pas te prendre pour un monstre, pour une folle ou quoi que ce soit d’autre… Je me sens nerveuse, mais pourquoi, pourquoi et oui je voudrais bien savoir pourquoi ?! Je me jette à l’eau ou je raconte des bobards ? Je peux peut-être lui raconter quelques petits trucs vrais et inventer une suite… D’accord, je me lance. « C’est une histoire très longue, tu en dormirais debout… Mais si tu y tiens… Alors d’abord, je suis partie dans une banlieue en Californie et là-bas j’ai rencontré une fille, Hera, elle a 25 ans et nous avons habité ensemble durant ces deux années. Nous nous sommes rencontrées par hasard sur la route, elle faisait de l’auto-stop pour rentre chez elle et je l’ai aidée. En agissant ainsi, elle m’a invitée à vivre avec elle. Nous avons sympathisées et nous faisions attention l’une à l’autre. ». Je pris une gorgée de mon café et une cuillère de Corn Flakes avant de reprendre « Tu sais, elle est vraiment très gentille, et chaleureuse. Je me rappelle encore de la façon dont elle me parlait avec sa voix si douce mais si rassurante… Elle me manque tant… Elle m’a appelée hier pour me dire qu’elle viendra me rendre visite bientôt… » Je refis la même action que précédemment… « Tes cheveux sont plus blonds » Je lui lançai un sourire avant de répondre « Oui, je les ai teints… un peu trop je crois. Je suis passée de brune à blonde, de blonde à brune. Si tu savais, c’était assez amusant et c’était comme si je jouais des rôles… » C’est bien Kristen, dis lui quelques petits détails mais ne lui raconte pas tout, il n’est pas prêt…

J’acquiesçais de la tête, tentant de comprendre ses paroles mais trouvais son histoire bien trop étrange, toute droite sortie d’un livre ou d’un film. Je ne croyais pas du tout à sa rencontre, en l’existence même de cette Hernie ou Hera, peu importe. Ma sœur mentait, je la connaissais. Peut-être me trompais-je, la sœur que j’avais connu aurait menti, ce regard me l’indiquait mais elle n’était pas ma sœur, je ne décelais donc rien de concret. Je me sentais dérouté, dérouté par ses confessions aussi vrai soient-elles et par la vélocité de ses paroles, elle débitait à une allure impressionnante, trop rapide pour être un mensonge à moins que celui-ci n’ait été préparé d’avance… cette idée me fit déglutir. Ma sœur oserait-elle me mentir ? Que lui était-il arrivé ? Il avait été si facile de « l’oublier » durant ses deux années, trop préoccupé à me demander si je devais rester ici, dans cette « réalité » ou partir… J’eus de nouveau mal au crâne, un mal de tête monstrueux qui m’étouffa bientôt, j’avais grandement besoin d’air ou d’une bonne cigarette, au choix. Je fouillais rapidement dans une boite qui contenait quelques médicaments et y trouvais quelque chose pour mes maux de têtes tandis que Kristen se servait en corn-flakes, au moins une habitude qui n’avait pas changé. « Oui, je les ai teints… un peu trop je crois. Je suis passée de brune à blonde, de blonde à brune. Si tu savais, c’était assez amusant et c’était comme si je jouais des rôles… » J’avais raté un épisode. Ma sœur, habituellement rationnelle, responsable et tristement prévisible avait, semble-t’il, joué à la vagabonde. Tout cela ne présageait rien de bon, sa phrase était à double-sens, voulait-elle que je saisisse un quelconque message du genre « je ne veux pas te demander de l’aide, à toi de deviner que j’en ai besoin » ? Je m’imaginais encore des choses et ce mal de tête qui n’en finissait pas… « Okay. Ça a dut être intéressant comme périple. » Laissais-je entendre en avalant rapidement mon café qui me servit à faire descendre le cachet magique. Ou était passée ma sœur ? Peut-être avait-elle laissé place à Kristen l’aventurière… Tout d’abord, pourquoi serait-elle partie subitement en Californie ? Pour quelle raison ? Ce n’est pas comme si le Kansas était vraiment son état voisin… cette histoire clochait, me prenait-elle pour un idiot ? Peut-être me voyait-elle comme tel. Cela n’avait aucun sens, son histoire ne tenait pas debout… le manque de sommeil ne m’aidait pas à avoir les idées claires. Je décidais de me servir une seconde tasse de café et croisais son regard, un doux regard qui me semblait bien cacher quelque chose. Je la connaissais bien, trop bien pour savoir qu’une faille subsistait dans son récit. Je l’observais ainsi quelques secondes avant de détourner les yeux. [i ]« Merci pour… le loyer. Les factures, tout ça… »[/i] Finis-je par dire en baissant la tête, avouant physiquement ma plus grande faiblesse ; ma dépendance envers elle. [i)« On n’a pas eu vraiment l’occasion d’en parler mais comme je te l’ai dit, j’ai été embauché à Livingscorporation. »[/i] L’organisme de recherche privé aussi mystérieux que prestigieux. Ses deux ans d’absence l’avait probablement éloignée de toute actualité envers l’organisme ; tant mieux. J’évitais donc avec soin de lui parler des scandales provoqués par Livingscorp et de la pagaille qui avait été semée depuis novembre, Kristen avait besoin (probablement) de temps pour retrouver ses marques. Elle devait probablement se demander ce que je fichais là-bas. Je n’avais pas exactement les compétences requises pour travailler dans un laboratoire et encore moins la carrure pour être agent de sécurité… Livingscorp, le monde de demain… l’entreprise était vraiment mystérieuse… « En fait, je… je m’occupe de certaines affaires là-bas, rien de palpitant. » Même si mon travail consiste à accompagner comme un fidèle toutou le chef de projet qui s’avère être l’un des porte-paroles de la société et l’une des personnes les plus méprisée de l’Etat… « Je vais donc pouvoir payer ma part… j’ai passé ces derniers mois à… payer… ses dettes. » Belle gaffe Matthews ! « Mes dettes quoi… »

« Okay. Ça a dut être intéressant comme périple. » Intéressant ? Ah parce qu’il croit que le fait de… Non, calme-toi Kristen, calme-toi, ne pète pas un boulon comme tu sais que tu peux le faire. Tu ne dois rien lui dire, rien du tout.
Je lui lançai un sourire avant de finir mon bol de céréales et de le mettre dans le lavabo, oui vous savez le super trou sur un plan de cuisine, on l’appelle aussi l’évier… Enfin bref, je repris une gorgée de café, et je vis qu’il avait des soupçons sur cette histoire, pourtant une part était vraie, l’autre non… Ah Kristen, trouve un quelque chose pour faire paraître plus vrai que nature cette tendre histoire de ton voyage, en éloignant bien sûr, le fait que je vois l’avenir des gens et que c’est ce qui a faillit me,…, NON, stop, arrête cette pensée inutile maintenant. Tu dois te reprendre, tu es la grande sœur tu dois lui montrer que la sécurité règne autour de moi et aucune faille n’est possible. Apaise-toi, Kristen. Tiens en oubliant tout ça, je vais me servir une autre tasse de café, il me faut de l’énergie et de l’imagination si Monsieur décide de me poser des millions de questions. Ne pensez pas que je ne l’aime pas, c’est juste que ce voyage n’est pas non plus un voyage à Tahiti ou à Hawaii, non c’était plutôt un voyage « éducatif » sur mon magnifique don ou plutôt, mes magnifiques visions du futur des personnes que je touche. Ah, il parle, écoute… « Merci pour… le loyer. Les factures, tout ça… » Ah oui, j’avais totalement zappé tout ça, « C’était normal de ma part, je n’allais pas te laisser là moisir dans cette maison après tout ce qui s’est… C’était mon devoir de grande sœur. » « On n’a pas eu vraiment l’occasion d’en parler mais comme je te l’ai dit, j’ai été embauché à Livingscorporation. » Livingscorporation ? Comment est-ce possible que mon frère, fainéant et rebel ai pu avoir sa place dans un tel organisme. Pas que je ne sois pas heureuse pour lui, c’est même génial, non, je le félicite même mais pourquoi et surtout comment ?! « Oh, tu y as été embauché, c’est, c’est… Génial ! Tu y fais quoi ? Enfin, en quoi consiste ce job ? » « En fait, je … je m’occupe de certaines affaires là-bas, rien de palpitant. » Me ment-il ? Pourquoi Livingscorporation engagerait mon frère pour quelques affaires mais surtout, quel genre d’affaires ? Je repris une gorgée de café, oui, je sais que c’est ce que je fais à chaque fois que je dois retenir quelque chose qui pourrait m’échapper… « Je vais donc pouvoir payer ma part… j’ai passé ces derniers mois à… payer… ses dettes. » SES DETTES ?! « Mes dettes quoi… » Mais quelles dettes ? « Wyatt, non pas que j’ai un doute, mais quelles dettes ? À qui appartiennent ses dettes ? Et je veux que tu me répondes très franchement. » Où, ça va nous mener encore cette histoire…

Cela devenait de plus en plus gênant. Nous devenions, je devenais, ridicules. Nous étions là, tous deux dans la cuisine à jouer aux faux-semblants comme de piètres menteurs que nous étions. Ou peut-être était-ce parce que nous nous connaissions mieux que quiconque, dans un sens. Je me cachais comme un imbécile derrière ma tasse ou mes apparentes gorgées, faisant semblant, de temps à autre de regarder la télévision comme accaparé de quelque manière que ce soit par les informations futiles et relatives depuis au moins sept bonnes minutes, à la météo. « Wyatt, non pas que j’ai un doute, mais quelles dettes ? À qui appartiennent ses dettes ? Et je veux que tu me répondes très franchement. » Je fronçais les sourcils, j’avais dû mal m’exprimer ou elle avait bien décelé le malaise ou, elle en profitait pour s’aventurer sur le terrain que je protégeais depuis quelques temps. « Et bien, j’ai accumulé des dettes durant toutes ses années… » Dis-je le plus naturellement du monde, me remémorant chaque mot soigneusement préparé. « Comme je ne travaillais pas, j’ai emprunté par ci, par là… ça a fait pas mal de… » Il fallait la joueur plus « Old Wyatt ». « Pognon, disons. » Je manquais de déglutir, j’eus l’impression de sortir d’un mauvais film de gangster. « J’ai passé tous ses mois à rembourser tout ça, c’est tout. » J’essayais de la regarder sans la regarder, de façon à ne pas me trahir. La situation était devenue trop étrange pour moi. A contrecœur, je décidais qu’il était temps de partir de la maison dans laquelle j’avais emménagé avec ma sœur, il y a des années de cela. Elle avait accepté que je vienne vivre avec elle, notre père en avait eu marre d’entretenir un « bon à rien ». J’aurais probablement fini sdf, sinon. Je me disais malgré tout qu’en dépit de la pitié évidente se cachait peut-être chez elle, l’espoir que je réussisse, la conviction que je n’étais pas ce « bon à rien ». Comme quoi j’arrive à me souvenir de quelques bribes de ce passé… ces qualifications étaient bien loin de celles qu’on m’octroyait dans la réalité ou tout a commencé… dans la contemplation de mon passé, j’en oubliais presque Kristen. « Au fait. » Dis-je pour détourner son attention. « Je suis désolé pour Jaymee. Enfin, je te l’ai déjà dit mais je voulais me répéter quand même. Cette situation est provisoire. Je n’ai, malgré tout pas évoqué la raison de sa présence mais, je peux seulement te dire que c’est… » Je m’emmêlais les pinceaux. « Elle a pas le moral en ce moment, c’est tout, c’est bientôt réglé, en fait. » Pas du tout. Néanmoins je restais vague bien qu’une simple baisse de moral ne justifie pas la présence d’une petite amie dans la maison ou on vit avec sa sœur. Parce que ça faisait d’elles, des colocataires contraintes et obligées. Comment avouer à ma sœur que ma petite-amie faisait des crises de somnambulisme durant la nuit dans le but de dessiner des choses que je ne comprenais pas ? Fort heureusement pour moi, Jaymee avait arrêté de hurler dans son sommeil depuis que Kristen était revenue et par conséquent, évité de me réveiller toutes les nuits.

Étions-nous seulement honnêtes avec nous-mêmes ? Wyatt est mon frère, je ne devrais pas avoir peur de tout lui raconter. En même temps, je ne veux pas être la seule à être honnête, je le sentais, son mensonge autant qu’il devait surement sentir le mien… « Et bien, j’ai accumulé des dettes durant toutes ses années… » N’avais-je pas envoyé un plus à chaque courrier où je payais le loyer et les factures ? « Comme je ne travaillais pas, j’ai emprunté par ci, par là... ça a fait pas mal de… pognon, disons. » Cette phrase m’a fait comme un électrochoc, je n’étais pas si sage que je ne le croyais, je pensais tout faire pour le confort de mon propre frère, celui en qui j’ai la plus grande confiance… Comment ai-je pu être si misérable et inutile ?! « J’ai passé tout ces mois à rembourser tout ça, c’est tout. » Je voyais son regard essayant de me fuir et de regarder ailleurs. Je comprenais ce geste, j’étais pareille. Je voyais qu’il souffrait, qu’il avait besoin de se confier, de raconter la vérité mais je sentais un sentiment de peur, de crainte, comme ce que je ressentais… « Wyatt, tu aurais dû m’en parler, me demander de l’aide. Je sais que j’ai été absente pendant 2 ans, que je ne donnais pas tellement de nouvelles mais… » Il me coupait. « Au fait. Je suis désolé pour Jaymee. Enfin, je te l’ai déjà dit mais je voulais me répéter quand même. Cette situation est provisoire. Je n’ai, malgrè tout pas évoqué la raison de sa présence mais, je peux seulement te dire que c’est… Elle n’a pas le moral en ce moment, c’est tout, c’est bientôt réglé en fait. » Jaymee, sa petite amie, je me souviens encore de notre première rencontre, je l’ai prise pour une intruse depuis je l’ai toujours trouvée très réservée. Je n’ai rien de spécial contre elle, je ne la connais pas vraiment donc je ne peux me faire une idée que très abstraite. « Ok d’accord, je ne t’en demanderais pas plus alors. Dis,… » Je prie une longue inspiration. « J’aimerai te demander, est-ce que tu te souviens de la pluie de météorites ? Il ne s’est rien passé de bizarre de ton côté, rien de nouveau dans tes aptitudes ? Tu vas surement me prendre pour une folle mais… » Devais-je seulement lui dire ? Étais-je prête à tout lui dire, mon don si l’on peut l’appeler comme ça… ? Je savais que je pouvais tout lui dire, mais s’il me prenait pour une folle et s’il m’enfermait chez les fous… Je le fixais tout en essayant de ne pas vraiment le fixer droit dans les yeux, j’étais gênée et effrayée de sa réaction… Je me repris aussitôt. « J’ai entendu dire qu’il y avait de drôle de chose qui s’étaient produite après cette pluie mais je voulais savoir si tu avais des informations car je suis partie 2 années, il ne faut pas l’oublier… »

« Wyatt, tu aurais dû m’en parler, me demander de l’aide. Je sais que j’ai été absente pendant 2 ans, que je ne donnais pas tellement de nouvelles mais… » « La fierté. C’est de famille, je suppose. » En réalité c’était plus complexe que ça. « Ton argent a bien été utilisé pour les factures de la maison. » Au cas où. On évite ainsi réflexions et questions gênantes. « T’en fais pas, c’est bon. » Ajoutais-je pour clore la discussion. Bon dieu, l’avoir en face de moi me faisait réaliser qu’elle avait été absente deux ans ! Il avait été bien plus facile de me concentrer sur le fait que je ne resterai pas dans cette « réalité » que j’en avais oublié ma sœur… je me demandais bien ce qu’elle avait pu faire pendant tout ce temps, cela ne lui ressemblait vraiment, ou peut-être connaissais-je mal ma sœur, au final. Et puis, nous parlâmes de la pluie de météorites, d’étranges capacités, elle demandait simplement des informations ce qui me gênais malgré tout. Bien entendu que je m’en souvenais, c’est là que tout mon enfer a commencé. Mais personne non personne mis à part Cassidy Weasthon n’avait été mis dans le secret. J’aimais ranger les choses dans des cases, je n’aimais ce que je ne connaissais pas et le surnaturel en faisait partie, je détestais ce genre de choses si bien que j’ignorais quelle réponse lui donner et ce qu’elle espérait vraiment savoir. « Oui, j’en ai entendu parler. Faut pas prendre ça au sérieux, c’sont des petits rigolos qui s’amusent à s’prendre pour des héros. Ce n’est qu’une bande d’petits frustrés. Perds pas ton temps. » Je descendis ma deuxième tasse de café avant de beurrer un vieux morceau de pain que je mangeais devant la télévision. Si elle en avait entendu parler jusqu’en Californie… Je ne pouvais en nier l’existence pour en être une preuve vivante mais, espérais sincèrement qu’elle ne s’attarde pas dessus. Le surnaturel était source d’ennuis. Je regrettais qu’elle ne soit finalement pas restée sur la Côte avec l’espoir un peu fou qu’elle puisse se protéger de toute cette pagaille. Elle avait choisi le mauvais moment pour rentrer avec les évènements récents et tout ce qui s’était produit depuis novembre et bien avant. Resté dans ma petite bulle auparavant, j’avais du manquer beaucoup de choses, dire que ma léthargie m’avait coupé de toute réalité et ce n’est pas peu dire… je me demandais soudainement si la venue de ma sœur n’était pas anodine. Peut-être était-elle au courant de certaines choses… des questions laissées en suspens me rendaient fou. Je ne supportais pas ne pas avoir le control sur les choses que je connaissais, les gens que j’aimais. Impossible de passer plus de temps avec elle pour garder un œil sur ses activités, notre relation était suffisamment étrange comme ça. J’avais fait une croix sur mes voyages temporels car ils dégradaient ma santé mais, face aux récents évènements, je décidais d’utiliser mon étrange capacité, je demandais alors, l’air de rien : « Tu sais, je voulais mettre la main sur des photos ou des albums photos, des trucs de ce genre. Mais… je n’ai absolument rien trouvé. Tu ne saurais pas ou on a rangé tout ça ? » J’espérais ne pas me trahir du genre : « ils ont toujours été dans cette commode, on en a jamais eu, toutes les photos sont chez papa… ». Mais il me fallait mettre la main dessus et au plus vite.

Il n’avait pas tort quand au fait que la fierté était de famille… Il avait beau me dire que tout s’était bien passé durant mon absence, je n’arrivais pas à le croire. Après les évènements dus à sa libération sous caution que j’ai payée, il a bien dû se passer des choses étranges. Il me répondit sur la fameuse pluie de météorites, il n’avait pas l’air d’y croire à ce surnaturel. Pourtant moi j’y croyais, j’en étais victime, j’avais été touchée… Je ne savais comment lui expliquer, et si je devais le faire bien sur ! Il me disait de ne pas y croire, j’aimerais, j’aimerais tellement. Cette requête me semblait si simple à croire, il le disait d’une telle manière, si rassurante, il avait toujours eu cet air rassurant, cette note dans la voix de rationnel. Je le regardais, le Wyatt que je connaissais doit surement être toujours présent, je reconnaissais cette envie de vouloir me protéger malgré le fait que je sois plus vielle que lui et que c’est MON rôle de le faire… « Tu sais, je voulais mettre la main sur des photos ou des albums photos, des trucs de ce genre. Mais… je n’ai absolument rien trouvé. Tu ne saurais pas ou on a rangé tout ça ? » Pourquoi me demandait-il ça ? Je repris une tasse de café et fixai la télé. Je ne savais pas quoi faire, pas quoi répondre. Que penseriez-vous si votre frère vous demanderez où se trouvent les albums photos ? Il était censé le savoir je crois, puisque le dernier a les avoir vu était lui et lui seul. Je me souviens cette nuit où j’étais dans le canapé, j’étais seule à la maison et je décidai de feuilleter l’album de famille avec les photos de notre mère et de notre famille avant le divorce. L’album s’arrêtait à cette période puis mon père avait décidé d’en faire un autre pour nous, moi et Wyatt et lui. Il est revenu pendant le milieu du deuxième album et s’est assit à côté de moi pour les feuilleter. Je suis partie me coucher, le laissant avec les albums entre ses mains… « Et bien, je me souviens les avoir feuilleter mais cela remonte à 4-5 ans, tu les avais feuilleter après moi et je ne sais pas où tu les as mis par la suite… » Je le regardai avec une grande nervosité, je me demande si c’est à cause de la date du dernier « feuilletage » ou tout simplement, il ne se souvenait de rien… « Mais si tu veux, je peux t’aider à les retrouver. Comme je te l’ai dit, je suis en congé aujourd’hui donc j’ai du temps à revendre… » Je lui souriais, non pas par hypocrisie mais car je voulais vraiment l’aider, je voulais moi aussi retrouver ces albums…

« Et bien, je me souviens les avoir feuilleter mais cela remonte à 4-5 ans, tu les avais feuilleter après moi et je ne sais pas où tu les as mis par la suite… » Et bien, on était pas très sentimental dans cette « réalité »… je devais donc me faire confiance. Quelle plaie. Ou avais-je put ranger ces maudits albums-photos ? Et quel prétexte invoquais-je encore dans le simple but d’avoir l’opportunité de dire « adieu » à tout ce que je connais ici ? « Mais si tu veux, je peux t’aider à les retrouver. Comme je te l’ai dit, je suis en congé aujourd’hui donc j’ai du temps à revendre… » Je la regardais quelques instants, suspicieux. Il fallait que j’arrête d’être sur la défensive, je n’avais rien à craindre de Kristen, elle était ma grande sœur, ma confidente, le cœur et l’âme de cette maisonnette. Ma grande sœur avait brillé par son absence, rendant une maison chaleureuse terne et froide à en mourir. Elle semblait toutefois préoccupée, l’esprit à la fois ailleurs et si concentré, le regard à la fois inquiet et soulagé et portait sur son visage le poids d’une vie. Son regard m’indiquait beaucoup et ne suffisait qu’à augmenter mon malaise et mon inquiétude ce qui était malgré tout inutile. Elle avait toujours été la responsable, la personne de confiance, l’adulte… j’ignorais ce que j’allais trouver dans cette maison. Très peu de photos de mon enfance avec ma mère, je présume. Kristen avait quatre ans lorsque nos parents ont divorcés… l’idée de trouver un album avec la seule présence de notre père ne me plaisait pas franchement. C’était un père aimant, qui ne le montrait pas, pour être honnête et qui nous poussait constamment à bout, pensant que nous dépasser permettrait de réussir dans la vie. Nous venions d’un milieu modeste et avions appris à nous battre pour nos droits, ce qui n’empêchait pas mon père de ne plus m’encourager dès les prémices de l’adolescence… le « tu n’es qu’un bon à rien » avait fini par s’imprimer dans mes chairs… Les souvenirs d’un passé douloureux qui ne m’appartenait pas finirent par raviver ma migraine et je grimaçais. « Ce serait pas de refus pour les albums. Ca nous permettrait de… « passer du temps ensemble » ». Dis-je, la mâchoire un peu crispée. Devais-je me réjouir ou le contraire ? « J’ai du temps devant moi, je vais m’y mettre dès maintenant, je prends la commode du salon. » Je me dirigeais vers celui-ci, pensant à mon père. Je n’avais pas pris la peine de prendre de ses nouvelles... était-il… décédé ? Difficile de poser la question… Je décidais de parler à travers la pièce tout de même, faisant mine d’être plongé dans mes recherches pour demander : « Tu penses dès fois à… Papa ? » Je me demandais si elle avait aussi, dans cette « réalité » hérité de mon don pour répondre de manière évasive, ce qui ne m’aiderait en rien à déterminer le statut de notre père.

Le sujet « Papa » était le deuxième sujet le plus difficile à énoncer, juste après celui de mon voyage. Je ne savais quoi répondre, lui dire quelque chose comme « Et bien, tu vois, j’ai essayé de couper les ponts depuis qu’il m’avait fait sa morale sur le fait que je ne devais pas te prendre sous mon aile, que je ne devais pas t’héberger et te laisser te débrouiller… ». « Plus tellement, tu sais aux dernières nouvelles, il est resté à Milan et s’est trouvé une femme… » J’étais gênée. « Je vais chercher dans les armoires du hall. J’espère qu’on les retrouvera car j’avais bien envie de les revoir… » Je faisais tiroirs après tiroirs, classeurs après classeurs. Ca a dû prendre une bonne vingtaine de minutes avant que je ne retrouve ces fichus albums dans le tiroir de ma commode. « WYATT ! Devines quoi ?! Je les ai enfin retrouvés. » Je descendis les escaliers et parti m’asseoir dans le canapé à ses côtés… Je posais ma tête sur son épaule. Ca m’avait manqué, un peu trop même. Se sentir en sécurité, c’était le meilleur des sentiments… Il ouvrit la première page. « Regardes, c’est maman et papa, ils avaient l’air si bien, si heureux… Maman me manque tellem… » Je me suis mise à pleurer, je ne pouvais m’arrêter. Ma mère me manquait tellement, je ne comprenais pas pourquoi, je l’avais connu qu’une fine partie de ma vie mais je m’en voulais d’être en quelque sorte partie avec mon père et non pas avoir resté chez ma mère, avec Wyatt et Hailey… J’essayais de me faire discrète et je dois l’avouer, cela s’avérer très, très, très difficile. Il me vit pleurer et me fixa avec un air si réconfortant… « Ça va, ne t’inquiètes pas, ca va passer… Je ne comprends pas pourquoi je pleure. C’est peut-être les hormones… » Je ris à cette fin de phrase et je le vit rire aussi… Nous continuâmes de feuilleter le premier album, celui où nous étions encore avec notre mère. Arrivé à la fin, nous passions au deuxième, celui qui a commencé dés notre arrivée à Wellington… Wyatt et moi paraissions heureux, c’était quelque chose de facile entre nous. On savait faire semblant, jouer la comédie. « Oulah, c’est qui cette fillette et ce garçon auprès de nous ? » Je posais mon regard sur le sien et j’attendais qu’il me donne une réponse. Qui pouvaient être ces deux gosses ?

Aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais porté beaucoup d’affection à mon père. Pour preuve, je ne m’étais enquis de lui que depuis le retour de ma sœur. Je n’ai jamais été très « famille », dans ma vie, il y a très peu de choses qui comptent. Mes deux sœurs et depuis quelques mois, une petite-amie dont j’étais amoureux. Voilà ce qui comptait vraiment. La femme de ma vie, c’était ma mère. Mais elle nous avait lâchement abandonné suite à un cancer du sein qui l’avait emportée. Kristen et moi nous étions retrouvés encore plus seuls que nous l’avions été jusqu’à présent. Ainsi va la vie.

Kristen m’avoua alors qu’elle avait tenté de couper les ponts avec notre père, juste pour moi, simplement pour symboliser physiquement son désaccord, sa désapprobation, leurs désaccords, uniquement pour moi, un type inutile qui n’en valait finalement pas le coup. Je restais figé quelques secondes, ne voulant à tout prix perdre aucun mot, pendu à ses jolies lèvres fines. Ses derniers mots me laissèrent pantois, ne laissant rien d’autre qu’une bouche ouverte dans le salon tandis que nous nous tournions le dos alors que je faisais semblant de fouiller dans mon coin dans des affaires poussiéreuses que je n’avais touché depuis des mois. « Milan… » Chuchotais-je. Une femme ? Kristen changea rapidement de sujet pour aller chercher dans le hall. Nous avions le même don pour changer de sujet et nous en accommoder avec naturel. Nous n’étions pas très « sentimentaux », nous préférions éviter les sujets fâcheux. Nous nous ressemblions tellement et rien ni personne ne pouvait prouver le contraire. Je me précipitais sur le canapé alors qu’elle dévalait l’escalier dans le but de me montrer les photos. Sa tête se posa délicatement sur mon épaule. Je ne suis pas un homme tactile, je suis plutôt distant, détaché, silencieux et son contact m’avait pourtant manqué. Alors qu’elle ouvrait la page, je sentis ses cheveux remonter jusqu’à mes narines et m’imaginais soudainement passer mes doigts entre ses mèches, comme un petit frère aimant et totalement dévoué à sa sœur chérie… « Regardes, c’est maman et papa, ils avaient l’air si bien, si heureux… Maman me manque tellem… » Ses larmes glissèrent le long de ses yeux, retombant sur mes longs doigts telles de petites pierres brillantes et froides qui vinrent se nicher dans le creux de mes articulations. Je croisais son regard. Elle me manquait, moi aussi. Je ne parvins cependant pas à exprimer ce que je pouvais ressentir mais nos regards emprunts de la même expression se comprenaient sans que n’ayons à communiquer verbalement dans un jeu de réponses inutiles. « Je ne comprends pas pourquoi je pleure. C’est peut-être les hormones… »« C’est naturel, il n’y a rien à comprendre. Mais en effet, ce sont tes hormones. » Répondis-je sans grande conviction, esquissant un faible sourire alors que son regard se posait soudainement sur une photos ou nous Kristen et moi sourions comme deux enfants très heureux. Deux enfants qui venaient de dire « au revoir » à leur mère a dorée. Nous n’étions pas seuls sur la photo, deux autres enfants trônaient au milieu de la photo tandis que nous servions de décor… je me penchais pour mieux distinguer leurs contours mais n’eus aucune réponse à y apporter. J’avais deux ans et Kristen en avait deux de plus, mes mains tentaient de la décoiffer tandis qu’elle essayait de m’enlacer tout en repoussant mes mains, d’un grand sourire. Les deux autres paraissaient très sages à côté de nous en magnifique contraste. Ils ne paraissaient cependant pas s’aimer autant que nous… « Je n’en ai aucune idée. En général, je ne feuillette pas trop les photos… c’est un vieil album. »