You're gonna hear my voice
When I shout it out loud

Il s'était allumé une clope, juste avant de pénétrer dans l'enceinte du Shadow. Dirk James Grant aurait voulu poursuivre son congés un peu plus longtemps encore.
Un mois. Une trentaine de journées entières passées à essayer de se changer les idées. D'y voir plus clair. Quoiqu'il dise, quoiqu'il fasse : il était persuadé que rien ne tournait rond dans sa vie. Appelez cela comme vous voudrez: dépression, blues ou mélancolie.
L'infiltration avec Johéline avait été un vrai déclic pour lui : il lui fallait du repos plus encore : des informations. Chaque jour qui s'écoulait il se sentait perdu. Cette longue pause lui avait permis de faire bon nombre de découvertes notamment celle d'une identité secrète. Il avait évolué. Il avait même fait une rencontre. Son nom: Lénora et étonnement , il se sentait bien avec elle. Elle ne posait ni trop de questions , ni trop de problèmes contrairement à certaines. Elle était rafraichissante tout sauf chiante. D'ailleurs, c'était bien à cause d'une chieuse qu'il se trouvait là, à réduire son paquet de clope à néant. Prestement, il jeta sa cigarette par terre et l'écrasa du talon avant d'entrer . Le bon vieux Fred était sur la sellette. Un sourire vint naitre sur ses lèvres à la vue de ce compagnon. Fred Lawrence était le doyen de l'unité : une institution au commissariat. Il était celui qui donnait l'exemple. Il était aussi, un vieil ami à son père.

Un paquet entre les mains, il lui octroya une boutade sur l'épaule. Curieusement il se sentait harponné par la nostalgie qui émanait du quinquagénaire. Une pensé assez surprenante lui vint à l'esprit : J'aurai aimé que ce soit mon père. J'aurai aimé être là à lui souhaiter une bonne retraite. J'aurai aimé. Il aurait aimé mais la complicité n'était pas souvent au rendez-vous entre Grant Senior et fils pour ainsi dire même : jamais.

- Ça c'est pour t'occuper les mains pendant nos parties de poker Fred ( il se pencha à son oreille et ajouta malicieusement )...ce sont de vrais cubains.

Le vieil inspecteur émit un petit rire , sincèrement touché par le geste de son comparse. Il leva des yeux faussement sévères sur lui , auxquels Grant répondit avec amusement :

- Ne me parle pas de loi Fred et puis le dealer qui me les a filé a tenu à ce que tu les aies.

Tout n'était pas forcément légal ou illégal dans la vie. Ces cigares, il les avait eu à la régulière. Il avait parcouru les États , la mer pour aller les lui chercher. Oui, pour ces havanes, il était allé jusqu'à Cuba, en volant. Là-bas , il avait séjourné pendant cinq jours avant de décidé de revenir. D'où le teint halé qui marquait sa peau. Il avait pris de belles couleurs durant son " escapade ". Il était là, à parler avec Carmicheal lorsque son regard se posa sur sa coéquipière. Sa coéquipière..., désormais il avait du mal à la nommer ainsi. Du mal à la nommer , tout court. Du mal à mettre un nom sur ce qu'il pouvait bien éprouver pour elle. C'était bien ça qui le rendait nerveux.

Assise au comptoir , elle buvait sa bière seule. Qu'est-ce qu'elle avait à être si peu sociable ? Faire la fête avec le reste c'était surement trop lui demander ?

- Elle s'en sort avec Wilson ? ( demanda-t-il à Carmicheal , d'un signe de tête)
- Ils forment une sacrée équipe, la semaine dernière , ils ont chopé un serial killer...ce gars était recherché depuis 20 ans ! ( cracha-t-il , menant sa bière à la bouche)

Bizarrement, cela ne l'enchanta guère. Que McBride ait réussi à coincer un gros poisson sans lui qui plus est avec l'aide de cet enfoiré de Wilson : ça avait eu du mal à passer.

***

- Une bière ma jolie - articula-t-il un sourire en coin à l'encontre de la barmaid- ...ça fait un bout de temps.
- Diiiirk, dis donc t'as pris des couleurs ...petit cachotier : t'avais promis de m'emmener avec toi lança-t-elle , d'une voix criarde.
- Cuba, j'ai pensé à toi...//

Un long soupire mit un arrêt sec à son badinage. Apparemment , cela ne plaisait pas du tout à McBride qui se trouvait à quelques mètres d'eux. Justement, il comptait en finir avec la serveuse puis saluer sa coéquipière. Il s'était dit qu'il n'allait pas jouer la carte de l'ignorance. Ils étaient adultes après tout ?

-McBride.

Il la vit tourner le visage , visiblement renfrognée.

- Alors comme ça , on t'as filé Wilson ?

Dirk s'était rapproché, venant prendre place près de Johéline.« Ouais il a fallu, mon coéquipier m'a laissé tomber du jour au lendemain. ». Touché, pensa-t-il, un rire nerveux venant accompagner sa pensée. D'accord, elle lui en voulait clairement, il fut conforté lorsqu'elle ajouta , le regard dur : « Mais il est bien Wilson, on fait un bon duo. Et puis c'est ce que tu voulais. Tu t'es enfin débarrassé de moi». Le visage de Grant changea alors d'expression : il n'avait pas spécialement voulu se débarrasser d'elle. Elle était complètement à côté de la plaque. Peut être qu'il ne l'avait pas prévenu de son départ mais en aucun cas il n'avait eu l'idée de changer de partenaire, étonnement.

Il se surprenait même à vouloir se justifier auprès d'elle. Depuis l'infiltration , il se sentait plus proche de Johéline même s'il était dans le déni total. Ses traits se crispèrent, il n'allait pas entrer dans son jeu. Il voyait bien où est-ce qu'elle voulait en venir : les reproches. Il n'était pas venu là pour se prendre la tête avec une jeune femme contrariée.

- Je te trouve bien dure McBride. D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi tu as pris mon départ pour un genre d'abandon surtout que toi et moi on était pas si intimes.

Ils n'étaient certes pas si intime pourtant ils avaient quand même eut des rapports d'ordres sexuels. Alors, il était certain que d'un côté , cela avait forcé le rapprochement. Voila qu'il commençait à perdre son calme !
De toute façon , McBride était très douée pour éveiller chez lui une réaction de type : irritation. Elle lui tapait sur les nerfs. Elle était bien la seule qui arrivait à titiller sa méchanceté. D'un naturel assez posé, il n'arrivait pas à conserver ce trait à sa proximité.

- Stacy, ma bière , je l'attends toujours !

Son agitation était perceptible dans l'impératif bourru qu'il avait lancé à la serveuse. Merci beaucoup McBride !
Il passa nerveusement une main dans ses cheveux devenus un brin trop long, lui faisant songer qu'il devait faire un tour chez le coiffeur. Il serra la mâchoire , se retenant d'ajouter une réplique batailleuse à la demoiselle qui le couvait d'un regard glaciale quoique quelque peu ardant, ardant de rancœur.

Il ne l'avait pas contacté mais il avait pris de ses nouvelles. Discrètement. Il ne voulait pas qu'elle s'emballe , il ne voulait pas s'emballer. Et puis, il ne voulait pas reconnaitre qu'au fond, elle lui manquait.

- J'suppose que Wilson est plus drôle , moins chieur et beaucoup plus avenant avec toi ?!

Est-ce qu'il venait de lui montrer le dédain qu'il avait envers l'inspecteur Wilson ? Par là même de lui montrait à quel point il était ...jaloux ?
De toute manière, les formalités avaient été réglées. A son retour, soit le lendemain, il serait muté au service des stupéfiants, à moins qu'on lui donne un bon argument pour rester dans l'unité qu'il occupait depuis son arrivée dans la police. L'argument peinait à venir. Et son ex coéquipière semblait plus en colère que jamais.
Bullshit.

- Écoutes , tu penses ce que tu veux (il se tourna alors prêt à partir mais il revint dans sa direction ) ... non , j'ai pas envie que tu penses n'importe quoi à mon sujet. On peut tirer les choses au clair si tu veux mais pas ici.

Un plis vint naitre au dessus de sa lèvre supérieur grand signe d'exaspération.

Lorsqu'elle acquiesça nonchalamment , il eut l'impression qu'elle se forçait à le suivre. Tant pis, pensa-t-il, si ça ne tenait qu'à moi, je ne lui adresserais plus du tout la parole. Pas du tout, il lui tenait à cœur de connaitre ce qu'elle avait dans le sien, de cœur. Tout lui semblait compliqué, à commencer par les sentiments qu'il avait développé à son égard. De manière impétueuse , elle lui avait fait effet. Et de la savoir contrariée, le rendait maussade. Ce qui , quelques mois plutôt, ne lui aurait fait ni chaud , ni froid. Ce qui , quelques mois plus tôt : l'auraient laissé de marbre. Mais : tout avait été bouleversé. Ses pas le menèrent à l'extérieur où le vent s'était levé. L'atmosphère fiévreuse de Cuba , lui manquait. « Alors raconte, j'espère que ton escapade était bien...franchement...jcroyais que ça allait mieux entre nous... ». Ces quelques mots soufflés avec déception vinrent frapper contre ses tympans avec virulence. Avait-elle réellement été déçue ? Blessée ?

Dirk se stoppa net à quelques mètres de sa Ducati . Là, il se tourna pour lui faire face. Il était sur le point de lui donner des réponses. Mais il avait aussi des questions à poser. Peut être finirait-il par comprendre ce qui lui arrivait ? Peut être y verrait-il plus clair ? Peut être qu'au contraire il prendrait un tournant qu'il n'aurait en aucun cas envisagé. Ses sourcils se froncèrent, il se pinça les lèvres alors que ces bras vinrent se croiser sur son torse. Les choses devenaient sérieuses entre eux. Cela ne l'avait jamais été. Du moins, pas de cette façon.

Son regard se posa sur la jeune femme , elle paraissait mieux. Plus ...expressive. Envers lui. Auparavant , elle ne montrait rien. Elle s'amusait à attiser sa hargne lentement , par le silence. Or, là elle parlait, elle exprimait ce qu'elle pensait. Fatiguée du conflit qui les opposait. Elle avait cru qu'il allait y avoir un changement. Au lieu de ça, il était parti, sans lui donner de nouvelle. D'accord, pour le coup : elle avait peut être raison.

- Je sais très bien que tu t'en tapes de mon " escapade " Jo !

Il la vit lever sur lui son regard prise au vif.

- Qu'est-ce qui t'as fait croire que ça irait mieux entre nous ?

Probablement la même chose qui lui avait fait se sentir proche d'elle. Il était indéniable qu'il existait , désormais, un lien entre eux . Même s'il n'était pas capable de le reconnaitre , même si son orgueil était pour grande part dans ce déni. Comment éprouver des sentiments pour une garçonne ?

- N'essayes même pas de nier en détournant la question : je veux savoir.

Ces paroles étaient posées. Gravement prononcées. Donnant de la profondeur à son verbe. Il se sentait seul à faire des efforts. McBride le rendait fou dans tout les sens du terme.

Pendant vingt longues secondes, il pensa qu'il aurait peut être mieux fait de la fermer. Vingt longues secondes où il écouta la jeune femme montrer à quel point il n'était pas ce qu'il prétendait être. A quel point : il était tous sauf le mec égoïste et imbus qu'il avait pour habitude de laisser paraitre :« ...a voir au delà de ceux que les autres aperçoivent de toi. Tu n'es pas égoïste...Tu penses aux autres, sauf que tu ne veux pas qu'on le saches...» . Pendant ces vingt secondes, il était spectateur. Il n'arrivait pas à se reconnaitre dans la description qu'elle lui avait fait. Dirk James Grant : était un type bien. Un homme à valeurs. Et la façon qu'elle avait de le dépeindre prenait des apparences singulières. Dans ses yeux pendant un bref instant , il avait eu l'impression d'être exceptionnel. Pas comme les autres. Gratifiant , pour un individu qui n'avait pas l'habitude d'avoir une haute opinion de lui même. Pas d'opinion, tout court.

Le regard bleu opale qui le fixait sans cesse du début jusque la fin. Ces deux iris qui luisaient sous l'éclairage publique lui faisant face, avec sincérité , elle s'était épanchée sur ce qu'elle pensait réellement de lui et lui alors ? Que pensait-il d'elle ?
Rien de négatif. Du moins, plus rien de négatif. Au début, certes, il n'avait témoigné envers elle aucune sympathie pensant qu'elle ne la méritait pas. Au fil des mois, il avait appris combien les apparences mais surtout les aprioris pouvaient êtres trompeuses. Elle était devenue à ses yeux : digne d'être un flic. Peut être plus digne que les trois quarts des Messieurs bedonnants qui squattaient le commissariat depuis des lustres. Elle avait changé. Il avait changé. Lui aussi avait arrêté de ne regarder que la petite fille à son papa. Et puis, ils partageaient pas mal de points communs dont notamment leurs pouvoirs respectifs. Le rapprochement avait eu lieu bien avant l'infiltration mais c'était lors de cet événement que le déclic avait eu lieu. Sa frustration avait été mise à mal :« Et puis...il s'est passé quelque chose lors de l'infiltration...tu ne m'as pas regardé comme ta coéquipière et je ne t'ai pas regardé comme mon coéquipier...C'était différent et tu le sais...c'est peut être pour ça que tu as posé cette question...Non? ». Un sourire prit place sur son visage, le plus naturellement du monde. Décidément, ils étaient presque sur la même longueur d'onde. Il devait bien s'avouer combien elle lui avait fait effet ces soirées là, combien au moment même où elle lui parlait, elle lui en faisait encore, emmitouflée dans son sweet à capuche. Sa présence là, à ses côtés chambardait sa vision des alentours. Son attention entière était captée par Johéline. Rien à fiche de ce qui avait lieu dans la rue. Même les klaxons des voitures n'arrivaient pas à atteindre la bulle dans laquelle il se sentait pris au piège. Vas-y , parles mon vieux , de toute façon : qui ne tente rien , n'a rien songea-t-il , la conscience en effusion.

- Peut être.

C'était tout ce dont il se sentait capable. Reconnaitre que l'on éprouve quelque chose , le formuler de manière à ne pas éveiller d'emballement, ni même de refus, cela lui paraissait difficile . Manque d'habitude , surement. Manque de courage peut être. Peur , aussi. Après tout: un homme qui montre ses sentiments n'est pas un vrai homme. Son machisme allait probablement avoir raison de ce qui se passait entre McBride et lui. Peut être serait-il mieux ainsi.

Et puis PUTAIN DE BORDEL DE MERDE soupira-t-il , prenant sa tête entre ses mains avant de se rapprocher légèrement d'elle. Son regard était plongé dans le sien, hésitant . Grant était partagé par l'envie de l'embrasser et celle de refouler ce que son coeur lui dictait de faire. La raison ou les sentiments. Dommage, Dirk était un homme trop raisonnable. Il resta ainsi , tanguant sur l'océan de confusion où il se trouvait.

- Je crois...je crois que oui.
Finalement, ça n'était pas si dur.

I'm feeling all super human, you did this to me

Ces quelques mots étaient sortis de sa bouche . Force est de constater que cela lui avait beaucoup couté de les prononcer. Je - Crois- Que - Oui. En 4 mots tout un aveu.
Ses yeux se plissèrent instinctivement, essayant de mieux distinguer les expressions faciales de son ancienne coéquipière. Probablement pour sonder son âme. Était-ce elle qui s'adressait à lui ? Son âme ? Le fond de son être ? La raison de son cœur ?
Ses mains hésitaient à se poser sur la joue de la jeune femme. Attraper son visage, le rapprocher du sien. Déposer ses lèvres sur les siennes. Voir , tout simplement. Voir si ce qu'elle lui infligeait à l'instant même était d'ordre amoureux. Est-ce qu'il en était amoureux ? Bonne question. Très bonne, même. Après tout : il pouvait ne s'agir que de désir. Un appétit sexuel qui le lançait. Une continence qui devait être sublimée par la vue de la demoiselle. Même vêtue de vêtements aussi peu affriolants.

Si ça n'était qu'une pulsion , alors pourquoi son cœur entrait en arythmie ? Son organe battait la chamade . Et encore plus lorsqu'elle lui souriait, ce qu'elle était en train de faire. Arrêtes Jo, tu veux vraiment que je perde de ma superbe ? pensa-t-il , alors qu'il tentait vainement de contenir un énième sourire niais. Son absence n'avait en rien arrangé les choses puisque nuit et jour il repensait sans cesse à elle. A leurs étreintes et leurs baisers. C'était étrange de se savoir enclin à une personne sans savoir comment le lui exprimer. Ses parents ne l'avaient , hélas, pas éduqué à exprimer son affection. Ses yeux la miraient certes, avec tendresse. Mais les paroles ne suivaient pas le processus. Quelque chose endiguait sa mécanique.
Il se sentait ankylosé. Inapte. Con. Là, devant elle. FAIS CHIER !-cracha-t-il alors qu'elle semblait lui poser une question :« Tu crois ou tu en es certain? ...qu'est-ce qui va se passer pour nous à présent? ». Son ton trahissait l'incertitude dans laquelle elle se trouvait. Dans ce cas : ils étaient deux. Soudainement, il se mit à chuchoter. Il avait tellement l'impression d'être isolé qu'il se mit à murmurer , croyant que la moindre vibration de sa voix provoquerait un écho démesuré.

- S'il y a bien une chose dont je suis certain , c'est qu'on ne peut jamais être sûre de rien.

Sa main droite se glissa dans la poche de sa veste, tandis que la gauche tirait nerveusement sur son paquet de cigarette. Dans ces moments là, il aimait s'allumer une clope pour décimer son anxiété, ses doutes. Et provoquer un cancer des poumons , à l'occasion pour s'amuser tiens !

- Ce qui va se passer entre nous ? J'en sais fichtrement rien McB...Jo.

Une première taf prise, il expira la première bouffée, sous le regard désapprobateur de la demoiselle.

-Me regardes pas comme ça, tu me donnes l'impression d'être en train de massacrer toute une colonie d'insectes rares ...tu fumes toi aussi , alors t'en veux une ?

Il en était à sa 7 ème depuis le début de sa soirée et à dire vrai, il se sentait d'atteindre les 10 dans les minutes qui suivraient. Il émit un rire, complétement détendu tendant le paquet à la jeune femme :

- Je pense mademoiselle McBride qu'il se passe quelque chose entre nous , 'fin s'il y a un « nous » cela va sans dire !

« Oser. Dans la vie, il faut oser. Cracher ce que l'on pense. Faire preuve de franchise. Montrer le culot qu'on a. Déployer notre volonté . Déclarer notre ambition. Protester contre les injustices et avouer, avouer l'amour que l'on porte aux autres...pour ne pas les perdre. Apprend ça Dirk et tu pourra être le meilleur des Hommes.» ...son père avait eu raison. Elle lui donnait cette sensation flatteuse d'être le meilleur .

- J'ai bien envie de te rouler une pelle Jo' mais j'aurai trop peur de me faire jeter.

Avait-il lancé moqueur. Le regard plein de malice.

KISS THE GIRL

Même son rire sonnait différemment.
Il avait - à nouveau - esquissé quelques pas dans sa direction. Les choses prenaient des envergures beaucoup trop importantes pour lui. En venant à ce pot de départ, il n'avait aucunement l'intention de chercher McBride. Aucunement l'intention de créer de discussion encore moins d'aveux. Il avait pensé boire un bon coup, rigoler et passer du bon temps. Profiter de la présence de Lawrence qu'il n'aurait plus l'occasion de croiser aussi souvent qu'avant. Il avait planifié sa soirée, comme il en avait toujours l'habitude mais en aucun cas il n'avait inclus Johéline. Il s'était déplacé avec dans l'optique d'ignorer ce qu'il pouvait bien ressentir pour elle. Vivre avec et ne rien laisser paraitre. Seulement, elle partageait ses sentiments. Elle était là et il n'avait pas pu l'ignorer. Il n'en avait pas été capable. Gros coup dur pour son égo. A cause d'une femme, il bouleversait ses plans. C'était tomber bien bas,non ? Bien sûre que non !

Johéline tendit alors sa main vers lui , demandant par-là de lui passer sa cigarette. Cigarette qu'elle balança aussi sec dans le caniveau. Dire qu'il venait à peine de l'allumer, quel gâchis !
« Depuis quand as-tu peur d'agir? » . Cherchait-elle à le vexer ? Un sourire vint à nouveau fendre son visage montrant à quel point il lui trouvait de l'audace et un certain culot Johéline rapprocha son visage du sien « Et je ne te repousserai pas... alors embrasse-moi idiot. ». Digne d'un film Technicolor , la réplique pensa-t-il.
Il ne put s'empêcher de lancer un :

- Puisque c'est demandé si gentiment.

Il s'humecta les lèvres prêt à les déposer sur celle de son ex coéquipière lorsqu'il s'arrêta net. Ça n'était peut être pas l'endroit adéquat pour le faire. Après tout le Shadow grouillait de policier et même le Boss était là. Grant n'était pas prêt à s'afficher devant tout le monde...même s'il n'avait pas honte . C'était plus une question de respect envers le père de Johéline, aussi par respect envers elle . Il ne voulait pas créer de mal aise . Il ne voulait pas qu'elle se retrouve victime de brimade . Et c'est exactement ce qui les attendait s'ils s'affichaient devant la moitié du commissariat.

Dirk remarqua qu'elle semblait déroutée . Il la rassura en glissant sa main dans la sienne , l'invitant ainsi à le suivre plus loin. Loin des regards indiscrets et des moqueries auxquelles ils pourraient être sujets. Jouxtant la petite rue , il y avait une ruelle. C'est sûre, ça n'était pas l'endroit le plus romantique pour échanger un bécot mais l'important était d'être à deux. Le reste ne représentait qu'options facultatives. Le contact de ses mains réchauffa son être.

- Ici , c'est mieux ?

Elle hocha la tête , comprenant certainement les raisons qui l'avait poussé à s'éloigner. Il l'attira brusquement à lui et une fois son visage à distances appréciable , il lança :

- Tu veux toujours que je t'embrasse ?

Pourquoi se sentait-il obligé de poser des questions ?
Déformation professionnelle.
Surement.
Devant le sourire carnassier qu'elle esquissa à son encontre il ne put rebrousser chemin. Doucement, l'une de ses main remonta jusqu'au cou de l'officier McBride tandis que la seconde prenait lentement le même cours , une fois arrivée là : de sa bouche, il pinça la lèvre inférieure de Johéline tâtant par ce biais le terrain sur lequel il s'aventurait. Une fois la reconnaissance des lieux faite , il approfondit son effet ajoutant une pression sur l'étendue labiale de la demoiselle. L'air se réchauffait petit à petit et leurs mouvements se faisaient plus fiévreux. Comment en étaient-ils arrivés là ?
Surréaliste. Tout semblait l'être.

Puis : est-ce qu'elle appréciait ? DAMN , c'était quoi ça ? Un doute sur sa capacité à embrasser une fille ? Est-ce qu'elle verrait un inconvénient s'il y ajoutait la langue ?

Qu'est-ce qui lui prenait ?
Dirk James Grant : était un expert, point.

Une voix familière retentit . Une voix désagréable et nasillarde. Nasillarde ou grave , où est la différence ? Elle était détestée.
Cette voix, ce timbre appartenait à un branleur qui se croyait marrant. Un mec incapable qui fanfaronnait à la moindre occasion. L'officier Wilson plutôt l'officier sans nom. Dirk ne l'appréciait pas et cela remontait à des années. L'académie . Deux ans avant d'entrer officiellement dans la police. Wilson & Grant c'était un peu comme Batman & le Joker. L'un poussait l'autre à bout dès qu'il était possible de le faire. Et voila qu'il se sentait irrité rien qu'à l'entente de ce son. Bordel, Wilson intervenait toujours aux moments les plus inopportuns.
Cet enfoiré de base venait de plomber leur moment d'intimité. Moment auquel , pour sa part, Dirk n'aurait pas voulu mettre fin. Aussitôt sa réplique balancée , Johéline s'était éloignée de lui. « Tu veux que je te raccompagne? ». Dirk leva les yeux au ciel , témoignant ainsi l'animosité qu'il avait pour cet individu grossier. Témoignant par là même : son envie de lui foutre un pain dans la gueule. Motif : Dérangement.

Depuis le temps que cela le démangeait voila qu'un mec stupide et surtout ...stupide venait mettre son grain de merde dans ses histoires : Ce qu'il est chiant ce merdeux , siffla-t-il entre les dents. Tandis que McBride , elle, donnait le change essayant par un moyen poli d'expédier son coéquipier hors de leur vu. Hors de la planète Terre , ça serait possible aussi ?!
Une fois partit , elle se tourna vers lui : « Je rentre...si tu m'accompagnes...enfin...Si tu n'as rien prévu d'autre. ». Un sourire vint naitre encore et toujours sur son visage. Pourquoi est-ce qu'il maltraitait autant ses zygomatiques en présence de la demoiselle ?
Plongeant son regard dans le sien , il répondit :

- Non, je n'avais pas prévu de rester trop longtemps de toute manière. En revanche , je dois rentrer chez moi assez tôt , demain j'emmène Lénora à la salle de gym.

Lapsus. Lorsqu'elle darda sur lui des yeux inquisiteurs , il sut qu'il aurait certainement mieux fait de se la fermer. Il avait rencontré Lénora dans des conditions peu communes et lui était venu en aide. Il avait pour elle une profonde affection mais en aucun cas de même nature que ce qu'il pouvait bien éprouver pour la policière. Mais il semblait déjà engagé dans une pente glissante parce que le visage de le jeune femme montrait tout sauf du self-control. Était-ce de la jalousie qu'il pouvait y lire ?

- Lénora est juste une amie.

Pourquoi se justifiait-il ?
Après tout , rien n'était encore concret entre la demoiselle et lui. Ils avaient échangé un baiser assez fougueux quelques minutes plus tôt, c'est tout ?

- Je t'assure qu'il s'agit d'une amie.

A trop vouloir lui faire croire cela, ça en devenait suspect. Il le vit bien. Les traits de Johéline se crispèrent. Est-ce que ça avait autant évolué entre eux ? Étonnant. Le pire c'est qu'il ne s'était pas rendu compte que la demoiselle l'invitait à venir chez elle. En ce sens, elle laissait sous entendre qu'ils passent la nuit ensemble ? Si c'était bien le cas : il venait de briser ses chances. Fronçant les sourcils , il se pinça les lèvres. T'es nul Grant, vraiment pensa-t-il.

Il n'en ratait pas une. Son manque de tact et surtout son manque de jugeote ( parfois ) le rendaient gauche. Il n'était pas maladroit avec les femmes seulement il passait souvent pour ce qu'il n'était pas : un goujat doublé d'un coureur de jupons.
Evidement Dirk avait une réputation de tombeur . Réputation qui se révélait être relativement vraie. Oui : il enchainait les filles. Oui : cela faisait de lui un être " volage ". Non : il ne couchait pas forcément avec. Pour ça : il lui fallait un minimum de " feeling ". Et d'après le regard que lui lançait Johéline à l'instant même : elle doutait de lui.

Il la vit partir puis rebrousser chemin dans sa direction. Lui était resté figé un peu trop dépassé par la tournure que les évenements prenaient . Quelques instant plus tôt , ils étaient en froid. Puis vite peut être même trop vite , ils s'étaient retrouvés dehors à échanger un baiser et maintenant cela tournait à la joute . Si des regards pouvaient tuer , assurément...« Il représentait quoi ce baiser pour toi? Qu'est-ce qu'on est à présent tous les deux? » Elle soupira, « Je te préviens, je ne serais pas une fille parmi d'autres. Soit on est ensemble, soit on ne l'est pas, mais il n'y aura pas de demi mesure. Parce que ...parce que quand j'aime, j'aime à 100%... ». Aussi loin qu'il put s'en souvenir jamais aucune fille n'avait montré un interêt pareil envers sa personne. Aucune mis à part G K. Une demoiselle dont maintenant encore , il portait le sceau. Une marque à l'encre indélébile , initiales marquées à l'arrière de son oreille gauche. Cette fille et personne d'autre. Maintenant il y avait Johéline McBride et quoi que l'on puisse dire à son sujet : il n'était l'homme que d'une seule femme. Pourquoi croyez-vous donc qu'il était aussi enchanté de la retrouver malgré le mois qui s'était écoulé ?

Depuis l'infiltration, c'est tout comme s'il avait fait voeux d'abstinence. Pas une seule demoiselle ne l'avait rejoint dans son lit même à Cuba où les enjoleuses pullulaient. Grant avait gardé en tête le souvenir de la demoiselle et rien que ces pensées avaient inhibé sa sexualité. Il avait été harponné. Quelle garce, en y réflechissant. Toutes les femmes d'âge mûre qui lui couraient après , son coeur avait choisi la jouvencelle.

Un homme bien constitué , physiquement et mentalement sain aurait certainement pris peur face à un tel discours. Grant n'était pas ce genre d'homme. Bien sûre , il était physiquement et mentalemement sain cependant il octroyait une importance démesurée à l'honnêteté. Et cette déclaration , parce qu'il considerait ce monologue comme une déclaration, suintait la franchise. Johéline voulait être la seule pour lui. Il comprenait. Il en fut même assez flatté :

- J'sais pas ce qui te fait croire que je ne suis pas un mec fidèle ( commenca-t-il un sourire railleur étirant ses lèvres , il poursuivit ) tu ne devrais pas autant t'inquièter ...

Lorsque la jeune femme arqua le sourcil visiblement impatiente de connaitre la suite, il esquissa quelques pas en direction de la rue principale, l'invitant ainsi à le suivre.

- ...les filles c'est ce qui composent 50 % de la planète Terre et encore je doute qu'il y ait un si bon ratio...

Pour le coup, il aurait voulu rire. C'était un peu trop tôt pour vouloir mettre le grappin sur lui , non ? Il se stoppa alors à l'angle de la ruelle et se rapprocha d'elle insensiblement :

- Tu veux vraiment être avec moi ?

Comme si ce qu'elle venait de lui dire ne lui avait pas semblé assez clair. Plus sérieusement , il ajouta :

- On va commencer doucement Miss McBride. D'abord, je t'emmenerai diner. Puis, déjeuner. On fera peut être même des sorties dans les villes voisines où personne ne nous verra. On ira danser , boire des verres. Quand ça deviendra un peu plus sérieux : je te confierai certains de mes secrets. Des anecdotes sur ma vie. Tu apprendras à me connaitre et à ce moment là : tu verras que l'homme dont tu seras tombée amoureuse n'est pas ce qu'il à l'air d'être.

A deux doigt de poser ses lèvres à nouveau sur les siennes , il se ravisa créant une nouvelle distance entre eux , d'un hochement d'épaule , il lança :

- Moi je rentre ....si tu tiens à te faire raccompagner par ton père , il ne tient qu'à toi.

BOUM-BOUM-BOUM.
Etait-ce lui où avait-elle insinué être en amour ?

« Je veux que c'est toi qui me raccompagne...Je te l'ai demandé. Mais si tu n'as pas le temps, je trouverai bien quelqu'un pour le faire... »
Ils étaient à peine ensemble qu'elle commençait déjà à jouer sur la corde sensible ?
Il haussa -une fois de plus- les épaules, taquin. Sa marche se fit plus rapide , son regard impassible. Son souffle saccadé. Il avait couru. Laissant la demoiselle derrière lui, vociférant quelques insultes affectueusement grossières. Il s'arrêta , satisfait de l'effet qu'il venait de provoquer. La main droite appuyée sur sa Ducati, sa gauche se saisissait du casque. Arquant un sourcil il le présenta à Johéline qui ne semblait pas avoir été touchée par son humour :

- Rigole. Au moins : souris. Si tu souris pas fais au moins semblant !

Elle tourna le regard dans une direction opposée tandis qu'il tentait , pour sa part, de le capter :

- Bon, d'accord : ça n'était pas marrant...

Elle émit un soupire qui eut le don de l'agacer.
Très bien : encore un point de désaccord à ajouter à la longue liste qu'il avait déjà établi. Rarissimes. Oui, rarissimes étaient les points communs. Navré fut-il, elle devait se contenter de son humour.

Il enfourcha sa bécane irrité. Tout se passait bien entre eux jusque là, non ?

- Tu montes ? ( elle sourit ) Je sais très bien que t'aimerai te faire raccompagner par un autre , je l'ai deviné seulement : moi je refuse. Alors tu poses ton gros popotins derrière. Vite, j'ai pas toute la nuit.

Les situations invraisemblables s'enchainaient entre eux à des vitesses hallucinantes. Vraisemblablement elle avait pris place derrière lui venant enrouler ses mains autour de son torse tandis qu'il démarrait en trombe sur la route de leur destin...

FIN