Ce matin je m'étais levée du bon pied. Enfin je crois. Quand j'avais ouvert mes volets, plutôt que de me sentir mal, plutôt que de me dire que j'allais devoir affronter cette journée, je me sentais calme, et la plénitude régnait sur tout mon être. Je ne voulais pas me battre contre le monde, contre tous ces regards et ces rires que je redoutais. Le vide immense qu'avaient laissé mes défunts parents était comme apaisé. Ce n'était sans doute que momentané, ou illusoire. Car ils me manquaient toujours autant. Mais je décidai de profiter alors de ce qui s'annonçait comme une bonne journée. Je ne mis pas beaucoup de temps à me préparer, et après une bonne douche j'enfilais un jean et une tunique fleurie. Je me coiffai rapidement et descendis les escaliers. En bas, dans la cuisine, Seth était en train de prendre son petit-déjeuner et parut surpris de me voir déjà prête. « Tu vas quelque part ? » me demanda t-il. Je lui répondis que j'allais faire un tour, alors il se remit à lire son journal en buvant du café. Je saisis mon trench et mis mes tennis avant de sortir. Il ne faisait pas chaud dehors, mais il faisait bon, moins froid que d'habitude en tout cas. Je mis tout de même ma veste, et décidai de marcher un peu, pour m'aérer l'esprit et me dégourdir les jambes.

Je repensais à tout ce qui m'était arrivé récemment, et j'en conclu que je me remettais peu à peu de la mort de ma famille. Ces derniers temps, je remontais la pente. Je rencontrais de nouvelles têtes, j'avais un nouveau job, et l'hiver passait. Nous serions bientôt au printemps, bientôt la vie reprendrait un peu de légèreté, et les soucis du monde paraîtrons moindres. J'humai l'air frais et matinal, caressant les branches des arbres sur mon passage : je marchais d'un pas aérien et enjoué. Je profitais du moment présent. En levant les yeux au ciel, j'aperçus un ciel bleu clair, quelques cumulus flottaient au dessus de ma tête. Je mis du temps avant d'arriver jusqu'à Fourth Park. J'avais tout de même parcouru un bout de chemin, traversant la ville de bon matin. J'aimais beaucoup cet endroit, c'était reposant et à cet heure là il n'y avait encore personne. Le parc faisait plusieurs hectares et la verdure s'étendait sur quelques kilomètres. Il était neuf heures, pas un chat. Je décidai de me trouver un coin afin de me reposer après cette longue marche. Je dénichai un banc ou de légers rayons de soleil se déposaient. Je me dirigeai vers celui-ci et m'y assis. Au bout de quelques instants à admirer le paysage, je décidai de sortir mon calepin et me mis à dessiner. Cela était agréable, le mélange des bruits de la nature et du crayon griffonnant sur le papier résonnant avec douceur dans mes oreilles. Je remontai mes pieds sur le banc, posant mon carnet sur mes genous, pour être plus à l'aise. Je passais un moment divin.

Il s'était levé avec beaucoup de difficultés ce matin là. Il avait eu du mal à émerger de son sommeil quand son réveil matin avait émit cette alarme stridente. Il avait sortit l'un de ses bras de dessous la couette pour l'abattre sur le bouton d'arrêt. Il était toutefois resté quelques minutes allongé, sans bouger. Seule le souffle de sa respiration se faisait entendre dans la chambre aux stores baissés. Il finit toutefois par repousser le tissu qui le couvrait. Il prit place sur le bord du lit, se passant une main dans les cheveux. Il posa une main sur ses yeux, sentant une douleur sourde dans le crâne. Il finit toutefois par se lever. Il leva les stores avant d'aller dans la cuisine. Il mit en marche la cafetière puis pendant que le café passait, il alla prendre une douche. Le journaliste enfila ensuite un jean, et un t-shirt manche longue avec quatre petits boutons sur le haut. Il repassa par la cuisine et prit une tasse de caféine. Il n'avait pas terminé le boulot qu'il devait rendre. Enfin pas totalement, il lui manquait peut-être un paragraphe. Il voulait aussi le relire. Il jeta un œil à sa montre. Il était un peu plus de huit heures trente. Ces nouveaux médocs le faisait dormir plus longtemps. Ce qui était un problème pour un type comme Jer' qui avait l'habitude de bosser au petit matin avant d'aller au journal. Tant pis, il pourra passer au parc et se posait un peu pour le finir, comme il le faisait parfois. D'ailleurs, il n'était pas censé bosser aujourd'hui. Mais il avait envie de terminer ce papier. Son boss lui avait demandé un nouvel article sur les suites de la conférence de Livingscorp. D'ailleurs, il avait l'intention de voir Wyatt. Il ne comprenait toujours pas ce que son meilleur ami faisait là bas. A vrai dire, il n'avait pas beaucoup de nouvelles de ce dernier, qui lui cachait finalement beaucoup de choses. Il but une dernière gorgée de son café puis il reposa la tasse dans l'évier. Il alla attraper sa sacoche avec tous ses papiers, ses clefs sur la console de l'entrée puis il quitta son appartement.

C'est quelques minutes plus tard, qu'il arriva près du parc. Il se gara devant ce dernier. Le journaliste entra dans un café et reprit une dose de caféine. Le gobelet en main il traversa la rue et entra dans le parc. Il aimait passer du temps ici, surtout tôt le matin quand il n'y avait personne. Il marchait dans sur l'allée gravillonnée. Il remarqua toutefois qu'il y avait une personne sur le banc où il voulait s'asseoir. Et cette fille semblait concentrer sur ce qu'elle avait sur les genoux. Tant pis, il n'avait pas envie de faire plus de mètre pour avoir un autre banc. Il s'avança donc vers la miss. Arrivé près d'elle, il demanda toutefois: « Vous permettez? » Il jeta un œil à ce qu'elle faisait. Du dessin. Et ce n'était pas mal du tout. Elle avait un bon coup de crayon.

Cela faisait plusieurs fois que je gommais mes traits, quand je trouvai enfin quelque chose qui me plaisait, l'inspiration venait. Je dessinai les arbres que j'avais en face de moi, mais en y ajoutant un cerf majestueux, dont les bois surplombaient le paysage. Mon dessin commençait enfin ressembler à quelque chose, quand j'entendis quelqu'un arriver. Puis la présence de cette personne se fit sentir juste devant moi, et je levai la tête. Un jeune homme se tenait là, et me demanda si je lui permettais de s'assoir. Je l'observai un moment avant de lui répondre : « Bien sûr. » Je vis ensuite qu'il jetait un coup d'œil à mon carnet de croquis, aussitôt je le cachai. « C'est pas terrible. » Je maintenais mon dessin contre moi, afin qu'il ne puisse pas le voir. Je le regardai ensuite, mes deux yeux bleus insistants. Ravalant ma salive, j'ajoutai : « Vraiment. »

En le regardant en détail, je remarquai que le jeune homme avait un café à la main, je posai mon regard sur celui-ci. Ce matin j'étais partie de chez moi sans manger, et après cette longue marche que j'avais effectuée, j'avais terriblement faim. Mais je n'osais rien lui demander, je n'allais tout de même pas lui piquer son café. Puis, contre toute attente, mon ventre se mit à gargouiller. Je rougis. Le bruit que mon estomac faisait était atroce, mais l'odeur de la caféine sentait tellement bon. J'ôtai alors mon regard intense de l'objet, ou le jeune homme me prendrait pour une folle. Puis contre toute attente, je me mis à imaginer toute sorte de bonnes choses à manger - en fait je n'avais pas mangé depuis hier midi, alors cela se comprenait.

Il se trouvait là devant la miss, très inspirée sur le coup puisqu'elle semblait avoir déjà gommé et regommé son dessin. Quand elle releva les yeux, il esquissa un sourire. « Bien sûr. ». Il acquiesça la tête en disant: « Merci » Puis il s'installa à côté de la jeune femme. Il posa sa sacoche près de lui, mais de l'autre côté de la demoiselle. Il remarqua ensuite que cette dernière avait caché son bloc contre sa poitrine. Il fronça les sourcils. « C'est pas terrible. » « Vraiment. » Ooh la miss ne semblait pas avoir confiance en ce qu'elle faisait? Étonnant, il aurait plutôt cru qu'elle était plutôt une fille déterminée, avec un fort caractère et confiance en elle. « Mais non, jtrouve ça très bon personnellement. » Bon il n'était pas un crac en dessin, mais il savait reconnaître un dessin, d'un gribouillis.

Gardant son gobelet en main, il sortit son paquet de notes. Jer' arrivait à merveille à jongler avec ce qu'il devait faire. Il tirait une feuille du dossier quand il entendit le gargouillis de la jeune femme. Il releva les yeux sur elle et vit les prunelles de la miss plantaient sur son gobelet encore fumant. Soit elle avait des problèmes d'intestins, soit elle n'avait rien mangé ce matin là. Il n'hésita pas et lui tendit son gobelet. « Tenez, je n'y ai pas encore gouté. Et vous semblez en avoir plus besoin que moi. » Il lui donna le gobelet et aperçu un peu plus loin, un marchant de beignets ambulant. Jeremiah lui fit signe et acheta deux beignets. Il paya le gars puis offrit ces derniers à la demoiselle. Si son ventre faisait encore du bruit, son article n'allait jamais être bouclé.

Le garçon esquissa un sourire quand je relevai la tête, et je lui répondis par un sourire en coin. Puis quand je lui confirmai qu'il pouvait s'assoir il me remercia. En même temps qui étais-je pour le lui refuser, nous étions dans un endroit public. Il s'installa alors à mes côtés et posa une sacoche à côté de lui - opposé au mien. Quand je cachai mon dessin, il fronça les sourcils. Il affirma qu'il trouvait ça très bon, selon son avis personnel. Je lui rendis un large sourire. « Merci, c'est gentil. » Je dégageai mon carnet de ma poitrine, sans pour autant lui mettre sous le nez. Ensuite il sortit un paquet de feuilles - des notes plus précisément - puis en tira une feuille en particulier. Il releva le regard vers moi en entendant mon gargouillis. Il s'aperçut assez vite que je fixais son gobelet, puisqu'il me le tendis. « Tenez, je n'y ai pas encore gouté. Et vous semblez en avoir plus besoin que moi. » lança t-il. « Oh, non je vous assure que ce n'est pas la peine. » Je le fixais lui, désormais. Je me mordis la lèvre inférieure, et saisis finalement le gobelet. « Je vous en laisse. Merci en tout cas. » Je portai la boisson à mes lèvres, et en avalant le contenu je fermai mes paupières, me régalant. Puis je le vis interpeler un marchand de beignets, il acheta deux friandises, et me les donna. « Certainement pas. Prenez en au moins un. » dis-je insistante, en lui rendant un des beignets. Je ne comptais pas le laisser me payer à manger, je lui rembourserais. Je n'étais pas du genre à vivre aux dépends des autres. Il était très gentil, et sur le coup je l'en remerciais. Mais j'étais une fille responsable, qui pouvait très bien s'occuper d'elle même toute seule. Et j'avais décidé que je ne mangerais pas mon beignet avant qu'il en ait reprit un.

Assit près de la demoiselle, une jambe pliée sur l'autre, Jer venait de sortir ses papiers, les mettant sur ses genoux. Il devait finir son article avant de passer au journal. Il appréciait travailler à l'extérieur, mais juste quand les promeneurs n'étaient pas trop nombreux, histoire de ne pas être gêné par le bruit. Ce matin là, il avait de la chance de trouver le parc quasiment vide. Il n'y avait qu'une charmante miss. Il allait se mettre au travail quand il entendit le gargouillis de cette dernière. Il lui avait donc proposé son café, qu'il n'avait pas encore gouté. « Oh, non je vous assure que ce n'est pas la peine. » Le journaliste la fixa, attendant qu'elle accepte son café. Après tout, ce n'était qu'un café, rien d'autre. Il pourrait en acheter un autre en allant au journal. Et puis il en avait déjà bu ce matin avant de quitter son appartement. La brunette finit par accepter son gobelet. Les mains libres, il sortit un crayon de son sac avant de remarquer un vendeur ambulant. Il acheta deux beignets et les donna à la miss. « Certainement pas. Prenez en au moins un. » Le journaliste esquissa un sourire. Elle allait vraiment se croire assister la pauvre. Bon en même temps, cela pouvait le faire croire. Mais ce que le jeune homme voulait surtout, c'était de pouvoir bosser au calme, ou tout au moins, sans les gargouillis intempestifs de la demoiselle. Il l'observa puis il fini par en prendre un. « D'accord. » Il laissa la miss manger son beignet tandis qu'il posait le sien dans sa sacoche. Il avait du boulot à faire avant de manger quoique ce soit. Et puis, les beignets n'étaient pas ce qu'il adorait le plus. Et à vrai dire, il ne mangeait pas grand chose ces derniers temps. Il tira sur une feuille et se remit à relire les lignes qu'il avait déjà écrite.

Quand j'insistai pour que le jeune homme reprenne un de ses beignets, il esquissa un sourire. Après m'avoir observée, il pris finalement un des beignets. Je mangeai alors le mien – faisant attention à ne pas salir mon dessin. Je jetai un regard à ce que faisait le garçon, et vis qu'il mit son beignet dans sa sacoche. Je devais avoir l'air affamée à côté de lui. Quand j'eus fini mon beignet, je bus une dernière gorgée de café et quand je voulu lui rendre je remarquai qu'il ne restait plus rien. Je fis une moue, j'aurais voulu lui en laisser.

Il tira une feuille sur ses genoux, et se mit à lire celle-ci. Je le regardai en biais, et au bout de quelques minutes de silence, je dis : « Vous faites quoi ? » Je le regardai en face, et baissai les yeux. « Excusez moi, ça ne me regarde pas. Et je ne veux pas vous importuner. » Je remis une mèche de cheveux derrière mon oreille. Je sortis alors mon Ipod pour écouter un peu de musique, histoire de le laisser tranquille car il avait l'air de vouloir travailler. Je cherchai quoi écouter, et tombai sur un chant russe que j'aimais beaucoup – cela me rappelait mes origines. Finalement sans m'en rendre compte, je chantais doucement – c'était presque inaudible – en russe. Cette langue était un héritage auquel je tenais énormément.

À cet instant je me sentais chez moi, en fermant les yeux j'aurais presque pû imaginer que ma mère était à mes cotés, qu'elle me chantait une berceuse, en russe. Je savais que je ne pourrais jamais l'oublier, jamais je ne pourrais faire table rase du passé, de ce qui était arrivé. Jamais. C'était pourtant ce que m'avait balancer en pleine face Johéline lors de la fête étudiante - ou je regrettais d'être allée. Johéline, cette fille que j'avais toujours considérée comme ma soeur, et qui avait été si dure envers moi. Elle ne comprennait simplement pas ce que je ressentais, personne ne le pouvait.

Jeremiah n'était pas friand de beignets et autres sucreries, même quand il était gosse. Il gardait volontiers son argent de poche pour s'acheter des pétards, des cartes des Chiefs du Kansas ou pour rafistoler son vtt mais rarement pour s'acheter des bombecs ou autres. Encore à présent, il n'avait pas vraiment changé. Donc il préférait finir ce qu'il avait commencé avant de manger quoique ce soit. S'adossant au banc, il se mit à relire ce qu'il avait écrit la veille. L'article qu'il écrivait, relatait les dernières infos qu'il avait trouvé sur Gordon, le « forcené » de la conférence de Livingscorp. Il fit courir le crayon sur le papier.

Au bout de quelques minutes de silence, la voix de la jeune femme se fit à nouveau entendre. « Vous faites quoi ? » Jeremiah leva les yeux sur cette dernière. Pendant un instant, il avait presque oublié sa présence. « Excusez moi, ça ne me regarde pas. Et je ne veux pas vous importuner. » Il jeta un œil sur sa feuille puis il reposa le regard sur elle. « Un article. Je suis journaliste. Je fini un papier que je n'ai pas terminé. » Il esquissa un sourire et l'observa. Elle venait de sortir un Ipod de son sac et il craignait déjà d'entendre les écouteurs hurlaient leur musique. Lui qui cherchait un coin tranquille, il avait apparemment mal fait les choses. D'ailleurs il remarqua qu'elle chantonnait doucement, mais assez perceptible pour qu'il puisse l'entendre. Il replongea son attention sur son papier qu'il devait terminer. Depuis quelques temps, il se demandait si c'était toujours une bonne idée de fouiller pour cette histoire? Il se disait qu'il devrait prendre un rendez vous avec Cassidy Weasthon histoire de l'interroger un peu. En même temps, il était journaliste et il savait qu'il ne serait pas le bienvenue à Livingscorp. A moins qu'il n'en parle à Wyatt. Enfin encore faut-il qu'il puisse voir son meilleur ami, qui se faisait discret ces derniers temps.

Après que je l'ai dérangé, le jeune homme dirigea son regard vers moi. « Un article. Je suis journaliste. Je fini un papier que je n'ai pas terminé. » Alors il était journaliste. J'avoue que ce métier m'avais toujours fasciné. Ce choix de carrière était à la fois attirant - les journalistes avaient du mérite - mais aussi repoussant et dérangeant - ils mettaient souvent leur nez dans les affaires qui ne les regardaient pas. Celui qui se tenait à mes cotés m'observait après qu'un sourire se soit dessiné sur son visage. « Intéressant. » Je n'avais rien trouvé de mieux à dire. Puis quand je mis ma musique sur mes oreilles, il se replongea dans son travail. Les chants russes étaient comme un hymne au bonheur, j'essayais de revivre. Je n'avais pas écouté de musique depuis longtemps, jugeant que cela me faisait trop souffrir. Mais aujourd'hui, j'avais dépassé tout ça et au delà de la souffrance, la musique m'était bénéfique.

Au bout d'une demie heure, je coupai mon Ipod, et me tourna vers le jeune homme. « Je me disais que si vous aviez fini votre article, nous pourrions peut-être marcher un peu ... Enfin c'est comme vous voulez. » Je lui souris doucement. Je ne savais pas trop pourquoi je lui avais fait cette proposition, après tout je ne le connaissais pas, et peut-être me trouvait-il agaçante. Mais j'étais sereine et de bonne humeur aujourd'hui, j'avais envie de profiter de ce moment. Et le jeune homme avait l'air de quelqu'un de bien, sa présence était apaisante. Sans doute qu'après avoir passé des mois enfermée je voulais retrouver un vie - plus équilibrée, plus sociale. Et si je lui avais proposé de marcher, c'était aussi que j'en avais envie, envie de me détendre, marcher plutôt que courir, marcher plutôt que fuir le passé. Sans doute qu'en marchant, j'aurais l'impression d'avancer, avancer vers un avenir meilleur.

Quand il bossait au journal, il était toujours interrompu par quelqu'un, pour un renseignement, une demande, par un coup de téléphone, par un rendez-vous...Bref, il devait très souvent s'arrêter dans ce qu'il faisait pour terminer ce qu'il faisait. En même temps, cela ne le dérangeait pas plus que cela, étant donné qu'il avait une bonne capacité de concentration, ce qui fait qu'il pouvait faire plusieurs choses à la fois et reprendre automatiquement là, où il s'était arrêté. Mais parfois il avait envie de changer un peu d'air. Et avec le temps, il avait prit l'habitude de venir ici, au parc. C'était un bel endroit pour se poser ou comme ce jour là, travaillait. Le parc s'étendait sur plusieurs hectares. Il était très ensoleillé surtout en été, mais même là, le soleil arrivait à percer à travers les branches des arbres. C'est pourquoi ce matin là, au lieu de bosser au journal, il était venu ici. Il s'était posé sur le banc. Il était à l'ombre et il sentait juste une légère brise venir caresser sa nuque. C'était agréable, bien plus agréable que la climatisation du bâtiment ancien où se trouvait le Wellington Post.

Il travailla donc sur son article, écrivant plus qu'il n'aurait voulu au départ. C'est fou comme il avait cette facilité pour mettre en mots tout ce qui lui passait par la tête. Il laissait ses impressions prendre de la place sur ses feuilles. Jeremiah était un journaliste engagé. Il n'avait pas peur de donner son opinion, au contraire. Et c'est cela qui plaisait. Ses articles étaient toujours accrocheurs. Et c'est pour cette raison qu'il faisait souvent la UNE du journal. Il fonçait dans son job, cherchant chaque fois le scoop qui pouvait intéressait les habitants ou mettre en lumière, certaines choses beaucoup moins reluisantes. Il finit par mettre le point final à son article quelques minutes plus tard. Jer' s'adossa un peu plus sur le banc. Il jeta un œil à la jeune femme qui était à ses côtés, son ipod toujours en mains. Il rangea ses feuilles avant de prendre une gorgée de sa bouteille d'eau, placée dans son sac. Il posa ensuite son regard devant lui. Le parc se remplissait peu à peu. Le temps se prêtait aux sorties. « Je me disais que si vous aviez fini votre article, nous pourrions peut-être marcher un peu ... Enfin c'est comme vous voulez. » Jeremiah posa à nouveau son regard sur la jeune femme. Un sourire s'esquissa sur ses lèvres. « J'dois aller bosser...mais on ne m'attends pas tout de suite. Alors...d'accord. » Il rangea sa bouteille d'eau puis se leva du banc, accrochant à nouveau la lanière de son sac sur son épaule. « J'ai cru entendre que vous parliez russe, ce sont vos origines? » Lui aussi était en fait curieux, curieux sur cette brunette aux yeux bleutés. Et puis il était journaliste. Il aimait poser des questions mais lui, cela ne le déranger pas.

Le jeune homme avait l'air d'avoir en effet fini son article. Rangeant ses feuilles, il but une gorgée de sa bouteille d'eau et posa son regard en face. Ayant rangé mon Ipod, je regardai également et m'aperçus que le parc se remplissait peu à peu. Quand je demandai au journaliste s'il voulait marcher un peu avec moi, il esquissa un sourire avant de me répondre : « J'dois aller bosser...mais on ne m'attends pas tout de suite. Alors...d'accord. » Je lui rendis un sourire enthousiaste. « Génial. » Il rangea sa bouteille et se leva en mettant son sac sur son épaule, alors je me levai aussi. Nous commençâmes à marcher le long du sentier. « J'ai cru entendre que vous parliez russe, ce sont vos origines ? » me demanda t-il. Il était curieux. En même temps c'était un journaliste, il fallait s'y attendre. Je lui adressai un sourire en coin. « Vous avez bien deviné. Da, je suis en partie russe. » J'articulai ma dernière phrase avec mon accent russe, plus prononcé. « On pourrait se tutoyer ? Enfin c'est que je n'ai pas encore l'âge d'une vieille dame. » Je ris doucement. Je n'avais que 22 ans. Je ne savais pas quel âge il avait, mais il ne semblait pas être grand-père. Il avait ce visage net et sans défauts qui lui valaient moins de la trentaine. Dès lors que je lui demandai de me tutoyer, une autre question vint me turlupiner. « Quel âge as-tu ? Si ce n'est pas trop déplacé. » Je lui souris en me passant la main dans les cheveux.

Je ne savais pas tellement pourquoi, mais je me sentais bien en compagnie de ce journaliste. Pourtant j'en avais déjà rencontré - notamment des amis de mes parents - et je n'aimais pas trop leur parler croyant qu'il se serviraient de mes dire contre moi. Mais j'avais confiance en ce jeune homme, et il ne paraissait pas manipulateur. Au contraire. Pourtant j'aurais toutes les raisons d'être sur mes gardes, ma vie n'étais plus si simple, et je renfermais désormais bien des secrets.

C'est qu'elle était intéressante cette petite. Il s'était donc mit à marcher avec la demoiselle dont il ne connaissait même pas l'identité. Mais apparemment elle ne semblait pas figer dans les convenances, tant mieux puisqu'il les trouvait ennuyeuses. Ils prirent une allée ensoleillée et Jeremiah posa ses lunettes sur le nez. Il n'avait pas mal au crâne et il ne voulait donc pas tenter le diable. Il préférait prendre ses précautions. « Vous avez bien deviné. Da, je suis en partie russe. » Il regarda la jeune femme, esquissant un sourire. Il avait vu juste. En même temps, vu la chanson qu'elle avait chantonné, il n'avait pas vraiment le droit à l'erreur. Russe, c'est quand même rare d'avoir ces origines, surtout à Wellington qui était quand même un trou perdu. Il adorait sa ville, ne vous méprimez pas, mais il n'empêche que c'était quand même perdu comme coin. « On pourrait se tutoyer ? Enfin c'est que je n'ai pas encore l'âge d'une vieille dame. » Non c'est sûr, elle n'avait rien d'une vieille, pas de canne, pas de dentier enfin à ce qu'il voyait. Bref, non elle semblait avoir son âge ou un chouya plus jeune. « Oui bien sûr. Et je te rassure, tu n'as rien d'une vieille femme. » Il esquissa un sourire et tourna son visage sur les passants qui venaient vers eux. Une fois ces derniers partis, la demoiselle reprit la parole. « Quel âge as-tu ? Si ce n'est pas trop déplacé. » « Non ce n'est pas indiscret. Et pour te répondre, je vais dire que j'ai dépassé l'âge légal requis pour boire un verre. » Ben quoi, comme si Jeremiah allait tout dire de sa vie et de lui. Les informations, c'est lui qui les prenait, pas les autres. Si la demoiselle voulait savoir son âge, elle allait devoir s'y reprendre, sinon ce n'était pas marrant, avouez-le. « Mais là on peut déjà se présenter. Je m'appelle Jeremiah et tu es? » Il ne semblait pas l'avoir déjà vu ici. A moins qu'ils se soient croisés sans que le journaliste ne la voit.

Pendant que nous marchions, je remarquai que le jeune homme entreprit de mettre ses lunettes de soleil - en effet nous venions d'emprunter une allée ensoleillée. Il n'avait pas l'air du journaliste farfouilleur et chiant à mourir, non. Il arborait ce sourire qui laissait penser que c'était un type plutôt cool, le genre de personnes qu'on aime avoir à ses côtés. Quand je lui avouai que j'étais en partie russe, il sourit. Il avait bien deviné, même si ce n'était pas ben compliqué vu les circonstances. En effet je n'avais pas été discrète en chantonnant tout à l'heure, mais je ne m'en souciais pas. « Oui bien sûr. Et je te rassure, tu n'as rien d'une vieille femme. » Je lui souris. « Je ne pense pas, en effet. Enfin j'ai encore toutes mes dents. » Puis il esquissa un énième sourire. Oui, la journée était aux sourires, une bonne journée, une journée extra-ordinaire pour moi. Des passants se dirigèrent vers nous, quand ils nous dépassèrent je lui demandai son âge. Il esquiva ma question un tant soit peu. « Non ce n'est pas indiscret. Et pour te répondre, je vais dire que j'ai dépassé l'âge légal requis pour boire un verre. » Je le dévisageai. « Tu as donc entre 21 ans et 99 ans ... » Je ne cherchai pas à en savoir plus pour le moment, je reposerais la question plus tard. « Mais là on peut déjà se présenter. Je m'appelle Jeremiah et tu es? » fit-il. Jeremiah. Jeremiah ? Il me semblait avoir déjà entendu parler d'un Jeremiah, par Wyatt. Celui m'avait dit qu'il avait un meilleur ami doté de ce nom, mais le monde ne pouvait pas être si petit. Je me dis donc finalement qu'il devait y avoir plusieurs Jeremiah dans le Kansas, et qu'il n'avait rien avoir avec mon ami. « Jeremiah, enchantée. Je m'appelle Katharina. » Je lui donnai mon deuxième prénom, juste pour l'instant. Lui dévoilant seulement mon coté russe. Si jamais c'était l'ami de Wyatt, je voulais apprendre à le connaitre le plus naturellement possible. Et je préférais garder une part de mystère.

Cette journée s'annonçait plutôt bonne en fin de compte. Il faisait un beau soleil et le ciel était dégagé, signe que la pluie n'allait pas tomber aujourd'hui. Il appréciait ce temps, qui voulait dire que le printemps était proche et que bientôt les parcs allaient être bondés, et surtout qu'il allait pouvoir reprendre les matchs de base ball avec les deux autres zigotos. Ils pouvaient passer toute une après midi au stade à jouer ou à se taper dessus (ouais gentiment quoi). Ces moments lui manquaient. Tous les trois avaient beaucoup de taf et forcément il devenait rare le fait de pouvoir se retrouver plus d'une heure par semaine. Mais c'était ça la vie d'adulte. Cela faisait un bail qu'il n'était plus au lycée où ils avaient beaucoup plus de temps pour trainer ensemble. « Tu as donc entre 21 ans et 99 ans ... » Il sourit à nouveau. « Oui en gros, jsuis effectivement dans cette tranche d'âge. » C'était beaucoup plus marrant de la laisser chercher et puis cela pouvait être intéresser. Et puis quelque chose lui disait qu'ils allaient tous les deux se retrouver, autant entretenir le mystère. Malgré s'il y avait une chose que Jer' voulait connaître, c'était son prénom. Il le demandait toujours, ou quasiment...quand il avait le temps en fait ou la possibilité. « Jeremiah, enchantée. Je m'appelle Katharina. » Ils empruntèrent une petite allée qui allait plus loin dans le parc. Observant les environs, il reposa ensuite son regard sur la demoiselle qui venait de révéler son identité. « Enchantée également Katharina. Tu es à Wellington depuis longtemps? Il ne me semble pas déjà t'avoir vu, alors que j'ai plutôt une bonne mémoire des visages. » Peut-être n'avait-il pas eu le loisir de la rencontrer avant ou peut-être était-elle juste une nouvelle venue. Là il ne pouvait pas le dire. Il prit sa bouteille d'eau et but une nouvelle gorgée. Avec ses médocs, il devait s'hydrater régulièrement et c'était assez chiant, surtout pour un mec qui buvait rarement..Il reporta ensuite son attention sur le jeune femme.

Après un nouveau sourire, le journaliste me répondit qu'il était en effet dans cette tranche d'âge. Pour une fois ce sourire ne me rendait pas amère. C'était un sourire qui me rendait de l'espoir, l'espoir que je pourrais peut-être accepter le bonheur des autres, sans qu'il me dégoûte. Je sentais que le sourire du jeune homme n'avait rien de moqueur, rien de faux. Il était simple et paraissait sincère. C'est le genre de choses qui me faisaient avancer. C'est aussi à ce moment là que je me rendis compte que les inconnus étaient beaucoup plus agréables et bénéfiques que les amis. Du moins que certains. En effet la présence de Jeremiah m'apaisait, alors que celle de personnes comme Johéline étaient plutôt significatives de tensions. Celle-ci ne m'accordait plus la moindre attention depuis que j'avais passé un moment intime avec son patron. Elle m'avait poignardé en plein coeur, et s'en était allée sans daigner vérifier si j'étais toujours en vie. Elle se foutait royalement de moi. Et je me demandais si je ne devais pas tourner le page, sur leur mort comme sur ma prétendue amie.

« Enchanté également Katharina. Tu es à Wellington depuis longtemps ? Il ne me semble pas déjà t'avoir vu, alors que j'ai plutôt une bonne mémoire des visages. » Jeremiah saisit sa bouteille d'eau, et en but une gorgée. Il ne faisait pourtant pas si chaud, mais peut-être avait-il tout simplement soif. « Je vis ici depuis que j'ai 11 ans. Mais je ne crois pas t'avoir déjà vu non plus. Toi tu es d'ici ? » Beaucoup d'années s'étaient écoulées depuis mon arrivée au Kansas, pensais-je nostalgique. « Alors tu es journaliste ? C'est intéressant ? Tu travailles où ? » En vérité j'essayais – pour ma dernière question – d'étoffer un peu notre conversation, car il n'y avait pas 36 journaux en ville.

On ne pouvait pas dire en effet que le journaliste était du genre à se prendre la tête. Il était d'une nature très ouverte et n'avait aucun problème à parler avec des inconnus, au contraire il aimait cela et c'est ce qui lui permettait d'être un super journaliste. Sa nonchalance, son sourire donnait confiance à ceux qui lui parlait. Il avait une façon incomparable pour tirer les renseignements où ils se cachaient. Il fallait le dire, sa « belle gueule » était un atout. Toutefois il n'en usait que pour son boulot, c'était utile quand il devait charmé une standardiste, une secrétaire, une assistante ou autre. Mais en dehors de cela, il n'en tirait aucun profit. Il n'avait pas besoin de son physique pour avoir ce qu'il voulait. Il était du genre fonceur et c'est sa hargne qui lui réussissait. Il n'hésitait pas à se mettre dans les embrouilles pour obtenir ce qu'il cherchait. Cela lui valait beaucoup d'inimitié, mais il avait aussi réussi à se faire de très bonnes amitiés grâce à sa personnalité.

« Je vis ici depuis que j'ai 11 ans. Mais je ne crois pas t'avoir déjà vu non plus. Toi tu es d'ici ? » Ah oui cela fait un bail quand même. Bizarre qu'il n'est pas croisé cette charmante demoiselle jusque là. Ou alors peut-être n'aimait-elle pas sortir, aller dans les pubs ou autre. Ou elle avait pu être de passage dans d'autres villes aussi. Rares étaient les personnes qui aimaient s'enterrer ici sans bouger même pour quelques jours à part les vieillards, attachés à leurs terres. « Oui je suis né à Wellington mais je suis allé à Lawrence pour mes études. » Il sourit, amusé. C'était lui le journaliste et il répondait aux questions. « Alors tu es journaliste ? C'est intéressant ? Tu travailles où ? » A cet instant, un homme passa vers eux et Jer' le salua. C'était Ed Diggins, propriétaire de la supérette du coin. Un type qu'il connaissait depuis qu'il savait faire du vélo. Puis il reporta son attention sur le brunette. « Oui très, on ne peut pas dire que je fais chaque jour la même chose. C'est ce qui me plait. Je ne sais jamais ce que je vais avoir à faire le lendemain. Je bosse au Wellington Post. » Il aimait son boulot oui, un peu trop. Cela lui bouffait beaucoup de sa vie privée. Mais il l'avait choisi et n'en était pas malheureux. Il attrapa un exemplaire du journal et le tendit à la jeune femme. La première page était un de ses articles, sur les conséquences de la conférence de Livingscorp. « Et toi? Que fais une jolie fille comme toi dans la vie? » Le côté charmeur du garçon revenait au galop. Cela le fit sourire.

« Oui je suis né à Wellington mais je suis allé à Lawrence pour mes études. » - me répondit Jeremiah. Comme quoi nous vivions depuis toujours avec des gens qui nous étaient inconnus, on pouvait croiser des personnes sans leur prêter la moindre attention. C'était assez effrayant. Mais il valait peut-être mieux ça, connaître tout le monde serait d'un ennui mortel, non ? Mais c'est ce qui avait sans doute dû se passer, j'avais sûrement croiser le jeune homme et ma mémoire avait fait le tri sélectif pour le jeter aux oubliettes. Mais le destin est tenace, et si je le rencontrais aujourd'hui, c'était sans doute que ça devait arriver. « Je vois. Et bien moi j'ai toujours vécu ici, à Wellinghton. » Quand je lui posai des questions sur sa profession, il sourit et parut amusé. Avant qu'il me réponde, un homme passa vers nous et salua Jeremiah. Le journaliste semblait être reconnu dans les alentours. Une fois l'homme passé, il reporta son attention sur moi. « Oui très, on ne peut pas dire que je fais chaque jour la même chose. C'est ce qui me plait. Je ne sais jamais ce que je vais avoir à faire le lendemain. Je bosse au Wellington Post. » - expliqua-t-il. Je l'écoutai d'une oreille attentive, le dévisageant d'un regard intéressé. « Tu as l'air d'aimer ce que tu fais. » Je lui souris alors.

Puis il attrapa un exemplaire du journal et me le tendit. Je l'attrapai volontiers. Mes yeux vinrent se déposer sur la première page, où trônait un article sur Livingscorp. Lisant l'article dans les grandes lignes, je découvris qu'il y avait eut une conférence qui avait mal tourné dans l'entreprise où je travaillait désormais. J'avais été tellement absorbée par ma propre personne que je n'en avais pas entendu parlé. Il était temps que je m'intéresse au monde autour de moi, que je sorte plus même. Les journalistes avaient l'air de tourner pas mal autour de Livingscorp, comme des rapaces. Je remarquai alors que l'article était de Jeremiah. J'haussai un sourcil, et rangea l'article dans mon sac, il faudrait que je le lise avec plus d'attention. J'aurais bien aimé lui poser des questions sur cet article, mais le temps était à la détente. De plus il ne me laissa pas le temps de le faire, et ajouta - « Et toi ? Que fais une jolie fille comme toi dans la vie ? » Instinctivement, je rougis. Juste légèrement, ainsi on pourrait croire que c'était dû au beau temps du jour. Je remarquai même - quand le jeune homme m'adressa un sourire - que Jeremiah était plutôt mignon. Je ris doucement avant de répondre - « Je suis étudiante. En génétique. » Je lui lançai alors des petits regards doux et charmeurs. Jeremiah était vraiment beau garçon, et je me demandais comment j'avais fait pour ne pas le remarquer plus tôt.

« Tu as l'air d'aimer ce que tu fais. » Ah ça pour aimer ce qu'il faisait. Il aimait. Il ne comptait plus les heures qu'il passait au journal. Et il ne s'en plaignait pas. Il était né pour écrire. Depuis qu'il était gosse, il a toujours eu cette passion. Cela a commencé au primaire avec les dissertations, celles sur les présidents américains, sur la guerre d'Indépendance, sur les Conquistadors. Il avait toujours eu une certaine aisance pour écrire, pour dire clairement ce qu'il avait en tête. Très tôt, ses professeurs ont remarqué ce don qu'il avait. Et l'un d'eux, son professeur du collège, monsieur Waltman. C'est lui qui l'a orienté vers cette branche et qui l'a fait entrer au journal du collège. Et depuis le virus de la plume ne l'avait jamais quitté. Son métier, c'était sa passion. Comment pourrait-il être plus heureux de faire ce qu'il aime? « J'adore. Je n'aurais pas pu trouver un job plus intéressant. Je refusais de bosser dans un bureau. Là je pars dès que l'actualité le demande. Aucun jour ne se ressemble. » Et il n'était pas peu fier de ce qu'il faisait, ce qu'il écrivait. D'ailleurs, il montra l'un de ses articles à la jeune femme. Elle ne semblait pas souvent lire les nouvelles. Peut-être venait-il de faire d'elle, une nouvelle lectrice du Wellington Post. Il l'observa qui regardait le journal d'un oeil curieux. Cela l'amusa.

Ils marchèrent alors que le soleil se faisait de plus en plus présent. Une belle journée s'annonçait, dommage qu'il avait du boulot. Il aurait bien aimé passer sa journée à se balader. Mais il avait cet article à donner. Il n'avait jamais loupé une impression, cela n'allait pas commencer aujourd'hui. Il était décidé à le donner en temps et en heure. Lui, louper un article, jamais, tout au moins pas tant qu'il sera encore capable de lire. « Je suis étudiante. En génétique. » Étudiante? Ooh Jeremiah ne l'aurait jamais cru. Elle avait plutôt l'air d'être une working girl accro à la caféine. Il sourit alors, étonnée par ses paroles. La regardant, il avoua: « Génétique? Whaa tu m'impressionnes. J'ai toujours détesté les sciences. Tu es en quelle année? J'imagine que tu as déjà un projet d'avenir? » Kath était intéressante. Elle semblait pleine de surprise et il se demandait si elle n'avait pas côtoyer Livingscorp dans le cadre de stage ou autre. Pour Jer', la science c'était un peu un charabia, même s'il avouait qu'il en connaissait un bout sur le sujet, sauf qu'il n'appréciait pas particulièrement cette matière. Il était littéraire, pas scientifique. « Et d'ailleurs, pourquoi la génétique? » C'était une spécialité assez spéciale, difficile mais très intéressant, il n'en doutait pas. Avec ce qui se passait régulièrement à Wellington, au sujet des mutants, beaucoup faisaient des recherches personnelles sur leurs origines.

« J'adore. Je n'aurais pas pu trouver un job plus intéressant. Je refusais de bosser dans un bureau. Là je pars dès que l'actualité le demande. Aucun jour ne se ressemble. » dit-il avec conviction. Je redoublai mon sourire. Jeremiah m'amusait, la manière dont il parlait de son métier me donnait presque envie de devenir journaliste. Cela faisait plaisir à voir. Puis quand il me passa le journal avec un de ses articles – celui sur Livingscorp sur lequel je portais un certain intérêt – il sembla amusé. Je lui jetai un regard. « Excuse moi, c'est simplement que je n'ai pas eu l'occasion de lire le journal depuis un moment. Le matin mon oncle se l'approprie, et je ne le revois plus de la journée – le journal je veux dire. » En réalité c'était quasiment le même chose avec Seth. Mais cela m'arrangeait. Quoi qu'il en soit le courant passait bien entre Jeremiah et moi. J'aimais beaucoup parler avec lui – ses derniers temps je m'ouvrais rarement aux autres et étais plutôt sur la défensive – et nos échanges de sourires ravivaient ma journée.

Nous marchions d'un pas tranquilles, le soleil était au rendez-vous. Jeremiah me regarda d'un air surpris. « Génétique ? Whaa tu m'impressionnes. J'ai toujours détesté les sciences. Tu es en quelle année? J'imagine que tu as déjà un projet d'avenir ? » Après avoir lâché un petit rire, je répliquai - « Tu rigoles ? Les sciences c'est tellement passionnant. Ce sont de valeurs sûres, si précises, les progrès effectués sont impressionnants. L'observation, la réflexion, les découvertes. Partir à la recherche de pathologies rares et inexplicables, observer les gènes, remonter à la source de l'être humain ... Je suis en 4ème année. En fait je ne sais pas vraiment ce que je veux faire plus tard, mais j'aimerais intégrer un prestigieux cabinet de recherches génétiques, mettre mon savoir au service de l'humanité. Ça me plaît. » Je soufflai un peu, après ce long monologue, intense et plein d'ambition. « Et d'ailleurs, pourquoi la génétique ? » - demanda-t-il. « Pour pouvoir utiliser les microscopes les plus performants de l'état. » - répondis-je en riant. Enfin c'était vrai jusqu'à un certain point. J'adorais ce que je faisais, mais depuis l'accident, je cachais d'autres motivations. Je voulais retourner à la source de la pluie de météorites, découvrir la raison de cette catastrophe, comprendre pourquoi ma famille était morte : c'était une sorte de vengeance personnelle. Mais je voulais également en savoir plus sur mon don, et c'est une des raisons pourquoi j'avais demandé un poste dans la plus grande entreprise scientifique de la ville.

« Excuse moi, c'est simplement que je n'ai pas eu l'occasion de lire le journal depuis un moment. Le matin mon oncle se l'approprie, et je ne le revois plus de la journée – le journal je veux dire. » Jeremiah esquissa un sourire aux paroles de l'étudiante en génétique. Il haussa doucement les épaules, amusé avant de répondre: « Ne t'excuse pas. Tu n'es pas la seule à louper certains tirages du Post. » Il sourit. Katharina avait de l'humour, et il aimait beaucoup. « Je peux en faire parvenir deux exemplaires à ton domicile si tu veux, histoire qu'au moins l'un des journaux revienne entre tes mains? » Cela ne l'ennuyait pas de lui proposer cela. Il était toujours partant pour refiler des exemplaire du Post, après tout il était journaliste, il aimait qu'on lise ses articles. Et puis Kath semblait vraiment avoir besoin d'être mise au courant de certaines choses sur la ville et ses habitants.

« Tu rigoles ? Les sciences c'est tellement passionnant. Ce sont de valeurs sûres, si précises, les progrès effectués sont impressionnants. L'observation, la réflexion, les découvertes. Partir à la recherche de pathologies rares et inexplicables, observer les gènes, remonter à la source de l'être humain ... Je suis en 4ème année. En fait je ne sais pas vraiment ce que je veux faire plus tard, mais j'aimerais intégrer un prestigieux cabinet de recherches génétiques, mettre mon savoir au service de l'humanité. Ça me plaît. » Rien qu'à l'entendre parler, Jeremiah n'avait pas de mal à se rendre compte que la jeune femme était totalement passionnée par ce qu'elle faisait et il en était content pour elle. C'était rare de voir des étudiants passionnés par ce qu'il faisait. La plupart allait à la fac pour avoir un diplôme, puis ensuite un salaire qui saura couvrir leurs dépenses futures et une éventuelle famille. Rare étaient les étudiants qui bossaient sur des matières qui les intéressaient réellement, qui étaient heureux d'aller en cours. Plus la jeune femme parlait et plus le sourire du journaliste s'étirait. « Et bien on voit que tu es une passionnée. Tu veux être utile à la société, c'est tout à ton honneur. » Et d'ailleurs il se demandait si son envie de faire de la génétique avait un rapport avec ce qui s'était passé il y a quatre ans à Wellington. Toutefois il préféra ne pas en parler, ne voulant pas aborder des sujets trop lourds ce jour là. « Pour pouvoir utiliser les microscopes les plus performants de l'état. » « J'avoue que c'est une bonne motivation. » Kath était opportuniste apparemment. Mais de la bouche du jeune homme ce n'était pas un défaut, mais plutôt une qualité. Il fallait chercher ce qu'on voulait, qu'on désirait et ne pas attendre qu'on nous l'apporte sur un plateau d'argent. Ou en était alors la satisfaction? Il n'y en avait aucune.

Les deux jeunes gens arrivèrent près d'un café. Jeremiah se tourna vers l'étudiante et proposa, après avoir jeté un œil à sa montre. « Qu'est-ce que tu dirais de prendre un vrai petit dej? » Parce que mine de rien, lui aussi commençait à avoir faim. Bizarre, tout à l'heure, il aurait été incapable de manger quoi que ce soit.

Le journaliste sembla amusé. Il haussa les épaules avant de répondre - « Ne t'excuse pas. Tu n'es pas la seule à louper certains tirages du Post. » Jeremiah sourit. « Maintenant que je connais un de ces journalistes, je ne pourrais pas m'empêcher de le lire chaque jour. » Je ris doucement. « Je peux en faire parvenir deux exemplaires à ton domicile si tu veux, histoire qu'au moins l'un des journaux revienne entre tes mains ? » Je le regardais, souriante. Puis je secouai la tête négativement. « T'en fais pas, c'est pas la peine de te donner ce mal. Je peux très bien piquer le journal à mon oncle. Je ne vais pas me laisser faire par ce vieil ours. » J'arborais un sourire de vainqueur, comme si j'avais gagné un quelconque combat contre Seth. C'était futile, mais j'aimais ça. Cela changeait des profondes réflexions sur l'existence et autres grandes causes philosophiquement trop sérieuses. Quoi qu'il en soit, je notais l'attention que me portait le jeune homme, c'était gentil de sa part. À moins qu'il fasse tout simplement de la pub. Ce qui était légitime, après tout il était journaliste du Post.

Quand je décrivis mes études et les raisons qui m'avaient poussées à les faire, le sourire de Jeremiah s'étira largement.« Et bien on voit que tu es une passionnée. Tu veux être utile à la société, c'est tout à ton honneur. » Je m'étais peut-être emportée, mais j'estimais que quitte à travailler toute sa vie, autant le faire dans un secteur qui nous plaisait. « Oui, la société à besoin de gens comme nous. Malheureusement, peu de gens parviennent au bout et abandonnent dès la première année de Fac. » En effet, bien que la filière que j'empruntais était très demandée, les étudiants avaient rarement le courage pour accéder au diplôme final. Mais la mort de mes parents – contrairement à ce que l'on aurait pu croire – m'avait poussé à réussir, et ce qui me motivait était le plus cher à mes yeux. Je désirais comprendre. Mais je n'avouais ceci à personne, tout le monde pensait naïvement que je faisais ceci simplement pour utiliser les microscopes les plus précis de notre état. « J'avoue que c'est une bonne motivation. » J'acquiesçais. Puis nous arrivâmes devant un café, le jeune homme jeta un oeil à sa montre. Il se tourna alors vers moi en disant - « Qu'est-ce que tu dirais de prendre un vrai petit dej ? » Il était vrai que j'avais encore faim. Non, en fait ce n'était que de la gourmandise. Mais prendre un petit déjeuner en compagnie agréable pouvait être sympa. « Pourquoi pas. Tu as faim finalement, je t'avais dis de prendre ce beignet. » - dis-je en faisant référence à notre conversation antérieure. Le café semblait chaleureux, et la vitrine me faisait déjà envie. Une bonne odeur caféinée venait titiller mes narines. Jeremiah, galant, m'ouvrit la porte, et nous entrâmes tout deux dans la brasserie, prêts à remplir nos estomac, et à passer un bon moment.

FIN.